Lors du dernier groupe national loup qui s’est tenu à Paris le 8 novembre dernier, un groupe « Gestion de la population de loups » a été créé. Il se réunira à Lyon les 18 décembre 2007 et 15 janvier 2008. Ferus sera bien sûr présent.
Nous pubions ici le document résumant nos positions qui a d’ores et déjà été adressé à la DNP.
FERUS et la gestion des populations de loups
Avant de traiter de la gestion de la population de loups et du protocole d’intervention, FERUS rappelle qu’il est très attaché à l’ensemble du cadre philosophique, scientifique et juridique dans lequel s’inscrit l’actuel plan d’action pour le loup : il demandera sa confirmation, avant tout débat sur d’éventuelles modifications des règles pratiques qui guideront l’action des pouvoirs publics pendant les cinq prochaines années. Le volet juridique comprend naturellement les textes internationaux que la France a signés.
FERUS souhaite aussi entendre clairement les représentants des pouvoirs publics confirmer comme ils l’ont toujours fait que le loup fait bien partie de la faune française. Qu’il est une espèce protégée et qu’il est par définition une composante de la biodiversité que le gouvernement s’est engagé à conserver lors du Grenelle de l’Environnement.
Il paraît enfin indispensable que cette affirmation, qui va de soi pour quiconque est préoccupé de bonne foi par la conservation de notre patrimoine naturel, englobe les deux autres grands prédateurs, le lynx et surtout l’ours, car si les réalités biologiques, techniques et humaines divergent la problématique est au fond la même.
La gestion des populations de loups doit commencer par une bonne connaissance de ces dernières : sur ce point, qui retiendra l’attention d’un autre groupe de travail, la France semble avoir beaucoup progressé en peu de temps. L’administration fonde ses propositions sur des données que les ONG n’ont pas contestées dans leur ensemble, et qui ces toutes dernières années ne font pas apparaître une progression de l’espèce aussi forte qu’attendue (redoutée par certains, espérée par d’autres). Il n’est d’ailleurs pas évident que l’hiver de 2007 ait été le meilleur moment pour entreprendre avec un peu d’avance sur l’agenda initial une réécriture du plan loup : il faudra attendre les relevés hivernaux de traces, puis la publication des zones de présence effectivement occupées pour savoir si le loup a poursuivi sa colonisation. Ces deux dernières années, les seuls chiffres avérés (hurlements provoqués et indices de reproduction, traces hivernales, nombre d’attaques et localisation de ces dernières) ont laissé planer des doutes sur la dynamique de la population de loups. Le carnivore a certes poussé quelques pointes dans le Massif Central et le Jura, mais il a perdu du terrain dans le Var et certaines meutes alpines ont été réduites, par le braconnage ou d’autres causes.
La première préoccupation de FERUS reste bien que le loup puisse recoloniser tous les habitats naturels qui lui sont favorables. Nous avons déjà dans le passé dit et écrit que ces habitats devaient comporter des zones refuges (donc des forêts, même si le loup est moins exigeant que l’ours ou le lynx) et des proies naturelles. Pour le moment le loup a trouvé des ongulés sauvages en quantité suffisante, appartenant à plusieurs espèces (mouflon, cerf, chamois, chevreuil, sanglier). Ce qui ne l’empêche pas de préférer les proies plus faciles comme les moutons surtout s’ils ne sont pas gardés. Il faudra examiner cette question de la présence et de l’accessibilité réelle de proies naturelles, même si deux ongulés sont nombreux presque partout, le chevreuil et le sanglier.
La seconde préoccupation de FERUS est que le braconnage du loup soit contenu dans des limites basses. Aucun dispositif de « gestion » d’une espèce à travers des prélèvements officiels raisonnables et raisonnés ne peut subsister en présence d’un braconnage important. Il semblerait que les loups détruits clandestinement en France ces dernières années aient été relativement nombreux, plusieurs individus par an, en tout cas davantage que les loups tués légalement. Nous ne nous engagerons pas chaque année dans des discussions sur la manière dont seraient éventuellement prélevés quelques loups si d’autres plus nombreux étaient braconnés dans le même temps.
La gestion du loup doit commencer par une bonne préparation des esprits à son arrivée. Dès que des indices font pressentir l’installation de plusieurs loups dans une contrée, il faut s’appuyer sur les structures disponibles pour faire comprendre et admettre ce qui va se passer. Ce travail exige du temps et des moyens humains dont ne dispose pas l’administration chargée de l’environnement au sens strict, elle doit faire relayer son action de communication par d’autres, agents de l’ONCFS, agents des DDAF, agents des collectivités locales ou de leurs établissements à la condition que toutes ces personnes aient été formées et soient motivées. Les ONG peuvent aussi être sollicitées pour cette tâche d’explication qui n’est jamais conduite suffisamment en profondeur pour venir à bout des préjugés comme on l’a vu dans les Alpes.
