Dans la soirée du 28 juin 2007, l’ourse Jurka a été capturée par téléanesthésie dans les Alpes du Trentin (Italie), dans le Val de Tovel.
L’historique de Jurka, de son lâcher à sa recapture
Cette ourse est un des 10 plantigrades à avoir été relâchés entre 1999 et 2002 dans le Parc naturel Adamello-Brenta, dans le cadre du programme de réintroduction de l’ours brun dans les Alpes centrales italiennes. Elle est la mère de Lumpaz-JJ2 (ours mâle né en 2004 et premier ours à être entré en Suisse durant l’été 2005), de Bruno-JJ1 (ours mâle né en 2004, frère de Lumpaz, qui a été abattu en Allemagne durant l’été 2006) et du jeune ours JJ3 (ours mâle né en 2006 et actuellement présent en Suisse).
Suite à sa capture, l’ourse a été placée en captivité, dans un parc de San Romedio.
Jurka a toujours eu un comportement de familiarité excessive avec l’homme. Elle se laissait approcher de près et entrait même la nuit dans les villages où elle visitait clapiers ou poulaillers. Cette absence de crainte fait suite à son nourrissage, à plusieurs reprises, par un photographe animalier peu scrupuleux. Bien qu’elle n’ait jamais fait preuve d’agressivité envers l’homme, son comportement devenait de plus en plus problématique.
D’autant que ce comportement aurait aussi été transmis à sa descendance, notamment à ses oursons de la portée de 2004 (JJ1 et JJ2) qui ont tout deux montré une absence de crainte vis-à-vis de l’homme.
Avant d’être capturée définitivement en juin 2007, elle avait fait l’objet de campagnes d’effarouchement. En août 2006, elle avait été recapturée pour être équipée d’un collier émetteur GPS pour suivre ses déplacements en permanence.
Finalement, son comportement familier envers l’homme ne cessant pas, les autorités ont pris la décision de la retirer du milieu naturel.
Bien sûr, en ces temps de polémique autour de l’ourse pyrénéenne Franska, certains ne manqueront pas d’utiliser cet événement pour appuyer leur demande de capture de Franska.
Pourtant, rien n’est comparable.
Jurka n’est pas Franska et la France n’est pas l’Italie
Tout d’abord, l’ourse Jurka peut effectivement être classée comme une ourse à problème.
Selon, le Plan de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées 2006 – 2009) : « un ours à problème peut être défini comme un ours ayant un comportement entraînant une situation aiguë de conflit avec l’homme. Cette définition recouvre les trois situations suivantes : un ours trop familier vis-à-vis de l’homme […] ; un ours anormalement prédateur – cette situation correspond au cas où l’ours cause des dégâts significatifs et clairement identifiés sur des animaux domestiques gardés et des produits correctement protégés (parcage nocturne des animaux, chien de protection, clôture électrique…) ; un ours agressif envers l’homme […] »
Jurka a effectivement été très familière vis-à-vis de l’homme et ce depuis plusieurs années. Pour rappel toujours, Franska n’a manifesté aucun de ces 3 types de comportement.
Ensuite, le contexte français et le contexte italien sont tout à fait différents.
Si l’on peut regretter la capture de cette ourse adulte reproductrice, dans une population encore réduite, c’est bien dans le cadre d’une affirmation que l’ours brun a sa place dans les Alpes italiennes et qu’il doit même regagner ses anciens habitats.
Il faut bien reconnaître à l’Italie sa volonté de parvenir à reconstituer une population viable d’ours brun dans les Alpes. En effet, malgré le retour de l’espèce dans les Alpes orientales italiennes par recolonisation naturelle depuis la Slovénie, les autorités italiennes ont procédé à une opération de réintroduction ambitieuse dans les Alpes centrales, qui a abouti aux lâchers de 10 ours en l’espace de 4 ans (1999 à 2002). La capture de Jurka doit donc être considérée dans ce contexte.
Au contraire, la capture demandée par certains opposants de la femelle Franska dans les Pyrénées entrerait dans un cadre tout à fait différent. Elle ne s’inscrirait pas dans une démarche globale de reconstitution d’une population viable puisque ceux qui la réclament ne cachent pas leur volonté d’éradiquer l’ours des Pyrénées. Elle ne serait justifiée par aucun comportement à risque (pour l’homme) de Franska. Elle serait fondée sur le seul constat que, livrés à eux mêmes sans aucune protection ni surveillance, les moutons sont une proie facile pour l’ours, ce que personne ne contestait avant le programme de restauration.
Souhaitons que Franska puisse élever en paix plusieurs portées et qu’elle transmette à ses oursons la crainte des patous et des bergers qu’elle finira bien par rencontrer.