De nouveaux ouvrages pour la grande faune sur des infrastructures routières anciennes
Les continuités écologiques sont constituées par tous les milieux naturels qui permettent aux animaux et aux végétaux de se répandre dans le territoire.
Le Grenelle de l’Environnement a mis en avant le concept de « Trame verte et bleue » qui correspond à cette notion de continuités écologiques. Ce sont donc les éléments du paysage qui par leur nature attractive ou leur rôle de guide naturel constituent des voies de passage entre les habitats terrestres et aquatiques.
Bien que la trame verte et bleue soit un concept récent et relayé par une communication activement développée depuis le Grenelle, le rétablissement des continuités écologiques est une réalité sur les projets routiers depuis déjà 40 ans, en Amérique du Nord et en Europe, y compris dans les pays de l’est. Les continuités écologiques portent sur des organismes vivants de plus en plus variés. Les applications les plus originales concernent des petits vertébrés, notamment des amphibiens, des reptiles, des chauves-souris mais aussi des insectes.
Les populations de grands mammifères séparées par les grands projets routiers ont été les premières espèces prises en compte. Au cours des années 1970-80, ces aménagements ont souvent été soutenus par les fédérations départementales des chasseurs, les associations s’intéressant aux grands mammifères, quelques élus sensibles à des espèces emblématiques comme le cerf, le chevreuil ou le sanglier …
Des évolutions importantes ont marqué l’histoire des passages à faune depuis des passerelles étroites et mal positionnées jusqu’aux réalisations récentes, larges, aux abords bien pensés, y compris la gestion des espaces riverains. Tout n’est pas idéal, mais la tendance des suivis réalisés après la réalisation des ouvrages confirme un meilleur taux de réussite des passages réalisés après 1990.
Jusqu’au début des années 2000, la conception des ouvrages a toujours été intégrée aux grands projets d’infrastructures nouvelles, notamment les autoroutes concédées (à péage). C’est ainsi que le nombre de passage pour la faune est de plus en plus important au fur et à mesure du programme autoroutier avec une augmentation de la densité des ouvrages le long des axes les plus récents. Les dernières sections comportent de plus en plus d’ouvrages dans des secteurs qui étaient jugés secondaires auparavant, notamment lorsqu’ils relient des petits massifs forestiers et même des boqueteaux en plaine de culture.
Ce qui est nouveau depuis la seconde moitié des années 2000, c’est l’élaboration de projet en « rattrapage » sur des infrastructures anciennes. Le besoin est apparu progressivement sur des routes au trafic de plus en plus élevé. Les équipements successifs pour faire face à l’augmentation régulière du trafic ont abouti à la mise aux normes autoroutières de certaines routes nationales. Les programmes d’équipement n’ont presque jamais abordé le sujet de l’effet de coupure, dans la mesure où la route existant déjà, il était implicitement admis que les dommages étaient faits.
La route nationale 2 dans la traversée de la forêt de Retz est un cas exceptionnel. Les premières demandes d’ouvrages ont été formulées au début des années 1990 par des chasseurs de cerfs, naturalistes. C’était peu de temps après la mise en deux fois deux voies de cette route qui constitue un des axes majeurs entre Paris et la Belgique. Il a fallu attendre 20 ans pour que le projet aboutisse. Il a été financé dans le cadre du programme de modernisation de la route 2009-2014 entre la limite de l’Ile-de-France et Soisson. Le résultat est un ouvrage imposant de 35 m de large au centre, ce qui en fait un ouvrage plus large que la moyenne des réalisations françaises. Cet ouvrage, qui a coûté 4,3 Millions €, a été inauguré il y a moins d’un an. Malgré son caractère exceptionnel, la communication a été limitée autour de cette réalisation remarquable.
Plus récemment, plusieurs sociétés d’autoroutes ont signé avec l’Etat un programme qui s’inscrit dans le plan de relance du gouvernement : le « Paquet vert autoroutier ». Parmi les propositions faites par les concessionnaires, deux ouvrages ont été décidés sur d’anciennes autoroutes sans passage faune (initiative de la société Escota, groupe Vinci). Dans le cadre des activités du bureau d’études OGE, j’ai positionné ces deux ouvrages et indiqué leurs caractéristiques techniques. Ils devraient être réalisés dans le courant de l’année 2012. Le premier sur l’A8 contribuera notamment à favoriser le passage des ongulés vers le massif de la Sainte Baume que les loups ont colonisé ces dernières années. Le second se situe sur l’A57 globalement entre le massif de la Sainte-Baume et le massif des Maures.
Tant de massifs forestiers ou de montagne n’ont pas eu le même traitement. Nous connaissons des sections de routes nationales qui viennent d’être réaménagées où une information relative aux besoins de passages faune a été clairement expliquée aux services instructeurs et aux aménageurs sans aucune prise en compte. Cela concerne des cerfs en plaine, mais aussi des grands carnivores, notamment les lynx dans le Jura ou encore les ours dans certaines vallées pyrénéennes. Le savoir-faire existe. Il reste maintenant l’essentiel, la décision politique à prendre.
Vincent Vignon pour La Gazette des Grands Prédateurs, 22 février 2011.
Lire aussi : « SPVB et l’ours, FERUS relande les demandes de passage à faune », FERUS (2/03/11)