Par Bertrand Goudard pour FERUS
D’où vient cet ours Dino … et où finira t’il ?
Jeune mâle d’environ 4 ans immigré (naturellement) de Slovénie l’année dernière, l’ours Dino ( en référence à Dino Buzzati), dénommé M5 par les scientifiques, s’était installé en 2009 à la limite du Trentin Oriental parcourant régulièrement le magnifique parc des Dolomites. Une arrivée attendue et suivie par la communauté scientifique, puisque Dino n’est que le deuxième ours slovène à se rapprocher autant du noyau du trentin en 10 ans. Un espoir important au niveau biologique puisque Dino est susceptible d’apporter son patrimoine génétique à une population d’une trentaine d’ours qui sont tous issus de la reproduction de deux mâles, Jose et Gasper…
Oui mais voilà, Dino fait bien malgré lui le buzz sur internet en Italie depluis plusieurs semaines … Sorti d’hibernation fin février, Dino se montre très mobile et s’est déplacé vers le sud en direction de Verone puis Vicence (région de la Vénétie), quittant ainsi son territoire. Ses déplacements ont pu être suivis grâce à son collier émetteur, fixé l’année dernière, et qui s’est depuis éteint, en panne de batteries ou endommagé. Nous sommes alors à la sortie de l’hiver et Dino a besoin de reconstituer sa couche de graisse et il s’aventure dans des régions que les ours ne fréquentent pas habituellement et où les troupeaux sont peu protégés… C’est ainsi que durant deux mois, Dino va commettre des dégâts dans les poulaillers et, comportement quelque peu atypique, s’attaquer à des ânes dont il fera une douzaine de victimes sur cette période.
Son cas est maintenant connu dans toute l’Italie, plusieurs pages Facebook ont été créées, rassemblant 15 000 et 20 000 personnes, militant pour qu’on le laisse en liberté, des Tee shirt à son effigie ont même été fait. La communauté de montagne d’Asiago est, elle aussi, convaincue que sa présence ne peut être que bénéfique pour le tourisme et a décidé d’en faire sa publicité avec un poster de Dino où est écrit : « l’ours brun calme et paisible habitant de la forêt » (voir photo)
Cette campagne a même convaincu les hoteliers, d’abord inquiets des éventuelles conséquences sur la saison touristique des pérégrinnations de Dino, mais maintenant satisfait de voir que les réservations n’ont pas été affectées.
Oui, mais dans ce joli monde il y a un mais …. tout ne peut être parfait, et la région de la Vénétie et les habitants de Vicence ne l’entendent pas de cette oreille. A l’approche des montées en estives, les agriculteurs s’inquiètent de la présence de Dino sur leurs paturages et nombreux sont ceux ayant déjà menacé d’accueillir Dino au fusil s’il s’approchait de leurs bêtes. Pour eux Dino serait un ours à problème qui a depuis trop longtemps dépassé les limites de l’acceptable… et il doit être reconduit à la frontière, dans son pays d’origine… voilà ce qui est ressorti d’une réunion en date du 21 mai. Depuis la préfecture par l’intermédiaire de son conseiller à la chasse a déposé une demande officielle auprès du ministère de l’environnement afin de capturer le plantigrade et le renvoyer en Slovénie…
Rien n’est encore acquis, le retrait de l’ours Dino représenterait en effet une dérogation au régime général de protection de cette espèce menacée. Les lois italiennes et communautaires exigent l’approbation du ministère de l’environnement, sur les conseils de l’ISPRA (Institut supérieur pour la protection et la recherche scientifique pour l’environnement), avant toute action de capture ou d’enlèvement d’un ours. Avant de prendre une décision que tout le monde qualifie d’extrème, l’ISPRA estime qu’il faudrait mettre en oeuvre tous les efforts possibles pour essayer de changer son comportement et prévenir les dommages au bétail, et les risques éventuels pour l’homme. Avant d’exprimer son avis, l’ISPRA a donc demandé aux administrations qui suggèrent la capture de l’ours de préparer un rapport sur les mesures qui ont été prises et mises en applications pour traiter de ce cas.
L’approche technique suivie par l’Ispra est fournie par le plan d’action pour la conservation de l’ours brun dans les Alpes centrales et orientales (PACOBACE, lien en italien dans le texte: http://www.minambiente.it/opencms/export/sites/default/archivio/allegati/biodiversita/orso/orso_bruno_2010_BASSA_ISPRA.pdf) et suivie normalement par le ministère de l’environnement. Le document qui a été élaboré avec toutes les régions et provinces autonomes des Alpes a été adopté par le ministère de l’environnement et toutes les administrations locales des Alpes centrales et orientales (dont la Vénétie). Il notifie l’ensemble des procédures que ce soit le monitoring, les moyens de protections des troupeaux, les procédures d’indemnisation dont ont fait l’objet par exemple les éleveurs victimes de Dino, la communication sur l’ours à l’attention du public… etc. Le texte représente, par conséquent, le document de référence en matière de gestion et protection de l’ours brun dans les Alpes, et c’est normalement à ce document que les autorités vont se référer pour prendre une décision pour l’ours Dino.
