A la suite des battues à l’ours organisées dans les hautes-pyrénées et dans l’Ariège les 28 et 30 mai, les associations membres de Cap-Ours (une trentaine, dont FERUS) ont envoyé plusieurs courriers de protestation à divers interlocuteurs. On trouvera ci-dessous celle envoyée à M. le ministre de l’Ecologie.
Monsieur le Ministre,
Au cours des derniers jours (les 28 et 30 mai), une poignée d’individus se sont livrés dans les Hautes-Pyrénées et en Ariège à deux « battues à l’ours », l’une des espèces les plus menacées de France et ont organisé la médiatisation de ces actes illégaux. Les associations réunies au sein de CAP – Ours condamnent ces actes et en appellent à vous afin que les organisateurs et participants à ces battues rendent compte devant la justice de ces faits, car de telles méthodes ne peuvent relever de la simple expression d’une opinion. Elles sont non seulement une nouvelle agression envers l’une des espèces les plus emblématiques de notre pays et symbole des Pyrénées, mais également une grave atteinte à l’état de droit qui devrait primer en notre pays. Fiers de leurs agissements irresponsables, les participants ont d’ores et déjà annoncé qu’ils récidiveraient dans les semaines à venir. De plus, un certain nombre d’élus locaux, des maires pour la plupart mais également un député, très connu pour ses positions anti-ours aux penchants populistes, ont participé et se sont prêtés à l’exploitation médiatique de ces battues. Ce comportement est absolument indigne des charges qui leur ont été confiées par le suffrage universel. Les Pyrénéens, mais également l’ensemble des Français, ne comprendraient pas qu’une quelconque impunité puisse être accordée à ces personnes. Il est à noter que lors du même week-end, à Toulouse se déroulait le « Printemps de l’Ours », sous l’égide d’une association comprenant des communes et des professionnels (Pays de l’Ours-ADET), d’une association de bergers et éleveurs pyrénéens (ACP), d’associations de protection de la Nature et des Accompagnateurs en Montagne, toutes membres de CAP – Ours, la coordination associative pyrénéenne pour l’Ours. Cette manifestation pacifique et positive, a accueilli un large public très attaché à la préservation de notre plantigrade qui s’est montré très choqué qu’au XXIème siècle, des battues à l’Ours puissent être organisées. Cette manifestation, comme l’ensemble des actions que nous menons, a eu pour but non seulement de faire connaître l’Ours et ses habitats au grand public, mais a également été l’occasion de permettre que s’établisse le dialogue avec les divers acteurs de la montagne que nous avions invité, à commencer par les bergers et éleveurs. Aussi, nous sommes d’autant plus révoltés par ces actes illégaux commis par une poignée d’individus ne représentant qu’une infime fraction de l’opinion. Nous nous permettons de vous rappeler que contrairement à ces quelques personnages, les Pyrénéens sont très attachés à l’Ours, symbole d’une montagne vivante : 79% d’entre eux considèrent que la présence de l’Ours est valorisante pour les Pyrénées (sondage IFOP réalisé en janvier 2003 pour Pays de l’Ours-ADET et le WWF France), et une forte majorité est favorable au renforcement de population par le lâcher de nouveaux ours, renforcement qui est de plus en plus indispensable et urgent pour sauver l’Ours de la disparition complète de notre pays. Depuis plusieurs années, nombre d’éleveurs, avec le soutien des services déconcentrés de votre ministère, ont développé des techniques de protection des troupeaux qui donnent d’excellents résultats face aux dégâts d’ours, mais également à ceux, bien plus courants, des chiens divagants. L’exemple donné par les auteurs de ces battues est tout à la fois une négation du travail des éleveurs et bergers pyrénéens et une incitation à la violation des lois. Nous attendons donc une réaction à la fois ferme, mais également rapide de votre part et de celle des ministères concernés. Nous comptons sur votre autorité dans cette affaire et vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Les Associations membres de CAP – Ours
Communiqué de l’ACP
De son côté, l’Association pour la Cohabitation Pastorale (ACP), également membre de Cap Ours et qui regroupe des éleveurs, bergers, vachers et apiculteurs pratiquant la transhumance ou vivant en haute montagne sur toute la chaîne des Pyrénées, explique dans un communiqué qu’elle » se refuse d’être solidaire d’une telle pratique d’un autre temps (…) Si l’ours est une réelle problématique pour nous éleveurs, apiculteurs et bergers, des solutions existent et peuvent faciliter la cohabitation. S’il est vrai que la mise en place de ces mesures de protection n’est pas toujours évidente du fait de nos pratiques actuelles, de l’absence de mains d’œuvres, du manque de moyens, cela n’est pas impossible. Des aides sont octroyées par les ministères de l’agriculture et de l’environnement aux éleveurs afin de pratiquer un pastoralisme de qualité où la faune sauvage a toute sa place.
Pour ne citer que quelques exemples : Jusqu’à 763 euros par mois et par berger salarié pour aider à la garde du troupeau et son regroupement la nuit. 1220 euros par mois pour l’embauche d’un 2ème berger pour faciliter la garde des grands troupeaux. Le transport par bât ou hélicoptère du matériel nécessaire au berger (sel, bois de chauffage…) est aussi subventionné afin de faciliter la vie des pâtres en altitude. Les parcs de nuit (clôtures électriques), les chiens patou qui permettent de protéger les troupeaux des attaques d’ours sont subventionnés à 100 %. Des bergers itinérants peuvent intervenir sur les estives afin d’aider les bergers et éleveurs, les sensibiliser à des pratiques compatibles à la présence de prédateurs. Beaucoup d’argent vous allez dire, mais il faut savoir que nos produits se vendent aujourd’hui au même tarif qu’il y a plus de 30 ans. La cohabitation nécessite de plus petits troupeaux, créant ainsi de l’emploi, elle contribue, par la même occasion à une meilleure gestion des pâtures.
Des bergers, apiculteurs et éleveurs ont compris qu’en 2004 le pastoralisme ne peut plus être qu’une image d’Épinal des Pyrénées vivant au détriment de la faune sauvage. Nous pouvons au contraire, profiter de l’image de l’ours comme un symbole de qualité pour valoriser nos produits, marquer notre spécificité tout en renforçant des professions en voie de disparition. Nous voulons affirmer aux opposants que s’entêter dans la non cohabitation en refusant d’utiliser les moyens de protection ne peut cautionner « une battue » à l’ours au 21 ème siècle !