8 novembre 2006
Madame la Ministre,
Dans la séance du mardi 7 novembre de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, les députés ont une fois de plus montré les dents contre la faune sauvage. Ferus ne peut que se déclarer fort surpris des contradictions profondes qu’il relève à la lecture du compte-rendu.
Le rapporteur spécial Philippe Rouault a souligné que les attentes des Français en matière d’environnement étaient de plus en plus fortes. Il a exposé que les crédits de votre ministère, la mission « écologie et développement durable », bénéficieraient en 2007 d’un sérieux effort financier. Les crédits affectés à la biodiversité qui intéressent nos adhérents augmenteraient de 32% avec deux priorités, natura 2000 et les parcs nationaux qui croîtraient, eux, de 38%. Ce sont là d’excellentes nouvelles.
Mais la suite des débats de la commission ne laisse pas de nous troubler, car sur cinq pages de compte-rendu officiel plus de trois sont consacrées à des attaques virulentes de parlementaires contre la faune sauvage et notamment les prédateurs. Sujets qui nous passionnent, et qui apparemment ont davantage mobilisé les élus de la nation que l’eau, les pollutions, les risques ou le changement climatique.
Michel Bouvard a réclamé que les crédits de l’Agriculture ne prennent plus en charge les indemnisations des attaques du loup. Sans doute pour casser la dynamique positive qui s’est instaurée dans les Alpes et qui a conduit à une collaboration relativement satisfaisante entre vos services et ceux de l’Agriculture, pour le plus grand bénéfice des éleveurs.
Au passage il a de nouveau laissé entendre que vous aviez réintroduit des loups.
Augustin Bonrepaux ne nous a pas surpris en demandant la suppression de la quasi totalité des crédits affectés à la protection de l’ours (2,3 millions, soit en gros 4 centimes d’euro par Français…). Il a accumulé les contre-vérités dans l’exposé des moyens déployés pour suivre les ours (la France avec difficulté équipe une demi douzaine d’ours et deux ou trois loups avec des colliers émetteurs, alors que la Suède équuipe simultanément plus de cent ours, les Etats-Unis près de mille loups). Il a attaqué Pays de l’Ours ADET, qu’il accuse quasiment de détourner des fonds, mais s’est bien gardé d’évoquer l’IPHB de Jean Lassalle qui a été de loin le principal bénéficiaire de subventions au titre de l’ours alors que cet « institut » a sans cesse combattu le plantigrade. Naturellement il a demandé qu’on mette tous les ours dans un enclos grillagé. Et si nous avons bien lu il a fait de cette abrogation de crédits « ours » la SEULE condition posée par le groupe socialiste pour ne pas voter contre votre budget !
Charles de Courson a lui aussi déploré le coût annuel de chaque ours et de chaque loup (heureusement qu’il ne sait pas qu’il existe un programme de réintroduction de l’esturgeon, espèce qu’on ne voit quasiment plus en France depuis 1994, sauf les individus captifs, car le coût marginal d’un poisson devrait être colossal !). Il a évoqué les « ravages » des grues et des autres espèces protégées (l’an dernier il s’intéressait aux buses grasses qui piquaient sur le gibier comme des stukas). Son collègue Louis Giscard d’Estaing a regretté que les hérons demeurent protégés et bénéficient… de l’argent des chasseurs (?).
Finalement poussée par son président Pierre Méhaignerie et malgré les réserves du rapporteur la commission a réduit les crédits « ours » de un million d’euros.
FERUS vous demande tout d’abord de tout mettre en oeuvre pour rétablir, dans le projet de loi qui sera finalement adopté, l’intégralité des crédits consacrés à la biodiversité dont ceux qui sont prévus pour l’ours. Comme l’a dit M. Rouault, malgré les augmentations annoncées le programme « gestion des milieux et de la biodiversité » est encore insuffisamment doté.
Si ce rétablissement s’avérait impossible, FERUS vous demanderait alors de faire porter la suppression des crédits voulus par M. Bonrepaux sur le suivi des ours et donc sur l’information des maires et des éleveurs, tout comme sur la facilitation de la prévention des dégâts. Ce serait dans la logique de ce parlementaire qui condamne les moyens employés pour un tel suivi. Il faudrait consacrer l’argent qui resterait à indemniser les victimes et à relâcher de nouveaux ours, le coût de ces dernières opérations étant relativement modeste.
Plus largement FERUS espère que vous trouverez les voies d’un rapprochement avec la représentation nationale qui semble, en tout cas à travers ses expressions publiques, encore très décalée par rapport aux attentes du peuple français en matière de conservation des espèces sauvages. Ces menaces répétées contre des espèces protégées, populaires et en danger nous inquiètent profondément et nous laissent redouter le pire car nous rejoignons les parlementaires sur au moins un point, on ne gèrera pas durablement le territoire et la nature depuis les seuls bureaux parisiens.
Nous vous faisons confiance et vous prions de croire, madame la Ministre, en notre plus parfaite considération.
Jean-François Darmstaedter, président de FERUS