Article de Daniel Bordur publié le mercredi 4 décembre sur le site Reporterre.
Berger-paysan dans le Jura, Gérard Vionnet vient d’expérimenter sur un alpage des hauts plateaux du Vercors un système de garde protecteur du troupeau. Chance des débutants ou efficacité ? Il n’y a eu qu’une brebis tuée au lieu de cinquante les années précédentes.
Vétérinaire de 1979 à 1990, Gérard Vionnet élève depuis dix ans une dizaine de chevaux de monte et de trait, quelques vaches allaitantes, et quelques brebis pour les agneaux et la laine dans une ferme d’estive de soixante-dix hectares à 900 m d’altitude, à Vaux-et-Chantegrue, dans le Doubs. L’été, ses animaux entretiennent des espaces naturels (Natura 2000, pelouses sèches), tandis qu’il accueille en pension une centaine de vaches allaitantes suisses et des génisses montbéliardes.
Il participe aussi à un projet de réintroduction de céréales, dans le cadre d’un réseau de bergers-boulangers.
Reporterre – Vous vouliez garder votre troupeau en zone à loup. Pourquoi et comment ?
Gérard Vionnet – Je n’avais jamais gardé plus de deux cents moutons et je voulais garder avec le loup. Je veux aussi poser le problème du loup dans un contexte large… Ce que cache la problématique loup, c’est qu’on n’a pas les mêmes intérêts que les éleveurs. Les bergers croient les éleveurs solidaires, mais il y a beaucoup de différences. Je l’ai découvert en gardant pour deux bergers deux mille brebis dans la réserve naturelle des hauts plateaux du Vercors, la plus grande de France, avec huit alpages de deux mille moutons sur quatorze mille hectares.
Cela fait trente-sept ans que je connais le Vercors. Les hauts plateaux, c’est quarante km de long sur deux de large, sans habitation, sauvage, plat, sans eau. Parfois, on passe quarante jours sans pluie. Ils récupèrent les eaux superficielles lors des fortes pluies aux sources intermittentes qu’on capte alors pour remplir des réservoirs. Deux mille moutons, c’est sept mètres cubes d’eau en complexe d’abreuvement à gérer avec la mise à disposition d’une vingtaine de bassins.
Marin reconverti depuis deux ans, le berger n’avait jamais fait d’estive dans le Vercors, arrivait sans idée préconçue, avec une solide formation dans la Crau. J’avais le statut d’aide-berger, financé entièrement par les aides publiques, comme les filets de protection pour parcs de nuit et les quatre patous. C’est un dispositif accessible à tous et obligatoire pour être indemnisé en cas d’attaque. Il faut que les deux bergers s’entendent, gardent de la même façon.
Le retour du loup a révolutionné l’itinéraire technique de garde dans les montagnes françaises pour les bergers expérimentés. Pour certains, c’est une grande douleur de renoncer à un type de garde dans une montagne qu’ils adorent, qu’ils connaissent bien, où ils parvenaient à des pratiques de haut niveau. Il leur faut dire adieu à tout ça ! Maintenant, il y a des filets, des chiens, et il faut garder les troupeaux plus serrés.
Avant, il n’y avait pas de point d’eau sur les alpages du Vercors, les brebis mangeaient la nuit et on leur donnait du sel (pour conserver l’eau dans le corps). Maintenant, on met des citernes, comme chez nous dans le Jura, ce qui fait que le berger devra passer au point d’eau tous les trois jours, c’est une nouvelle contrainte. Mais si les brebis ont très soif, elles sur-pâtureront près du point d’eau…
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Propos recueillis par Daniel Bordur.
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