Suite au courrier du Préfet de la région Midi-Pyrénées demandant aux participants du Groupe national ours Pyrénées leurs observations sur les travaux du groupe afin de formuler des propositions à Madame la Secrétaire d’Etat à l’Ecologie, FERUS a adressé ses observations et propositions.
Nous souhaitons tout d’abord remercier les services de l’Etat pour cette première phase des travaux du groupe national ours dans les Pyrénées (GNOP) qui nous semble avoir été très constructive même si nous déplorons que des points primordiaux pour l’avenir de l’ours en France aient été écartés.
Nous regrettons en effet que :
- le GNOP ait fait abstraction du manquement de la France en matière juridique vis à vis du statut d’espèce protégée de l’ours ; notamment : la tentative de destruction d’un ours n’est pas du tout punie dans le code de l’Environnement et la perturbation intentionnelle d’un ours n’est qu’une contravention de 4ème classe sanctionnée par une amende de 750 euros maximum, qui reste la même en cas de récidive.
- le GNOP ait été créé pour gérer l’existant sans prendre en compte la nécessité de renforcer la population d’ours en Béarn comme en Pyrénées centrales. Il nous paraît en effet ridicule d’attendre le résultat de l’étude à venir par vos services sur les modèles démographiques de la population d’ours dans les Pyrénées pour conclure à la nécessité de lâcher des femelles dans le Béarn où il ne reste que des mâles. Rappelons que, déjà en 2003, une étude publiée dans les Comptes-rendus de l’Académie des Sciences (G. Chapron et al., CR Biologies 326, 2003), basée sur des modèles démographiques, préconisait la réintroduction d’au moins 5 femelles dans le noyau occidental.
Courant 2007, FERUS a mené une « enquête » auprès de naturalistes et de responsables associatifs concernés et/ou engagés pour la protection de l’ours en France. Cette enquête ne répond pas aux conditions d’un sondage mais nous vous la transmettons en pièce jointe pour vous donner le ressenti général des personnes engagées en faveur de la restauration de la population d’ours en France. A noter que 88.24 % de ces personnes pensent que les ours actuellement présents dans les Pyrénées ne sont pas efficacement protégés et que 76,48 % pensent que les ourses suitées ne sont pas assez protégées. 92,16% considèrent que le renforcement en Pyrénées centrales doit être poursuivi dans les quelques années à venir.
Nous soulignons d’ailleurs la très grande similitude des positions des associations de protection du patrimoine naturel sur ce dossier de l’ours, preuve que le diagnostic est partagé, et que, hélas, une seule conclusion s’impose.
Similitude sur le constat, que les travaux de nos différents ateliers techniques n’ont pas contredit. L’habitat naturel pour l’ours est bien présent dans les Pyrénées ; les techniques pour connaître l’état de la population d’ours existent, elles sont infiniment plus performantes qu’autrefois ; les moyens de limiter les dommages causés par l’ours aux troupeaux sont éprouvés ; les besoins de tranquillité des ours face aux activités humaines et notamment à certaines formes de chasse ont été validés non seulement par des experts, mais par les ours eux-mêmes qui sont morts ou ont été blessés lors d’une suite d’ »accidents » ou de « bavures », les femelles qui se sont reproduites ayant eu tendance à se réfugier en Espagne où elles étaient moins dérangées.
Les groupes de travail, en s’appuyant notamment sur les suggestions des inspecteurs généraux, ont bien précisé les choses dans tous ces domaines. On sait à peu près où sont les habitats les plus favorables, et ce qu’il reste à entreprendre notamment en matière de foresterie pour conserver voire restaurer cet état. Cela profiterait à d’autres espèces et satisferait aux engagements pris par la France vis à vis de l’Europe. On sait comment faire évoluer le travail de l’équipe technique ours (ETO) et comment monter un réseau d’observateurs qui permette de répondre aux attentes de tous. On savait déjà que la protection des troupeaux donnait d’excellents résultats avec l’ours si on la mettait vraiment en place, on a en plus des réflexions poussées pour rendre encore plus supportable une présence qui reste objectivement anecdotique si l’on regarde le quotidien de l’ensemble de la chaîne et qu’on oublie un peu le pathos des médias et des opposants. Enfin on a réussi à dédramatiser la question de la chasse même si les postures de principe ont empêché l’achèvement des échanges et on sait, cartes en main, que les fameuses zones de tranquillité absolue où l’on demande qu’il n’y ait pas de chasse en battue avec chiens au moment de la préparation de l’hivernage sont de faible taille et peuvent être intégrées dans une rotation des espaces laissés au repos par les chasseurs.