Dans tous les cas la décision prise en Vénétie ne manque pas d’interpeller, comme si un animal pouvait voir cette ligne imaginaire que l’homme a tracé a travers les montagnes pour délimiter son territoire … Ce cas n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de l’ours Bruno qui avait fini par être abattu en Allemagne après avoir navigué en Autriche et en Suisse, ce qui avait d’ailleurs créé un vif émoi en Italie à l’époque. Les associations de défense de la nature en sont bien conscientes et militent pour cette boule de poils de près de 200kg. En effet, comment et pourquoi faire accepter à la Slovénie un retour de son ours qui poserait des problèmes en Italie. Sans campagne d’intimidation et de préventions son comportement ne se modifiera pas, et dans un pays où la chasse est autorisée, il ne fait aucun doute que Dino rentrera facilement dans le quota des 75 ours qui peuvent être chassés en 2010.
C’est pourquoi des associations comme le WWF critiquent ouvertement et à juste titre une éventuelle capture de Dino qui ne répond en rien au plan d’action pour la conservation de l’ours, tel que défini par le PACOBACE. L’association fait d’ailleurs remarquer que si la conférence nationale sur la biodiversité alors en cours à Rome souligne la valeur de celle-ci et la nécessité de protéger chaque élément de la plupart des espèces en danger, ce n’est pas pour à coté capturer et enlever la liberté à un animal sauvage aussi rare et précieux que l’ours brun, symbole des Alpes, et qui ne compte qu’une trentaine d’exemplaires dans le Trentin. D’autant que le comportement de Dino n’a rien d’anormal, tout au plus atypique, en prédatant non pas des moutons mais plutôt des ânes, qui sont des proies faciles pour lui. Il n’a en revanche jamais montré d’agressivité envers l’homme, et s’est toujours montré très discret puisque, malgré ses méfaits, il n’a jamais été aperçu… preuve de sa prudence envers l’homme. Le retrait de Dino ne peut dans tous les cas être le préalable à la mise en place des outils nécessaires à la protection des troupeaux, comme la présence de clotûres électriques, la présence de chien de protection ou tout simplement des mesures d’effarouchement avec l’utilisation de cartouches en caoutchouc. Seul un échec de l’ensemble de ces mesures, pourrait réellement justifier la capture de Dino, ce qui est encore loi d’être le cas …
Quelle solution alors ? Laissé Dino libre comme le souhaite 73% de la population locale ? cela semble compliqué comme le soulignent même certains membres de l’ISPRA devant le comportement imprévisible de Dino qui ne facilite pas les choses. En effet certains craignent que Dino mette à mal l’ensemble du projet « Ours » qui nécessite l’acceptation et la collaboration de la population.
Si d’aucun en Italie reconnait que l’ours représente un risque faible pour l’homme (aucun incident depuis 150 ans), la sortie d’hibernation de Dino a été pour le moins tapageuse, celui ci ayant besoin d’un apport en proteine important. Avec l’été, son régime alimentaire devrait le rendre plus discret, devenant plus végétarien que carnassier avec au menu des bleuets, des baies et du miel bien sûr… Un grand producteur de miel n’a d’ailleurs pas perdu le nord et le sens des affaires pour se faire un coup de pub dans cette affaire. Devant l’appétit de Dino celui-ci a proposé de mettre à disposition des gardes de l’office national des forets 1 tonne de miel afin de détourner l’attention de l’ours des poulaillers … 🙂
Aujourd’hui bien que les services de la préfecture de Venetie soient en alertes, il faudra du temps avant qu’une éventuelle capture puisse être effective. Cette région n’est pas habituée à la présence de l’ours et ses agents encore moins formés à sa capture. De plus, il faudra satisfaire aux lois fédérales, nationales et communautaires quant à la gestion de l’ours dans l’arc alpin, chose dont la région de Vénétie ne se soucie peut être guère quand on voit qu’elle continue par exemple à délivrer des permis de chasse pour des espèces d’oiseaux protégées. Mais Dino n’est pas un pigeon … comme tout ours il a su attendrir son public et la presse en a fait une icone nationale. Il n’est donc pas exclu qu’il continue à arpenter librement les territoires de son choix.
Aux dernières nouvelles, Dino a rebroussé chemin, ses traces ayant été découvertes sur son territoire de l’année dernière à côté du parc national des dolomites sur la commune de Mezzano.
L’ours Dino aura donc fait couler beaucoup d’encre ce printemps … L’happy end que tout le monde espère est évidemment qu’il trouve le chemin du noyau du Trentin (qui n’est qu’à une cinquantaine de km à l’ouest, distance qu’il a déjà parcouru en une seule nuit) et qu’il se reproduise, apportant ainsi son concours au succès du retour de l’ours en Italie et dans l’arc alpin.
