Revue de presse, Cordis Nouvelles, 7 septembre 2010
L’expansion humaine responsable de l’extinction de l’ours des cavernes
Des scientifiques européens ont découvert que l’extinction de l’ours des cavernes il y a près de 24 000 ans était à imputer à l’expansion humaine, et non au changement climatique. Ils expliquaient que la compétition importante entre les hommes et les ours pour trouver de l’espace et un abri (notamment car les ours utilisaient les cavernes pendant les mois d’hibernation), a déclenché un déclin de la population des ours. Inversement, les ours brun ont survécu jusqu’à présent, car les cavernes ne constituent pas leur seul habitat. Les résultats ont été publiés dans la revue Molecular Biology and Evolution.
Pour comprendre le déclin de la population des ours des cavernes (Ursus spelaeus) en Europe, une équipe de scientifiques, menée par le Dr Mathias Stiller de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne, a étudié des séquences d’ADN (acide désoxyribonucléique) mitochondrial de 17 nouveaux échantillons de fossiles et les a comparé à celui de l’ours brun moderne (Ursus arctos). Les chercheurs ont découvert ces fossiles dans des dépôts en Sibérie (Russie), en Ukraine, en Europe centrale et en Galice, ainsi que dans la péninsule ibérique.
Les scientifiques ont mené une analyse bayésienne de la probabilité statistique des séquences d’ADN et ont découvert que c’était le développement de l’homme, et non le changement climatique, qui serait responsable du déclin de l’ours des cavernes, une créature redoutable pesant en moyenne 500 kg.
«Le déclin de la diversité génétique des ours des cavernes a débuté il y a 50 000 ans, bien plus tôt que ce que les études suggéraient, à une époque où aucun changement climatique ne s’est produit mais qui coïncide avec le début de l’expansion humaine», expliquait le Dr Aurora Grandal-D’Anglade, co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut en géologie de l’université de la Corogne en Espagne.
Parallèlement, la datation des fossiles au radiocarbone a révélé que le déclin de la population d’ours des cavernes en Europe centrale a débuté il y a près de 35 000 ans, et a totalement disparu dans la plupart des régions il y a de cela 24 000 ans. L’ours des cavernes a cependant survécu pendant quelques milliers d’années supplémentaires dans certaines régions telles que le Nord-est de la Péninsule ibérique.
Le Dr Grandal-D’Anglade expliquait que l’on peut attribuer l’extinction de l’espèce à l’expansion croissante des hommes et à la concurrence entre les hommes et les ours des cavernes pour trouver de l’espace vital et un abri.
Les scientifiques ont également comparé l’ours des cavernes à son cousin, l’ours brun, en analysant 59 séquences d’ADN d’ours des cavernes datant de 60 000 à 24 000 ans en arrière, et 40 séquences de l’ours brun, datant de 80 000 ans en arrière à aujourd’hui.
Ils en ont conclu que le changement climatique avait probablement joué un rôle dans le déclin de l’ours des cavernes, dont la disparition définitive coïncide avec le dernier refroidissement du climat au cours du Pléistocène, il y a entre 25 000 et 18 000 ans. Les chercheurs suggèrent que cette fluctuation de température aurait provoqué une diminution des abris disponibles et de la végétation dont se nourrissaient les animaux; en effet, l’ours des cavernes était principalement herbivore.
Cependant, expliquaient les chercheurs, ce changement climatique et l’appauvrissement des écosystèmes naturels a été le véritable «coup de grâce» porté à l’ours des cavernes, qui connaissait «déjà un rapide déclin». L’ours brun moderne n’a pas connu le même destin malheureux et a survécu jusqu’à aujourd’hui car les cavernes ne constituaient pas son unique habitat. «Les ours bruns se réfugient dans d’autres abris moins spécifiques pour l’hibernation», expliquait le Dr Grandal-D’Anglade. «En fait, on trouve peu de restes fossilisés de ces ours dans les cavernes.»
Photo : un squelette d’ours des cavernes