Lors du dernier groupe national loup qui s’est tenu à Paris le 8 novembre dernier, 3 groupes de travail ont été créés :
- Gestion de la population de loups (réunions les 18 décembre 2007 et 15 janvier 2008)
- Moyens de protection (réunions les 19 décembre 2007 et 15 janvier 2008)
- Suivi de la population de loups (réunion le 6 février 2008)
Le groupe « Gestion de la population de loups » s’est donc réuni hier. Compte-rendu de FERUS :
Premières réflexions pour la gestion du loup en 2008-2013
Le groupe technique chargé de faire des propositions au groupe national loup sur l’avenir de la gestion de l’espèce s’est réuni mardi 18 décembre à Lyon. Outre les administrations de l’Environnement et de l’Agriculture, et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, il réunissait des représentants de l’élevage (Frose, APCA, jeunes agriculteurs et FNSEA) et des associations naturalistes (FNE et Ferus).
La réunion s’est déroulée dans un bon climat, chacune des parties, sans renoncer à ses convictions, prenant soin d’écouter tous les arguments et de chercher à faire prévaloir des suggestions acceptables et réalistes. On était aux antipodes des débats concernant l’ours, pourtant bien moins prédateur et bien moins prolifique.
Le calendrier de la réécriture du plan d’action loup a été précisé. Des groupes de travail préparatoires se réuniront à nouveau le 19 décembre (sur le pastoralisme et la protection des troupeaux), puis le 15 janvier et enfin en février sur la récolte des indices de présence du loup. Le groupe national « loup » se réunira le 30 janvier puis autour du 15 mars de manière que le dispositif pour 2008 soit arrêté par le gouvernement au début de mai.
La journée de travail du 18 décembre était le suivant :
– définition des critères pour une gestion adaptative diférenciée selon les territoires ;
- évaluation et évolution du protocole technique d’intervention sur la population de loups.
Ferus a rappelé ses positions qu’il avait adressées par écrit.
L’administration, en réponse, a confirmé qu’il n’était pas question de modifier les dispositions fondamentales du plan loup en vigueur.
Elle a également admis que le loup se gèrerait d’abord lui même : quelles que soient les décisions que prendront les hommes, il s’installera là où il trouvera de bonnes conditions, malgré les prélèvements. Il faudrait mobiliser comme autrefois des moyens énormes, avec une presssion constante partout, pour obtenir une régression de sa population, ce que personne n’envisage.
Tout ce qui suit doit être placé dans une perspective d’augmentation de la population de loups qui croît environ de 20 à 30% par an en ce moment malgré des aléas (disparitions de meutes ou d’individus dues au braconnage). Les zones de présence permanente -ZPP- (loups « sédentarisés » depuis plus de deux ans) dépassent la vingtaine, et des individus isolés ont été détectés en différents endroits hors des Alpes. Le prochain plan doit prévoir des installations de loups aléatoires en divers points du territoire.
Les éleveurs ont confirmé que leur première préoccupation était de faire baisser d’une manière ou d’une autre la pression sur les élevages.
Les associations de protection estiment quant à elles que l’objectif ne peut pas être de faire baisser la pression par une limitation du nombre global de loups. La « gestion différenciée », cela signifie qu’il y aura des endroits où après analyse de la situation -notamment s’il n’y a pas de proies sauvages- l’on acceptera qu’on tire sur les loups avec moins de restrictions qu’ailleurs.
Le scénario d’une « régulation » est d’ailleurs mis à mal par des exemples concrets, comme celui d’une zone en Italie où toute une meute avait été empoisonnée : dix jours après une autre meute l’avait remplacée, car l’habitat et la nourriture étaient très favorables. De manière générale il semblerait qu’une meute amoindrie par la mort d’un ou plusieurs membres attaque encore plus le bétail, sans doute parcequ’elle a moins de moyens d’attraper les proies sauvages.
L’administration est très concernée par la question des temps qui suivent immédiatement la révélation de l’installation d’un loup dans une nouvelle zone. Il faut éviter la surmédiatisation, les réactions de panique ou de rejet absolu, il faut essayer d’expliquer ce qui va se passer. Il faut former des agents dans les départements en phase d’occupation par le loup pour accompagner cette arrivée.
Chacun convient qu’il faudrait des règles simples, ce qui n’est pas toujours possible, et que leur établissement come leur explication devraient être compréhensibles pour les destinataires.
La question du coût global du programme « loup » est abordée. L’administration précise qu’un plafonnement des crédits au niveau actuel (environ 5 millions d’euros, comprenant le suivi scientifique, la communication, les indemnisations de dommages et surtout les mesures de prévention) n’a pas été décidé, mais qu’en revanche il serait déraisonnable de ne pas inclure le facteur coût dans les projections qui seront faites.
