A propos des parcs à loups..

A propos des parcs à loups..

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Depuis plusieurs années un certain nombre de personnes nous demandent de mener une réflexion sur la question des loups en captivité au sein du conseil d’administration GLF, voire de prendre une position « pour » ou « contre » et de rendre public le résultat de notre réflexion. Plusieurs d’entre nous se sont donc penchés sur cette question, en y associant quelques adhérents motivés par ce travail, et quelques arguments extérieurs au GLF, glanés ici et là. Voici le résultat de leur réflexion. A vous, lecteur, de vous faire votre propre opinion.

Sur l’opportunité de prendre une position

Certains pensent que le GLF doit absolument se positionner sur la question des parcs à loups et autres parcs de vision. D’autres (les plus nombreux) non. D’autres encore n’ont pas d’avis. Il est clair que la détention de loups, ou d’autres espèces, en captivité, pose un véritable problème de conscience à certains de nos adhérents. Il est non moins clair que prendre une « position » rigide sur ce sujet mécontentera forcément l’autre « camp ». Devons-nous prendre le risque de mécontenter nos adhérents par des positions trop tranchées ou devons-nous simplement exposer à chacun les points de vue en présence ? Nous avons finalement opté pour cette dernière solution (par décision de CA du 17 mars). Par ailleurs, rappelons que les statuts de notre association indiquent tout de même clairement que le but du GLF est de « favoriser la réussite du retour loup partout en France où les conditions sont favorables ». Les raisons de la fondation de notre association concernent fondamentalement la question de la présence de l’espèce Canis lupus au sein de notre faune indigène, et par là même de sa cohabitation avec la société humaine. La question de la tenue en captivité ou non de loups est donc marginale selon nous par rapport à la problématique principale.

Des animaux captifs de plus en plus nombreux..

Les « parcs à loups » français les plus connus sont le parc de Ste Lucie (Lozère), le parc de Ste Croix (Moselle), la « Maison des loups » d’Orlu (Ariège), le parc de Courzieu (Rhône). On peut ajouter un nouveau venu : les loups de Chabrières (Creuse). Bien sûr cette liste n’est pas exhaustive. De nombreux loups sont également visibles dans divers autres enclos ou zoos, plus ou moins grands, plus ou moins bien équipés, aux buts plus ou moins commerciaux, au discours pédagogique plus ou moins affirmé. A titre indicatif, un parc comme celui de Ste Lucie (Les loups du Gévaudan) accueille chaque année de 80 à 100.000 visiteurs. Des loups captifs se rencontrent également chez des particuliers (on parle de 300 loups captifs en France !), ainsi que chez des « dresseurs » ou des « montreurs » d’animaux divers, dont nous ne parlerons pas dans le cadre de cet article. De même que nous n’aborderons pas l’existence des parcs à loups de même nature que l’on peut découvrir dans d’autres pays d’Europe, comme par exemple le fameux parc de Bayerischerwald en Bavière pour ne citer qu’un seul exemple hors frontière. Le terme de semi-liberté parfois utilisé est impropre : la semi-liberté n’existe pas, l’animal est libre ou il est captif. Ceci dit ce terme est passé dans le langage courant et il est généralement utilisé pour désigner des enclos plus vastes que dans la plupart des jardins zoologiques classiques où les surfaces disponibles pour les loups ne dépassent pas 500 m2. A noter que le GLF a approuvé, en son temps, la décision de l’Etat de « marquer » les loups captifs au moyen d’une puce électronique. Et il ne cesse de mettre en garde les particuliers lorsque, régulièrement, des courriers ou des appels téléphoniques nous parviennent qui demandent « comment on peut se procurer des loups » ! Il n’est pas inutile de rappeler encore une fois que la loi interdit la détention de loups captifs, sauf autorisation spécifique délivrée par le Ministère de l’environnement. Et surtout que le loup n’est pas un animal « domesticable ». Animal sauvage, le loup a besoin de vivre au sein d’une structure sociale hiérarchisée, il a besoin de vivre en meute en liberté, ou, s’il est captif, dans un vaste espace à l’intérieur duquel il peut se déplacer relativement librement. Il n’est évidemment pas à sa place dans une cage, dans un appartement ou un pavillon de banlieue quel que soit l’intérêt que l’on puisse porter à cet animal, si tant est qu’il le soit dans un enclos grillagé, si grand soit-il..

D’où viennent les loups captifs ?

Les loups présents dans les « parcs à loups » ne sont pas des loups sauvages, capturés pour être ensuite enfermés, mais toujours des animaux nés en captivité, provenant d’échanges avec d’autres parcs zoologiques ou abandonnés par des particuliers inconscients. Quelques structures d’accueil très spécialisées existent par ailleurs pour recueillir ces animaux, comme celui de l’association belge CAEL/ASBL, par exemple, où les animaux abandonnés par leurs propriétaires sont récupérés et stérilisés. Bien sûr, il faut reconnaître qu’historiquement la présence de ces animaux dans les zoos et parcs n’a été possible au départ qu’à l’aide de prélèvements dans la nature, le plus souvent au Canada ou en Europe de l’est, puisque c’est l’origine même de la création des zoos. Il en est de même pour les animaux naturalisés présentés dans les muséums qui jusqu’à une date assez récente étaient prélevés dans la nature. Une mention particulière doit être faite pour certains cas particuliers d’élevage destinés à mettre une espèce hors de danger d’extinction : c’est le cas de diverses espèces animales, dont le loup rouge, Canis rufus, aux Etats-Unis, élevé dans des conditions naturelles dans de grandes réserves pour être ensuite réintroduit dans son milieu d’origine, dans le cadre de programmes scientifiques rigoureux validés par les autorités de l’Etat.

