En Espagne aussi, les loups n’ont pas la belle vie….
Pas un mois sans tirs croisés autour du loup. Comme cette énième fois cette semaine à Cangas del Narcea, dans les Asturies. Dix associations de protection de la nature ont dénoncé la pression croissante des secteurs de l’élevage et de la chasse sur le gouvernement de la Principauté des Asturies afin que celui-ci autorise la chasse du loup. Ces associations craignent que, à force d’insister, les anti-loups parviennent à modifier la position de cette Communauté autonome qui a été pionnière pour la protection de ce grand carnivore. Elles reconnaissent que cette pression est cyclique et en recrudescence dès qu’il y a des élections. Parce que le loup est un animal politique.
Le point principal venant des groupes de pression contre le loup sont les dommages au bétail, inévitables lorsque ovins et bovins vivent avec le loup. Tous les acteurs du dossier, sauf les éleveurs eux-mêmes, reconnaissent que l’ampleur économique totale du problème n’est pas comparable au conflit social qu’il produit. 15% du cheptel serait concerné dans les communes les plus touchées des Asturies. En général, moins de 2% du cheptel est touché. Mais l’impact émotionnel des attaques et l’intensité des dommages concentrés généralement sur un secteur réduit provoquent l’aversion grandissante vis-à-vis du prédateur qui maintes fois fut braconné et empoisonné.
Selon Luis Llaneza, biologiste consultant pour les Asturies et la Galice, « Le point fondamental pour guider cette gestion difficile sont les plans de gestion aux critères scientifiques solides ».
Les Asturies ont été les premiers à approuver un plan loup en 2002, avant même la création d’une Stratégie Nationale en 2005, un outil recommandant aux autres Communautés de rédiger leurs propres plans.
Au niveau de la législation européenne, la Communauté de Castille-Leon doit, contrairement à la Galice et aux Asturies, protéger une partie de sa population de loups : la plus récente, située au sud du fleure Duero.
Le plan en cours de finalisation de la Communauté spécifie l’aménagement de la chasse de l’espèce. Selon Mario Sáenz de Buruaga, directeur de Consultora de Recursos Naturales (Ressources Naturelles) et conseiller de la Junta, tant que la réglementation européenne ne change pas, le loup restera protégé au sud du Duero et par conséquent, sa chasse ne sera pas autorisée. Toutefois, des prélèvements pourront être effectués suite à des dommages sur les troupeaux domestiques et dans ce cas là, on pourra utiliser l’outil cynégétique. Si la directive européenne est modifiée, le plan prévoit que l’espèce soit chassable au sud du Duero.
Pour Luis Mariano Barrientos, de l’Association pour la Conservation et l’Étude du Loup Ibérique (Asociación para la Conservación y Estudio del Lobo Ibérico), le plan permet de quadrupler les captures légales autorisées actuellement jusqu’à 200 individus par an. Il indique aussi que la moitié des mortalités de loup en Castille et Leon, quelque 300 par an, sont dues au braconnage. Un chiffre qui contraste avec les 13 plaintes déposées par l’administration pour ce motif depuis 1993.
Un cas unique en Europe
Quand l’Espagne a adhéré à l’UE vers le milieu des 80, celle-ci préparait déjà la Directive Habitats, dans laquelle on considérait une protection stricte du loup. A l’époque, la majorité des pays de l’UE abritait peu d’individus. L’arrivée de l’Espagne et de la Grèce a posé un changement. En 1988, le premier recensement national en Espagne estimait la population à quelque 1.500 loups sur 100.000 km2 ; avec ces chiffres, le gouvernement espagnol a refusé d’accepter une protection absolue. En Grèce, une situation semblable s’est produite.
Les négociations ont été dures ; les associations de protection de la nature y ont pris part et ont souligné la situation précaire des populations de Sierra de Gata, Sierra de San Pedro et Sierra Morena (les loups ont d’ailleurs ensuite disparu des Sierra de Gata et Sierra de San Pedro). La CE a alors adopté une position entre deux : le loup pourrait être chassé au nord du Duero en Espagne, et au nord du parallèle 39 en Grèce. Au sud de ces frontières, il serait protégé. A la fin des années 1990, le loup avait traversé le Duero et sa population s’était étendue. La Principauté de Castille-Leon a donc exigé de la part de Bruxelles la fin de la protection de l’espèce au sud du Duero. Et l’UE à de nouveau proposé une solution à la Salomon : on pourrait employer la chasse comme mesure de contrôle pour réduire les dommages aux troupeaux mais les loups du sud du Duero resteraient sous la tutelle de Bruxelles et donc protégés.
Le cas des populations andalouses
On estime actuellement la population de loups à quelque 2000 individus en Espagne, sur 120 000 km² dans le quart nord-ouest de la péninsule. En Sierra Morana, (Jaén et Cordoue), existe une population résiduelle en danger d’extinction sévère, formée par 5 ou 10 meutes. Malgré leur statut de protection stricte et un habitat favorable avec une haute densité de cerfs, la population de loups de la Sierra Morena ne montrent pas de signes clairs de rétablissement. L’isolement génétique et l’endogamie peuvent aussi freiner son expansion.