Il y a 15 ans, jour pour jour, l’ourse slovène Ziva était relâchée dans les Pyrénées sur la commune de Melles (Haute-Garonne). Elle sera rejointe en juin de la même année par l’ourse Mellba. Si Mellba a été abattue par un chasseur en 1997, Ziva vit toujours sa vie d’ourse sauvage dans les Pyrénées et a mis au monde de nombreux oursons. Retour en arrière sur la capture en Slovénie et le premier relâcher d’ours dans les Pyrénées ….
Feuille de route, revue Ours et Nature (revue Artus*) n° 12/13, 1996, par Roland Guichard
Samedi 18 mai 1996 sous un ciel couvert, à six heures du matin, l’alarme d’un piège a été repérée sur la montagne de Podstenice. Toute la petite équipe présente dans la cabane est, en quelques minutes, prête à intervenir.
Une première voiture, celle des « vétos », arrivera sur le site à 6h22. Pendant ce temps les deux personnes restées sur place préparent en 10 minutes le grand départ pour la France – Ne rien oublier – Les véhicules sont tous prêts. Le plein est fait (pas évident à prévoir, loin de toute station service) et le matériel médical et chirurgical est vérifié tous les jours par Alain Arquilière.
Aussi, dès la première alarme, c’est sans précipitation, avec une rigoureuse précision, que chacun vaque à ses tâches – l’émotion en plus. Le voyage de l’ours vers la France se fera dans le même état d’esprit, en sachant très bien que les passages en douane restaient très aléatoires. Malgré toutes les infinies précautions que nous avions prises, nous demeurions très inquiets. Le week-end n’est pas le meilleur moment pour faire passer un ours à la douane. Tout d’abord il y a le Pape qui est présent en Slovénie et ce samedi, une grande messe doit être dite en plein air à Postojna sur notre route – nous craignons les barrages de police… En fermant le coffre de la voiture avec nos derniers bagages, je pense aux difficultés qui nous attendent.
IL est 9h36 : l’ourse Ziva a été mise dans sa cage après avoir subi une cinquantaine de mesures et de traitements. Les autorités françaises ont été prévenues : du fond de la forêt nous avions contacté Mr de St Vincent, Directeur Régional de l’Environnement (DIREN). IL avait donné son feu vert pour rapatrier le premier ours, l’ambassade de France en Slovénie avait aussi été prévenue ainsi que notre ambassade à Rome. Les douanes slovènes et italiennes ainsi que les différents services vétérinaires ont reçu nos appels téléphoniques. Nous sommes attendus ….
Avant le départ définitif je signe encore différents formulaires d’achat de l’ours et le rapport de l’inspecteur régional vétérinaire m’est donné… Je dispose d’une valise entière de papiers et de formulaires de toutes couleurs et en toutes langues pour effectuer ce voyage initiatique.
Le départ se fait dans une réelle émotion
L’équipe française, slovène et croate se sépare, l’ours va t il supporter le voyage ? Ceux qui restent sur place partent désactiver les pièges … dans l’attente anxieuse de nos nouvelles du lendemain. Nous étions convenu qu’Alain, notre vétérinaire, ne conduirait pas (ou très peu) afin d’éviter toute fatigue inutile en cas d’intervention médicale délicate sur l’animal nécessitant toute son attention. Régulièrement, Alain surveille l’ours au moyen d’une micro caméra placée devant la cage. Il allume chaque fois une lampe afin de détecter la position de l’animal. L’objectif est d’éviter d’exciter l’animal en montrant directement nos visages au travers des barreaux. L’ourse manque de charger et de se blesser contre la tôle d’aluminium. Nous avions pris un maximum de précautions en faisant réaliser cette cage ronde en tôle par une remarquable entreprise – « L’Hotellier Montrichard », spécialisée dans le transport des choses intransportables (fusées, satellites, pièces d’aviation, hôpitaux de campagne …). Il ne fallait aucune aspérité, tout est arrondi et poli.