Zoos ou parcs animaliers ?

Notons d’abord qu’à notre connaissance, il n’y a pas de différence juridique entre zoos et parcs de vision. Le plus étriqué des enclos peut donc, s’il le désire, utiliser à loisir le terme de parc de vision ou de parc à loups pour assurer sa promotion. Au client, au consommateur, de faire son choix.

Dans les zoos dits « traditionnels », les loups se retrouvent captifs sur des surfaces réduites, parfois même sur des sols bétonnés pour faciliter le nettoyage, où ils deviennent neurasthéniques et arpentent le terrain le long du grillage en d’interminables allers-retours désespérés. A l’installation exiguë s’ajoute le manque de zones couvertes et de refuges afin que le public puisse avoir le maximum de visibilité. Le stress qui en découle est encore augmenté par une présence humaine trop proche. Le plus affligeant est que ce type de structure fait naître (ou renaître) chez un public le plus souvent familial un sentiments de supériorité mêlé de crainte voire de dédain vis à vis des animaux ainsi exhibés. Les petits parcs animaliers, de ce point de vue, comportent les mêmes inconvénients.

Dans les grands parcs animaliers, les loups peuvent se déplacer sur des surfaces de plusieurs milliers de m2, voire d’hectares où ils peuvent ainsi reconstituer les rudiments de la vie en meute avec une notion embryonnaire de territoire, même si, en liberté, le territoire vital d’une meute est évidemment bien largement supérieur au plus grand des enclos.. Les rapports avec les hommes y sont cependant altérés puisqu’ils sont nourris par lui, visibles en permanence et… non pourchassés ! Les repas à lieu et heure fixe (pour satisfaire la curiosité du public), peuvent par ailleurs augmenter encore cette dépendance, préjudiciable à l’image même que l’on souhaite a priori montrer d’un animal sauvage..

Le rôle pédagogique des parcs à loups

Il faut d’abord garder à l’esprit que la création ou l’entretien d’un parc à loup représente des investissements financiers très importants. Ce sont donc d’abord des affaires commerciales. Cela n’est pas forcément incompatible avec le discours sur la nécessité de la conservation du loup que l’on pourrait tenir en d’autres lieux. Certains parcs animaliers – peut-être pas tous – possèdent des guides compétents qui, lors des visite, font découvrir au promeneur, la biologie et le comportement de l’animal et expliquent objectivement l’histoire de sa disparition de France et les conditions de son retour depuis une décennie. Il est clair que les parcs à loups sont de ce point de vue fort utiles, notamment lorsque ces explications sont données au jeune public. Car peu nombreux sont les heureux élus qui pourront prétendre observer des loups à l’état sauvage dans les Carpathes ou dans les Abbruzes et à plus forte raison dans les Alpes ! Plusieurs centaines de milliers de visiteurs peuvent ainsi être facilement initiés à la problématique du retour du loup dans nos montagnes et nos campagnes, alors que la plus réussie des conférences n’attire que quelques centaines de personnes, pour la plupart déjà convaincues d’avance ! Bien qu’il n’existera sans doute jamais de structures susceptibles d’accueillir des loups en captivité dans des conditions optimales, les parcs à loups sont un outil de vulgarisation dont il n’est guère imaginable de pouvoir se passer. Montrer le loup peut faire changer l’opinion sur une espèce qui a de tout temps été incomprise, mal aimée et persécutée. On peut évidemment se poser la question de savoir combien de loups il faudra encore exhiber (ou dénaturer) pour satisfaire ce besoin impératif de communiquer sur le loup, mais à l’heure actuelle, force est de constater que la majorité des parcs à loups de France s’inscrivent malgré tout dans un discours de protection de l’espèce sur le territoire de notre pays. Et si l’on veut bien revenir un peu en arrière, rappelons nous que le personnage qui aura le plus fait pour la connaissance et la protection du loup en France s’appelait Gérard Ménatory, personnage emblématique s’il en est ! Bien sûr, il montrait des loups captifs, mais à l’époque, les mouvements naturalistes, dont nous sommes, ne se préoccupaient pas du tout de cette espèce, et bien peu nombreux sont ceux d’entre nous qui imaginaient alors qu’il s’implanterait un jour à nouveau chez nous, dans les conditions que l’on sait.

Conclusion

Nous avons essayé, avec cet article, de présenter succinctement le plus objectivement possible au lecteur la problématique des loups captifs, sans entrer dans des considérations philosophiques excessives.. Nous ne sommes pas obligés d’acclamer haut et fort les parcs à loups. Nous ne sommes pas obligés non plus de chercher à les pourfendre. Prise de position ou pas de notre part, ils continueront d’exister. Autant que ce soit , autant que faire se peut, en harmonie avec les défenseurs du loup libre dont nous sommes. Nous avons fait le choix de respecter la diversité d’opinions de nos adhérents, de tous ceux qui veulent « voir des loups ». A défaut de cette attitude conciliante, que par ailleurs nous recommandons volontiers à d’autres, nous aurions tôt fait de nous retrouver à une poignée de puristes passionnés, certains de leur droit, de leur manière de penser, intransigeants et irréductibles, au lieu d’aller vers les 2000 adhérents. Ce ne serait certainement pas un bon service à rendre aux loups..

P.-S.

Rappel légal L’autorisation est accordée pour une durée maximale de 5 ans. Les loups détenus en captivité sont identifiés par : l’apposition d’une marque individuelle et permanente, l’enregistrement dans un fichier national et l’établissement d’une carte d’identification remise à leur détenteur.

Arrêté du 19 mai 2000 soumettant à autorisation la détention de loups (Canis lupus) – JO du 19 juillet 2000

Article paru dans la « Gazette des Grands Prédateurs » No 5.