La « suspension des battues lors de la présence avérée » ne reflète ni la position, ni les demandes d’associations comme Ferus. Au contraire : nous n’avons jamais accordé beaucoup de crédit aux dispositifs consistant à pister les ours pour prévenir les chasseurs au coup par coup (ce qui a conduit à la mort de Cannelle), d’ailleurs nous sommes hostiles aux émetteurs permanents sur les ours. Nous réclamons depuis toujours l’arrêt de la chasse en battue dans les zones dites vitales (zone d’élevage des jeunes, zones trophiques automnales, zones de tanières et zones de repos diurnes) pendant les mois sensibles d’automne.
Puisque les postures de principe ne permettent pas l’aboutissement de décisions concertées, FERUS demande à l’Etat Français de prendre ses responsabilités et d’imposer des zones de tranquillité (zone d’élevage des jeunes, zones trophiques automnales, zones de tanières et zones de repos diurnes) pour l’ours en période de chasse sur tout le massif pyrénéen, a minima à l’instar de ce qui se fait depuis 2008 dans les Pyrénées-Atlantiques (en intégrant en plus le facteur de la présence d’ourses et d’oursons sur le reste du massif puisque dans les Pyrénées-Atlantiques il n’y a plus que des mâles).
D’ailleurs, la constitution d’une Trame verte et bleue nationale, mesure phare du Grenelle de l’Environnement en matière de biodiversité, conduit à instituer ce minimum de zones de tranquillité connectées entre elles par des couverts forestiers appropriés. Il est écrit sur le site internet du ministère de l’Ecologie que « le projet ne vise rien de moins qu à (re)constituer un réseau d’échanges cohérent à l’échelle du territoire national, pour que les espèces animales et végétales puissent, à l’instar des hommes, communiquer, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… assurer leur survie. »
Dans la continuité de cette Trame verte et bleue nationale, nous vous demandons de ne pas omettre les passages à faune dignes de ce nom dans les Pyrénées pour les ours en particulier et pour toute la faune pyrénéenne en général (notamment sur la RN 20 en Ariège où l’ours Bouxty fut percuté, sur la RN 134 en vallée d’Aspe, sur la RN 21 entre Lourdes et Argelès où l’ourse Franska fut percutée).
Mais à quoi pourront bien servir ces millions d’euros, ces heures d’agents de l’Etat, ces perfectionnements constants dans les approches techniques, ces recommandations pour renouer les fils du dialogue avec tous les intéressés, et mieux communiquer, s’il n’y a plus d’ours ? déjà dans les Pyrénées Atlantiques on vit une situation digne du Canard Enchaîné, avec des experts, des financiers, des politiques qui se querellent sur l’avenir de l’ours et dépensent beaucoup d’argent en son nom pour faciliter son acceptation alors qu’il n’y a plus que trois mâles.
Dans les Pyrénées Centrales, nous avons peu d’espoir, quasiment aucun, que l’on passe de moins de quinze ours à plus de cinquante. Au contraire, une forte possibilité pour que se répète le déclin qu’ont connues les vallées d’Aspe et d’Ossau entre 1983, début du premier plan ours alors qu’il restait une quinzaine d’animaux, et 2009 où il ne reste que l’ours baptisé Aspe-Ouest.
Ferus demande donc fortement que soit réaffirmé que l’ours ne doit pas disparaître des Pyrénées. Si le renforcement de population n’est pas le seul moyen et outil employable pour garantir la remontée des effectifs au dessus d’un seuil critique, il reste indispensable à ce jour compte tenu de la faiblesse des effectifs. L’Etat doit le dire, l’écrire et l’assumer. Nous serons très attentifs aux suites que le gouvernement donnera officiellement à cette première phase des travaux du GNOP, qui encore une fois a été très constructive même si nous regrettons l’absence de certains opposants qui fuient les échanges d’arguments policés et concrets. Nous hésiterons beaucoup à reprendre des études techniques sans fin si nous n’avons pas la conviction que les pouvoirs publics sont très fermement et profondément déterminés à rétablir l’espèce en bon état de conservation.
Le conseil d’administration de FERUS