Le véhicule Jumper Citroën est équipé d’un groupe électrogène qui alimente une climatisation. Nous souhaitions que l’animal soit transporté dans le noir, isolé du bruit et dans une température fraîche., dans une ambiance de tanière en quelque sorte. Sur l’autoroute, nous croisons des files interminables d’autocars. Notre voie est dégagée. En sens inverse, l’autoroute est bloquée, consacrée au parking des véhicules des nombreux fidèles venus à la rencontre du Pape. Aucun barrage de police dans notre sens.
12h25 Nous arrivons à la douane slovène
Nous devions emprunté le passage consacré aux voitures en doublant si nécessaire les files de véhicules. Nous étions prioritaires. Les ambassades de France à Ljubljana et à Rome avaient préparé avec beaucoup de soin notre passage. Nous mêmes avions réalisé un voyage à vide avec la camionnette quelques mois auparavant et rencontré chaque responsable des différents services de douanes.
Hélas, ce que nous craignions le plus arrive, on nous dévie sur l’autoport vers les douanes spéciales réservées aux poids lourds. Ceux qui ont une expérience des transports internationaux savent que ces gigantesques ports de douanes pour camions peuvent être des pièges redoutables. Des files de poids lourds peuvent tout bloquer pendant des heures. La foule anonyme des transporteurs d’Europe de l’Est qui attendent un coup de tampon ou une hypothétique autorisation est pour moi l’incarnation de l’enfer de la paperasserie. Pas moins de 5 administrations italiennes différentes s’affairent en tout sens dans les mornes couloirs éclairés par des néons. Les transporteurs mal rasés, blâmes, attendent en grappes serrées devant de multiples guichets – malheur à celui qui n’est pas en règle ou qui manque de patience.
Une heure sera nécessaire côté douane slovène pour obtenir les derniers coups de tampons nécessaires. In inspecteur sanitaire des douanes slovènes sera sollicité. Même chose en Italie, son homologue, le directeur des services vétérinaires, nous attendra.
L’attente devient fiévreuse et anxieuse – on court d’un bureau à l’autre pour la photocopie d’un document officiel ou pour la signature d’une administration souveraine – heureusement tout a été préparé aux petits oignons. Notre ourse Ziva s’est assoupie. Côté italien, nous restons à peine trois quarts d’heure. Le slalom entre les différentes portes des 5 administrations a été réussi. Dans la foulée, un organisme conserve notre premier CITES, nous le récupérerons une semaine plus tard vie l’ambassade de France à Rome.
Dernière ligne droite
Une fois entrés dans l’espace communautaire, nous allons rouler sans discontinuer pendant près de 18 heures, nous relayant au volant, surveillant l’ours, renouvelant l’eau de son abreuvoir. Alain vérifie son rythme respiratoire et la température « climatisée ». Seuls arrêts, les pleins d’essence, 30 minutes au péage de Toulouse où nous attend le Directeur de l’Environnement, 20 minutes à la gendarmerie de St Gaudens, une trentaine de minutes à Fos.
Dimanche 19 mai 1996 à 8h12, Ziva est relâchée dans les forêts de Melles après une ultime inspection vétérinaire du Directeur adjoint des Services vétérinaires départementaux. L’animal est vif et en pleine santé. Après avoir griffé la porte de la camionnette et chargé sans mal le cadreur de télévision de France 3 placé un peu trop près à son goût, elle disparaît dans les bois.
Roland Guichard
A découvrir ou redécouvrir le numéro spécial d’Ours et Nature consacré aux captures, relâchers et premiers suivis des ourses Ziva et Mellba :
* Artus est aujourd’hui devenue l’association FERUS
1 commentaire sur “L’album de la réintroduction des ourses Ziva et Melba (1996)”
Si Ziva a mis au monde de nombreux oursons, on n’en a malheureusement pas retrouvé beaucoup !