Après la Convention de Berne, le statut de protection du loup bientôt rétrogradé dans la Directive Habitats ?

Après la Convention de Berne, le statut de protection du loup bientôt rétrogradé dans la Directive Habitats ?

© Jacques Carriat
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L’entrée en vigueur de la rétrogradation du statut de protection du loup dans la Convention de Berne a été officiellement actée le 7 mars 2025.

La décision de la Commission Européenne qui a permis cette modification fait actuellement l’objet d’un recours inter-associatif auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) auquel participe FERUS. En effet cette décision essentiellement politique ne tient pas compte des connaissances scientifiques les plus récentes concernant l’état de conservation de l’espèce en Europe*.

Précipitation de la procédure : une stratégie coupable

La Commission Européenne s’est empressée d’engager la procédure de modification de la Directive Habitats Faune Flore (DHFF), dernier rempart juridique pour le loup au niveau européen. Il s’agit là aussi de transférer le loup de l’annexe IV (strictement protégé) à l’annexe V (protégé, susceptible de mesures de gestion).

Dans son communiqué du 7 mars 2025, il est écrit que « la proposition de la Commission donnera une flexibilité supplémentaire aux États membres dans la gestion de leurs populations locales de loups, afin qu’ils puissent prendre des mesures bien adaptées aux circonstances régionales ». Par ailleurs, la Commission rappelle que « les États membres auront toujours la possibilité de maintenir un niveau plus élevé de protection du loup, si le droit national le juge nécessaire ». Quelle aubaine ! Mais la France, mauvaise élève de la question du loup, ne risque pas d’en être.

C’est une procédure rapide de révision de la DHFF qui a été choisie et qui ne devrait prendre que quelques mois, après vote au Conseil de l’UE et au Parlement Européen. Mais elle permet au moins de ne pas ouvrir une révision complète de la DHFF, réclamée par les plus radicaux pour la vider de sens et notamment y déclasser l’ours et le lynx.

Révision de la Directive Habitats : un non-sens scientifique

Pour autant, les tenants de l’abattage du loup à tout va ne doivent pas se réjouir trop vite : si les conditions dérogatoires liées à des dommages importants ou l’absence de moyens de protection pourraient alors tomber, en revanche l’espèce reste protégée et son maintien ou son retour à un état de conservation favorable sont toujours une obligation communautaire juridiquement opposable.

Comment l’État français a l’intention d’honorer cette obligation tout en soutenant l’abaissement du statut de protection du loup ? La France contourne depuis longtemps déjà le statut de protection stricte du loup, en pratiquant une régulation déguisée via un nombre pléthorique de dérogations (env. 3 000 arrêtés de tirs/an). Augmenter encore la pression létale sur l’espèce aurait pour unique résultat un déclin de l’espèce, une réduction de son aire de répartition et son éradication, ou son absence durable, de certaines zones biogéographiques, évènements susceptibles de sanctions juridiques et financières.

Dans les zones où le loup est bien établi, comme l’arc alpin, des meutes se sont stabilisées et la protection des troupeaux a prouvé son efficacité, entraînant parfois une baisse de la prédation. En revanche, dans les zones de recolonisation, les individus en dispersion sont souvent abattus avant même que des moyens de protection ne soient mis en place. Sans possibilité réelle d’expansion sur l’ensemble du territoire, l’espèce verrait son taux de mortalité exploser, mettant en péril sa survie à long terme. Cette tendance est renforcée par la notion de « non protégeabilité » de plus en plus utilisée par les services de l’État pour justifier des tirs préventifs.

Lire l’avis de FERUS sur l’état de conservation du loup en France au regard des exigences de la directive Habitats faune flore

Vers une gestion cynégétique du loup en France ?   

Enfin, le déclassement du loup en Annexe V de la Directive Habitats aurait une conséquence majeure : sa régulation pourrait être confiée à la chasse. Cette gestion cynégétique de l’espèce pourrait s’inscrire dans les plans de chasse nationaux. Difficile d’imaginer, par exemple, que la France n’autoriserait pas davantage de tirs de loups.

Pourtant, le loup joue un rôle écologique essentiel, notamment en régulant les populations de grands ongulés sauvages, qui causent parfois des dégâts aux cultures et aux forêts. En limitant les effectifs de cerfs et de sangliers, il contribue à la préservation des écosystèmes. Sans lui, l’équilibre naturel serait menacé, avec des effets néfastes sur la régénération forestière.

La chasse au loup pourrait aussi devenir une solution de facilité pour ceux qui refusent d’adopter des pratiques de protection non létales. Déjà victime d’un braconnage en hausse, des loups pourraient être abattus sans même avoir causé de prédation. Si la gestion de l’espèce était confiée aux fédérations de chasse, son avenir en France serait donc gravement menacé. Pour de nombreux chasseurs, le loup est perçu comme un concurrent indésirable. De nouveaux défis se poseront alors : comment contrôler cette gestion cynégétique et garantir la survie de l’espèce ?

Heureusement, il reste encore un espoir : lors du dernier vote du Conseil de l’UEen 2024 l’Espagne et l’Irlande ont voté contre et la Belgique, la Slovénie, Malte et Chypre se sont abstenus. Par ailleurs, la République Tchèque s’est opposée à la décision de déclassement dans le cadre de la Convention de Berne.

Plusieurs Associations de Protection de la Nature à travers toute l’Europe dont FERUS sont activement mobilisées pour éviter ce déclassement.

Lire le courrier inter-associatif adressé à la présidence polonaise du Conseil de l’UE

Le vote au Conseil devrait avoir lieu en avril, c’est-à-dire très bientôt. Un succès du recours inter-associatif auprès de la CJUE en cours pourrait aussi permettre d’annuler ce recul environnemental.

THE SITUATION OF THE WOLF (CANIS LUPUS) IN THE EUROPEAN UNION (décembre 2023)