On sait que beaucoup estiment que les loups coûtent cher. Ce n’est pas l’opinion de FERUS qui pense surtout que la France ne consacre pas assez d’argent public à la conservation de sa biodiversité et des habitats naturels. L’essentiel des dépenses induites par l’arrivée du loup consiste en des mesures destinées à aider les éleveurs à protéger leurs troupeaux, ce sont donc des transferts en faveur de l’élevage. Globalement ce volet des activités agricoles reçoit beaucoup moins d’aides que d’autres comme la culture des céréales, du riz ou des protéagineux, alors que le service social rendu à la collectivité par l’entretien de pâturages est au moins aussi important. FERUS souhaite que les distorsions entre les aides reçues par l’élevage et les aides reçues par d’autres activités agricoles soient réduites. Il n’envisage pas de subordonner le nombre de loups vivant en France aux arbitrages budgétaires internes du ministère de l’Agriculture et aux choix arrêtés à Bruxelles sous la pression des lobbies céréaliers.
S’il fallait tuer des loups simplement parce que leur nombre dépasserait les crédits affectés à leur gestion, il faudrait réécrire la directive habitat en mentionnant qu’une population en bon état de conservation est avant tout celle qu’on peut « se payer ».
Cela dit FERUS a déjà admis que dans certains cas il pouvait être nécessaire d’aller jusqu’à supprimer des loups, et il a exprimé comme les autres associations de protections quels devaient être les garde-fous. Avant de tirer sur des loups il faut d’abord et surtout que l’on dise ce qu’on veut obtenir comme effet, s’agit-il d’empêcher une installation, de réduire les effectifs d’une meute, de rendre les prédateurs plus méfiants ou de sacrifier un animal pour apaiser la colère des éleveurs ? Les scientifiques, qui ont moins été sollicités dans la dernière période d’application du plan loup, doivent valider la pertinence de ces méthodes au regard des objectifs poursuivis avant et après des opérations dont il faut tirer systématiquement les bilans. FERUS a déjà exprimé ses doutes profonds sur toute stratégie consistant à limiter la densité de loups sur un territoire donné (prédateur territorial, le loup est avant tout limité par la disponibilité des proies, sauf circonstance exceptionnelle comme le nourrissage sur des décharges qui ne devrait pas se produire en France). FERUS continue de privilégier, si tir il doit y avoir, le tir au plus près des troupeaux attaqués même après mise en œuvre de moyens de protection et effarouchement. Il est hostile aux tirs dits de régulation effectués par des agents de l’ONCFS et par des chasseurs.
S’agissant des chasseurs, il n’est évidemment pas question de chasse au loup. D’abord pour une raison de principe, la chasse à une espèce protégée est impossible et FERUS ne souhaite pas que le loup cesse d’être protégé. Ensuite parce que les chasseurs n’ont pris aucune position publique officielle en faveur du loup. Ils auraient pu et du le faire, puisqu’il s’agit du retour naturel d’un bel hôte de nos forêts, assumant ainsi le statut d’organismes agréés au titre de la protection de la nature de leurs fédérations. Plusieurs présidents et des revues cynégétiques ont diffusé des appels à la régulation du loup par des plans de chasse, justifiant ces propositions non par les torts que causeraient ces prédateurs aux chasseurs, mais par les atteintes qu’ils causeraient…à la biodiversité, reprenant ainsi le leitmotiv de certaines organisations agricoles. Enfin pour des raisons biologiques, le loup n’est pas un animal qu’on peut gérer avec un plan de chasse : le plan de chasse français convient quand toutes les parties sont d’accord pour conserver en bon état une population, même si des désaccords s’instaurent sur le niveau des effectifs souhaités. Il ne convient pas si certains rêvent d’une éradication, au moins ponctuelle. C’est de plus davantage un outil de « l’homme prédateur » appliqué à des animaux-proies, herbivores qui peuvent proliférer s’ils n’ont pas de prédateur naturel. Il n’est pas adapté à un prédateur territorial à faible densité et à grand rayon d’action (200km² et plus) comme le loup.
FERUS recommande donc qu’on poursuive dans la voie actuellement tracée, en faisant décider les interventions ponctuelles éventuelles au niveau des départements après avis des partenaires (services de l’Etat et de l’ONCFS, éleveurs, associations naturalistes). Si les partenaires sont d’accord sur les principes et les objectifs, les méthode de mise en œuvre des mesures d’effarouchement puis de tir doivent être rendues les plus simples possibles et les plus intelligibles par les principaux intéressés. La préoccupation première doit toujours être de ne jamais faire disparaître une meute reproductrice d’une ZPP.
Tous les points qui précèdent sont un rappel de positions que FERUS a déjà rendues publiques et ne préjugent en rien de l’évolution qui sera la sienne au cours des séances du groupe de travail, dont les conclusions seront soumises à l’assemblée générale de l’association avant la discussion du nouveau plan loup en groupe national plénier.