Par Bertrand Goudard pour FERUS
Sources :
– http://www.ansa.it/ambiente/notizie/notiziari/natura/20100525121735085305.html
– http://liberazione.it/rubrica-file/orso-dino-veneto.htm
– http://www.lastampa.it/lazampa/girata.asp?ID_blog=164&ID_articolo=1704&ID_sezione=339&sezione=News
– http://www.wwf.it/client/ricerca.aspx?root=25145&content=1
– http://www.ilgiornaledivicenza.it/stories/Home/154714_asiago_1_quintale_di_miele_per_addolcire_dino/
– http://www.asiago.to/news.php?idEvento=1205&lang=IT
– http://www.facebook.com/group.php?gid=116314305061585&v=wall
4 commentaires sur “Italie : Dino ou un ours ordinaire qui fait le buzz”
moui frank mais la chasse appartient tout de meme a une autre époque maintenant.il ya d’autres solutions.mais c’est vrais que la pollutions,fragmentations des térritoires naturels,agricultures irraisonnées sont les facteurs expliquant la destruction du monde sauvage.la chasse est respectueuse chez les indiens d’amazonie,d’asie.mais chez les pays riches,elle dénotes surtout une logique de destructions et de controle chez l’homme occidentale;et bien sur une peur du sauvage
Franck je réponds par rapport à la fin de ton message avec lequel nous ne sommes pas d’accord. L’adaptation des ours relâchés entre 1996-1997 et 2006, les naissances constatées in situ ou la colonisation de nouveaux territoires nous rappellent qu’en terme d’habitats favorables, le massif pyrénéen n’a rien à envier aux Monts Cantabriques
en Espagne ou à la chaîne des Abruzzes en Italie. Les Pyrénées sont toujours favorables à l’ours brun et pourraient abriter 500 individus. la nourriture y est abondante notamment. Aujourd’hui ce sont de nouveaux lâchers qui s’avèrent indispensables pour sauver l’ours des Pyrénées ainsi que la création de vastes zones de tranquillité,
interdites aux battues avec chiens courants, notamment dans les zones-refuges connues (les secteurs de tanière et d’élevage des jeunes et les zones d’alimentation automnale entre autres). Amicalement
Il n’y a pas de raison que les Slovènes chassent moins l’ours tant que cette activité est gérée avec intelligence et ne menace pas la pérennité de l’espèce en Slovénie. Or jusqu’à maintenant les Slovènes ont su plutôt bien gérer la chasse puisque ce petit pays européen à une des densités de grands carnassiers parmi les plus importantes d’Europe si ce n’est pas la plus importante.
La chasse n’a jamais été le facteur unique principal de la disparition d’espèces animales. En effet, mis à part des cas extrêmes, la chasse contribue à la disparition d’une espèce seulement lorsque cette dernière est déjà affaiblie par la fragmentation et destruction de son habitat. Dans un biotope sain la plupart des espèces animales sont capables de supporter une forte pression de chasse.
Actuellement, et ceci est trop souvent occulté, la première menace dont sont victimes la plupart des espèces animales est la destruction, la fragmentation et l’appauvrissement du biotope duquel elles dépendent.
La monoculture forestière et agricole, la disparition des prairies naturelles remplacées par l’herbage artificiel, les pesticides, les routes, la bétonisation des biotopes…sont les facteurs principaux amenant une espèce à disparaître, quant à la chasse cette activité donne le coup de grâce.
En ce qui concerne un pays comme France aux biotopes fortement dégradés par l’urbanisation anarchique, l’agriculture productiviste, la sylviculture non respectueuse de la diversité biologique de la forêt, il est évident que les quelques lynxs, loups et ours qui vivotent sur ce territoire ne peuvent en aucun cas supporter une pression de chasse. Par contre le jour où la chasse devrait être autorisée pour ces espèces nous pourrons nous réjouir car cela signifierait que les populations se seraient reconstituées, seraient vigoureuses car évoluant dans un milieu naturel en partie restauré.
Le loup sera probablement le premier à reconstituer des effectifs important si le braconnage est maintenu sous contrôle. Le loup est un animal ayant une très capacité d’adaptation, capable de s’accomoder de n’importe quel couvert forestier tant que celui-ci abrite du gibier en abondance, ce qui est le cas en France pays regorgeant de chevreuils et sangliers…
En revanche je suis beaucoup plus pessimiste concernant l’ours. Ce dernier en raison de son alimentation a en effet besoin d’un couvert forestier le plus naturel possible, ce qui est rare en France de nos jours…
C’est une excellente nouvelle ! Au moins, en Italie, il sera mieux accueilli que chez nous. Il faudrait que les Slovènes chassent moins d’ours…Franska