Du loup au chien (et à l’homme). Par Pierre Jouventin
Article paru dans la Gazette des grands prédateurs n°67 (avril 2018)
Nous vivons en ce moment une révolution dans la compréhension de la domestication des animaux à la suite des fouilles et des datations par l’ADN. Cette remise en question repose en particulier sur l’étude du loup, ce que ses plus fidèles défenseurs ignorent souvent. Jusqu’à il y a dix ans, l’histoire des animaux domestiques paraissait simple et résultait de la nôtre. Vous savez que notre espèce a radicalement changé de mode de vie il y a seulement 10 000 ans, lorsque nous avons opté pour l’élevage et l’agriculture. Pendant les 300 000 ans précédents pour Homo sapiens et 2 500 000 ans pour le genre Homo, nous vivions en clans de quelques dizaines de chasseurs-cueilleurs. Nous devions déplacer nos campements au bout de quelques semaines lorsque le gibier, les fruits, les racines, les poissons commençaient à se raréfier. Les domaines vitaux étaient immenses, la tribu revenant au bout de plusieurs mois sur l’ancien emplacement pour chasser les animaux et récolter les plantes qui avaient eu le temps de se renouveler. Pour comparer avec la finance, nos ancêtres avaient un tout petit budget mais ils ne touchaient pas au capital et se contentaient de prélever les intérêts des ressources naturelles…
Au néolithique, il est devenu possible en cultivant la terre de produire beaucoup plus pour la même surface de sol mais il a fallu multiplier par trois le temps de travail et se sédentariser pour vivre en villages entourés de champs, ce qui a permis d’élever beaucoup plus d’enfants que dans un mode de vie nomade. Pour protéger les réserves de grains qui allaient permettre de passer l’hiver, nous avons par exemple domestiqué le chat et il est donc peu probable que son origine – actuellement estimée à 9 500 ans- remonte à plus de 10 000 ans. Pour nous procurer de la viande et des sous-produits animaux en l’absence de chasse, nous avons, depuis cette révolution néolithique, capturé, fait reproduire, puis sélectionné des herbivores plus gras, plus pacifiques et plus prolifiques que leurs ancêtres sauvages : le porc à partir du sanglier, le mouton à partir du mouflon, le cheval et la vache à partir d’animaux aujourd’hui disparus car éliminés par l’homme (le bison et le cheval de Przewalski étant des espèces voisines mais pas les ancêtres), etc.
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