Histoire et enjeux croisés autour de la forêt, des cervidés et des loups. Par Romain Ribière
Article paru dans la Gazette des grands prédateurs n°64 (juin 2017)
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La disparition du loup en France est souvent présentée comme une singularité. L’aboutissement pour l’Homme d’ « une lutte acharnée contre une espèce qu’il a exécrée [ …] » traduite par « une politique d’extermination [qui] a abouti en quelques décennies au grand massacre des loups » (Moriceau 2010).
Cette lecture bénéficie à nos esprits contemporains d’un consensus assez large, où elle exprime avant tout une métaphore symbolique : le triomphe implacable de la civilisation occidentale sur le sauvage. Le retour de Canis Lupus sonne à cet égard comme un anachronisme qui alimente la controverse entre ses détracteurs et partisans.
Les premiers voyant dans le combat contre le « fauve » l’occasion d’entretenir la flamme d’une ruralité conquérante où l’Homme serait le grand ordonnateur d’une nature maîtrisée.
Les seconds théorisant le retour du prédateur naturel comme symbole d’une revanche symbolique : celle d’une nature férale qui compense les destructions opérées par un demi-siècle d’agriculture moderne (mécanisation, chimie…).
Ce dualisme, s’il peut sembler réducteur, polarise néanmoins les débats dans l’espace public. Il fait du loup l’otage idéal d’une confrontation plus vaste entre des perceptions divergentes de notre environnement naturel. Par delà les clivages exprimés, on devine pourtant une perspective commune largement anthropocentrée. La présence du loup sur le territoire français est avant tout vécue comme un choix politique.
Il convient cependant de relativiser l’idée première d’une éradication fruit de l’action directe de l’Homme.
Apogée de la civilisation rurale… et pression maximale sur la nature
L’Europe de l’Ouest est probablement un des territoires où l’anthropisation est la plus ancienne et prégnante. Malgré tout, l’emprise humaine n’a pas été constante selon les époques. Elle a en réalité varié au grè des fluctuations socio-économiques, notamment dans les territoires montagneux. L’étude des pollens piégés dans les tourbières révèle par exemple que les haut plateaux du massif Central ont ainsi connu plusieurs phases d’expansion et de déprise du pastoralisme depuis le 3e siècle (MIRAS ; GUENET ; RICHARD – 2010).
La situation change plus nettement dès la fin du 18e siècle. La société connaît alors plusieurs bouleversements intrinsèquement liés : révolution industrielle, découverte scientifiques et médicales, changement de l’ordre géopolitique…
Dans ce contexte, la France rurale connaît une expansion démographique importante qui culmine en milieu de 19e siècle. Celle-ci se traduit par une pression accrue sur les ressources naturelles, dont l’espace forestier fait les frais. Les besoins en charbon de bois d’une industrie en expansion se conjuguent à une pression de défrichement agricole forte. Le 19e siècle sera celui de l’apogée des landes, un habitat naturel issu d’une longue coévolution entre les grands herbivores et les dynamiques forestières, parfois maintenues par le feu ou les tempêtes et étendues par l’élevage jusqu’au début du 20e siècle.
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