Communiqué de presse des associations FERUS et Pays de l’Ours-Adet, le 24 septembre 2019
Indemnisation des dégâts d’ours : l’État fait artificiellement exploser les chiffres sans résoudre le problème
Le 28 juin dernier nous dénoncions « le scandale de l’indemnisation des dégâts d’ours« . L’été est passé et force est de constater que la réalité a dépassé toutes nos craintes.
L’entrée en application du nouveau décret sur l’indemnisation des dégâts du 9 juillet 2019 a créé une situation confuse et chaotique, dont l’État a complètement perdu le contrôle et la maîtrise :
- Le bilan des indemnisations qui sera annoncé bientôt, laissant penser que les ours auraient tué deux ou trois fois plus de brebis que les années précédentes, n’a aucun sens. Si autrefois l’État cherchait à quantifier l’impact de l’ours sur le bétail, il se contente maintenant d’évaluer « si l’on peut écarter la responsabilité de l’ours », pour chaque cadavre présenté par un éleveur. Comme c’est de fait impossible dans la grande majorité des cas, quelle que soit la cause réelle du décès de l’animal, le résultat est clair : toute bête morte de cause indéterminée en zone de présence d’ours est systématiquement indemnisée au titre des dégâts d’ours. Il n’y a ainsi plus aucun rapport entre les dégâts d’ours et les indemnisations versées en son nom.
- Dans le même temps, sous la pression des syndicats agricoles, l’État a multiplié par 2 ou 3 le montant des indemnisations. D’une part le montant des indemnités versées explose; d’autre part des éleveurs qui font actuellement l’effort de protéger leur troupeau se demandent s’ils vont continuer, en sachant qu’une brebis d’une valeur de 120 € est maintenant indemnisé en moyenne entre 500 et 600 € ! L’augmentation des indemnisations observée cette année, déjà importante, n’est probablement que les prémices d’une explosion à prévoir dès l’année prochaine !
La pseudo-conditionnalité de l’indemnisation à la protection des troupeaux, que l’État a prévu d’appliquer d’ici deux ans, n’y changera rien : en ne demandant aux éleveurs de mettre en oeuvre que deux techniques de protection sur les trois nécessaires (présence du berger, regroupement du troupeau, présence de chien de protection), l’État promeut des systèmes incohérents :
- un troupeau regroupé mais sans chien de protection serait ainsi considéré comme protégé, mais par quoi ?
- De même, un troupeau non-regroupé la nuit serait aussi considéré comme protégé s’il y a un chien de protection, mais comment le chien pourrait-il faire pour protéger des brebis éparpillées sur des hectares ?
De surcroît, l’État a déjà prévu une possibilité de dérogation qui permettra à certains éleveurs d’être indemnisés sans aucune mesure de protection si l’estive est considérée « difficilement protégeable » par le Préfet. Personne ne sachant ce que cela signifie, les estives « difficilement protégeables » seront celles des éleveurs qui crient assez fort, les pertes de bétail continueront, et tout sera encore indemnisé au nom de l’ours, y compris s’il n’y est pour rien …
C’est l’histoire d’une catastrophe annoncée et basée sur des mensonges, que rien ne semble pouvoir éviter car l’État traite les conséquences (l’indemnisation des pertes) et non la cause du problème (les failles de la protection des troupeaux). Les solutions sont pourtant connues et claires, mais elles demandent du courage :
- Former les bergers et les éleveurs aux techniques de protection et leur en donner les moyens. Ce n’est pas fait actuellement.
- Conditionner vraiment l’indemnisation des dégâts à une réelle protection des troupeaux. Si une estive est vraiment impossible à protéger, envisager de renoncer à y mettre des bêtes comme le proposaient les inspecteurs généraux dans leur rapport remis l’an dernier.
- Cesser les pseudo-mesures inefficaces et dangereuses comme l’effarouchement des ours au fusil de chasse. Cela ne résout rien et mènera inéluctablement à un accident dont l’État portera la responsabilité (voir à ce sujet notre communiqué du 18 juillet 2019).
Au sein de la coordination Cap Ours, nous faisons et continuerons de faire ce que nous pouvons pour éviter cette catastrophe, mais nos moyens sont limités.
Au delà de faire porter à l’ours des pertes dont il n’est pas responsable, ce qui ne facilitera pas sa protection, la manière dont est géré l’argent public concerne tous les citoyens. Que ce soit sur le glyphosate, les bandes sans pesticides, ou les prédateurs, l’État ne peut plus n’écouter que la FNSEA.