L’ensemble des dispositions permettant la protection des troupeaux, la prévention des attaques et l’indemnisation des dommages n’est bien sûr pas remis en question. Si des évolutions et des améliorations sont possibles, elles seront évoquées dans un autre groupe de travail, mais il va de soi que les interventions sur des loups resteront subordonnées au respect des dispositions prises pour, avant tout, empêcher les attaques.
Les experts rappellent que le loup a besoin de nourriture et de tranquillité, mais que ces deux facteurs, nécessaires, ne sont pas forcément suffisants « du point de vue du loup » puisque dans des zones qui semblent très propices il ne s’installe pas toujours. Il est donc impossible d’établir une carte des futures implantations.
L’administration déclare qu’il faudra revoir les méthodes de recueil d’indices de présence et de reproduction dans les zones de plaine, où la neige est presqu’absente. En général l’arrivée du loup est discrète et l’on ne s’aperçoit de sa présence ou de son passage qu’avec la découverte de cadavres d’animaux sauvages ou domestiques.
Un vif débat s’instaure sur l’installation d’un loup dans les zones non préparées à cette arrivée, cas de la Valdaine il y a deux ans. Certains veulent qu’on laisse au préfet le soin de décider s’il faut abattre le loup au moins le temps de préparer le terrain pour de nouvelles arrivées, d’autres comme Ferus demandent qu’on commence par épargner le loup et qu’on rembourse au plus vite les dégârts le temps d’apprécier si la zone a vocation ou pas à devenir une « ZPP » (présence de proies sauvages et espaces de tranquillité, élevage susceptible d’être protégé).
Dans les ZPP,les participants préconisent d’affiner plusieurs critères avant de décider d’un mode de gestion : celui de la « pression de prédation » (qui n’est pas la même selon que dix ou quinze attaques sont étalées sur onze mois ou concentrées sur deux mois d’été), autrement dit le nombre d’attaques rapporté aux jours de présence. Il faut tenir compte de l’existence de zones impropres au déploiement de tous les moyens de protection, et bien sûr au sérieux de ces derniers. Les attaques ont de plus en plus tendance à intervenir de jour (si les troupreaux sont bien protégés la nuit) et en zone forestière basse et intermédiaire, au printemps et à l’automne, car sous bois on a du mal à surveiler les moutons, on ne voit pas les attaques.
Hors ZPP il faudra connaître le nombre d’éleveurs potentiellement concernés, les modes d’élevage et les animaux domestiques susceptibles d’être tués par le loup, la taille et la répartition des exploitations, bref établir une grille de critères qui permettront de voir si la poursuite des attaques sera « supportable » ou pas.
Le sentiment que les décisions les mieux adaptées se prennent au niveau local prévaut, mais on évoque les pressions (politiques, professionnelles) que subiront les préfets et le manque de culture de la conservation dans certains cercles de décideurs. Il faudra au moins une consultation de groupes départementaux sérieusement constitués.
La profession est très favorable à une généralisation des autorisations de « tirs de défense » dans les zones où les moyens de protection se révèlent inopérants, c’est la meilleure façon d’éviter le désespoir des éleveurs et cela facilite le dialogue avec eux.
D’aucuns rappellent que beaucoup d’éleveurs n’ont pas envie de tirer et ne son pas chasseurs. Cela dit de plus en plus s’inscrivent à des sessions de préparation du permis de chasser pour avoir le droit de se défendre (26 inscrits à la session dans le 06 cette année).
Un débat s’instaure sur le type d’arme à utiliser en dernier ressort, si l’autorisation de tir est donnée. Il est clair qu’on ne tue pas de loup (sauf exception rarissime) avec un fusil, qui ne porte pas au delà de 40m. Les autorisations de tirs de défense s’apparentent ainsi davantage à de l’effarouchement, il s’agit pour l’éleveur de ne pas se sentir totalement désarmé notamment si un ou plusieurs loups se montrent près du troupeau, et pour le loup de comprendre que le mouton n’est pas une proie sans risque. Mais aucun loup n’a été tué en France dans ces conditions jusqu’à présent, malgré les autorisations.
La majorité du groupe est contre l’emploi de carabines avec ou sans lunette en tir dit « de défense » auprès des troupeaux . Et d’abord pour des raisons de sécurité (on risque de graves accidents d’hommes si les éleveurs stressés par le loup commencent à balancer des coups de carabine mortels à un kilomètre dans les montagnes, surtout dans la pénombre). La carabine maniée notamment par des gens très avertis pourra être utilisée comme c’est déjà le cas en dernier ressort si les moyens de protection ont été déployés, s’ils restent inopérants, et si la population locale de loup peut supporter un retrait.
Le groupe traitera en janvier du braconnage.
Ferus demande que pour la prochaine séance l’administration rédige un avant-projet de plan loup (volet « gestion ») et de protocole d’intervention pour mesurer ce qui serait susceptible de changer par rapport à 2007, étant entendu par tous que le groupe national est seul compétent pour faire les propositions officielles.