C’est une décision inattendue : le gouvernement roumain a décidé le 4 octobre dernier d’interdire la chasse sportive de l’ours, du loup, du lynx et du chat sauvage. Une bonne nouvelle et un répit de taille pour ces espèces de plus en plus chassées depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007. En 2016, les quotas de chasse concernaient 550 ours, 600 loups et 500 lynx.
Au cours de la dernière décennie, la chasse en Roumanie est devenue une industrie de plusieurs millions d’euros ; le pays accueillait jusqu’à présent des chasseurs du monde entier venus débourser jusqu’à 10 000 euros pour un trophée. Pourtant, en vertu des lois européennes qui protégent la faune (notamment Directive Habitats), les espèces concernées sont protégées dans tous les Etats membres, Roumanie inclus. Comme l’a expliqué le gouvernement, la chasse sportive reposait sur une lacune : même si ces espèces sont protégées, l’Union européenne permet leur abattage ciblé en cas de danger aux personnes ou de dommages aux troupeaux (cf. en France où les loups sont abattus, y compris par des chasseurs, sous couvert de dégâts sur les troupeaux domestiques). Alors, chaque année, des centaines d’associations de chasse roumaines soumettaient leurs chiffres : la population totale de chaque espèce de grands carnivores et le nombre susceptible de causer des dommages. Ces chiffres servaient ensuite à déterminer le quota de chasse. En clair, les associations de chasse arrivaient à décider du nombre d’animaux à l’origine de dégâts, avant même que ceux-ci se produisent ! Cette méthodologie a eu pour effet de surestimer les populations de grands carnivores, comme le dénoncent les ONG. Les chiffres officiels font état de 6000 ours et 4000 loups en Roumanie.
Cette interdiction devrait diviser les habitants des zones urbaines, largement en faveur de l’arrêt de la chasse, contre les habitants des zones rurales qui considèrent les grands carnivores comme une nuisance pour les éleveurs. Pour eux, la chasse est la seule solution. Pour Csaba Domokos, de l’ONG Milvus, la chasse n’a pas réduit les dommages jusqu’à présent ; plusieurs études ces derniers temps ont d’ailleurs montré son inefficacité. Une unité spéciale doit être mise en place pour évaluer les dommages causés par les grands carnivores et y remédier. Le ministère de l’environnement envisage notamment de déplacer certains animaux dans les pays intéressés par des relâchers.
L’interdiction annoncée par le gouvernement fait suite à une demande grandissante pour la protection des montagnes et à la condamnation de dizaines de forestiers, chasseurs et responsables locaux pour corruption. Pour la ministre de l’environnement Cristiana Pasca-Palmer, cette interdiction va remettre les choses sur la bonne voie, conformément à la Directive Habitats.
Traduction et adaptation d’après un article du Guardian