Carnivores et risques sanitaires. Par François Moutou, docteur vétérinaire, épidémiologiste
Article paru dans la Gazette des grands prédateurs n°60 (juin 2016)
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Comme tous les mammifères, les carnivores hébergent un certain nombre de micro-organismes dont certains peuvent devenir pathogènes, qu’il s’agisse de virus, de bactéries ou de champignons. Les propriétaires de chiens et de chats le savent déjà. Un minimum de règles d’hygiène est nécessaire pour s’assurer d’une bonne cohabitation, saine et sereine ! Les morsures, même affectueuses, de son meilleur compagnon peuvent déclencher quelques infections bactériennes locales de type pasteurelloses, jamais très agréables. Or la présence de pasteurelles dans la cavité buccale des carnivores est d’une grande banalité. Il suffit donc d’éviter de mettre ses mains dans leur gueule et d’éviter de se faire mordre même en jouant. Bien sûr, les relations avec les grands carnivores sauvages ne sont pas tout à fait identiques mais le principe reste comparable : apprendre à partager les espaces en bonne intelligence. Voici donc quelques risques sanitaires associés à ces espèces dans un contexte européen. La référence régulière aux carnivores domestiques permet de les relativiser.
Rage
La rage est une encéphalomyélite virale pratiquement toujours mortelle. Tous les mammifères sont réceptifs (le virus s’y multiplie) et sensibles (les animaux contaminés deviennent malades). Les Carnivores sont responsables de l’essentiel des contaminations humaines. Le chien domestique représente la source d’environ 99% d’entre elles à travers le monde (Moutou 2013). L’épizootie de rage vulpine qui a touché la France de 1968 à 1998 est restée limitée au nord-est du pays. Elle n’a été maîtrisée que grâce à la mise au point d’un vaccin chez le renard, efficace par voie orale. Durant ces trois décennies, des dizaines de milliers de cas ont été enregistrés sur des renards roux et des milliers de cas sur d’autres mammifères, domestiques et sauvages, mais heureusement sans aucun cas humain. Les expositions, c’est à dire le contact possible entre un être humain et le virus, avaient le plus souvent lieu via un animal domestique. La mise en route rapide d’un traitement post-exposition a permis d’éviter toutes les contaminations associées.
En simplifiant, on peut dire que chaque espèce de carnivore dans le monde jouant un rôle épidémiologique dans la rage héberge une souche virale qui lui est propre et particulièrement adaptée. Contrôler le virus dans cette seule espèce résout le problème local, comme dans le cas du renard roux (Vulpes vulpes) en Europe occidentale. Il n’a pas été nécessaire de vacciner les autres espèces sauvages. En éliminant la rage chez le renard on l’a éliminée de tous les écosystèmes correspondants. Les destructions de renards, encouragées pendant des années, n’ont eu aucun effet, voire des effets contraires au but recherché : maîtriser la rage. Les grands carnivores sauvages ne jouent aucun rôle dans le cycle de cette maladie : même s’il peut y avoir des cas ponctuels, le réservoir majeur, et de loin, est le chien domestique.
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