Mars 2010
Éditorial par Alain Reynes, directeur de Pays de l’ours-ADET
Faut rien lâcher !
En 1996, les premiers lâchers d’ours en Pyrénées Centrales étaient expérimentaux.
Tandis que l’IPHB confirmait sa vocation de « pompe à fric », Mellba, Ziva, Pyros et très rapidement leurs descendants, nous montraient que les erreurs du passé peuvent encore être réparées.
Dix ans plus tard, suite à la triste mort de Cannelle, les lâchers quittent enfin leur caractère expérimental et l’objectif de restauration d’une population viable s’impose. La France se dote enfin d’un Plan de restauration de la population d’ours, pour la période 2006-2009. Nous sommes début 2010. « Seulement » quatre ans après les derniers lâchers, Chantal Jouanno annonce un nouveau Plan ours.
L’histoire est en marche, et le pas s’accélère enfin. Il était temps ! L’ours revient de loin, mais rien n’est encore acquis.
La situation reste critique en Béarn, où les derniers mâles se morfondent à la recherche de femelles. En Pyrénées Centrales, quelques ourses s’obstinent à perpétuer l’espèce, mais elles n’y parviendront pas sans renforcement, tant pour des raisons démographiques que génétiques. Ne nous le cachons pas : il n’y aurait plus d’ours depuis longtemps en Béarn sans le travail associatif, notamment du FIEP, et l’ours ne serait jamais revenu en Pyrénées Centrales sans l’obstination d’Artus (Ferus) et de Pays de l’ours-Adet en particulier.
Et bien qu’il s’agisse d’une obligation de la France, l’avenir de l’ours repose évidemment encore sur la mobilisation associative.
Ferus et Pays de l’Ours-Adet ont donc décidé d’unir leurs efforts. Point question de fusion, mais de travailler intimement ensemble, dans le respect de l’identité de chacun. C’est le pari de l’intelligence : la force du réseau de Ferus alliée à l’ancrage territorial de Pays de l’Ours-Adet donne une dimension nouvelle aux actions communes. Le renforcement de Parole d’Ours ou le succès de l’action « Pont de l’Alma », qui a poussé Chantal Jouanno à annoncer le nouveau Plan Ours le 20 janvier dernier, n’en sont que deux illustrations récentes. D’autres sont à venir en cette Année internationale de la biodiversité.
Cette année 2010 sera décisive pour l’ours. Au-delà de l’indispensable renforcement de la population, l’enjeu est de banaliser les lâchers, comme des opérations ordinaires de restauration d’une espèce menacée. Nous militons donc pour un Plan ours long, incluant des lâchers réguliers, et cela demandera la mobilisation de tous.
Alors oui, en 2010 plus que jamais, il ne faut rien lâcher … sauf des ours, bien entendu.
Sommaire :
Actus loup « Procès d’un chasseur tueur de loup… »
Par Patrice Van Oye et Claude Garnier
Extrait :
Beaucoup d’interventions, articles et messages sont venus commenter les faits de ce tir sur une louve dans la région de Gap.
Le 18 février dernier comparaissait donc le chasseur Ludovic Hanot pour tir illégal sur une espèce protégée. Evidemment nous avons immédiatement évoqué un délit de braconnage que les agents de l’ONCFS ainsi que les gendarmes ont précisé dans leurs procès verbaux. Présent au cours de l’audience au tribunal de Gap, j’ai pu relever un certain nombre d’interrogations.
Dans le cadre du récit des faits par la présidente du tribunal (sans l’utilisation de micros, ce qui a rendu le compte rendu inaudible pour la salle !…étant sur le banc des journalistes cela m’a été plus facile) il a été clairement défini que ce chasseur après avoir commis ce délit a tenté de le dissimuler. Sans la présence d’une patrouille de l’ONCFS, il est évident que ces faits graves seraient restés sous silence : l’individu est resté posté plus de 2H30 près de la louve et a ensuite demandé aux chasseurs présents d’effacer la totalité des appels et messages de leur téléphone portable.
Ours : les associations lancent la mobilisation
Extrait :
Nous refusons que les officiels fassent « la part du feu » en sacrifiant quelques espèces, ou quelques espaces, dont le sauvetage apparaîtrait trop problématique.
Ainsi de l’ours. Ce n’est pas la seule espèce emblématique de cette bataille pour la biodiversité, mais c’est la plus connue en France. L’ours incarne bien la double problématique A et B puisque la forêt pyrénéenne est menacée et qu’il est lui-même victime de braconnage et d’ostracisme. Sa conservation sera difficile, mais sera passionnante. Si l’on ne rétablit pas l’ours dans un état favorable, ce qu’on dira par ailleurs en faveur de la biodiversité sera légitimement mis en doute : chacun pensera que la biodiversité, c’est ce qui reste quand sont passés les aménagements publics d’un autre âge et les intérêts privés ponctuels.
Des pendus pour la vie. 2010 année de la biodiversité : et l’ours ? Par Bertrand Sicard
Extrait :
J’ai un vieil ami, dit Frankie, féru d’escalade, de nœud de marin et de descente en rappel. Il allait pouvoir m’aider à monter l’événement qui nécessitait un peu de maîtrise technique, si l’on ne voulait pas involontairement noyer nos ours (en peluche grandeur nature, ndlr) en offrandes à la déesse Séquana.
Après quelques reconnaissances, le jour J vint vite. Nous devions initialement opérer le lundi 11 janvier, jour du lancement officiel de l’Année Internationale de la Biodiversité. Mais la disparition subite de Philippe Séguin et la messe d’obsèques prévue aux Invalides nous fit repousser au dernier moment notre action. En remplacement, nous choisissons le 20 janvier qui nous semblait propice à l’occasion du colloque international sur la biodiversité organisé au Muséum National d’Histoire Naturelle et où nos ministres devaient se rendre officiellement.
Actus ours « Oui à l’ours dans les Pyrénées ! Le message est passé … »
Par Sabine Matraire
Extrait :
Suite à l’action sur le Pont d’Alma de FERUS et Pays de l’Ours-ADET (p 12), la ministre a annoncé le même jour sur France 3 Sud : « Le principe est simple, on ne renonce pas au plan ours. Donc il y aura des réintroductions. Parce que de toute façon la population n’est pas viable. Je ne serai pas la ministre qui renoncera aux engagements internationaux de la France. Par contre, effectivement, les décisions seront prises une fois que l’on aura vu tout le monde. Et puis, elles seront officiellement annoncées après les élections régionales ».
Le 26 janvier 2010, lors d’une réunion à Madrid pour le lancement de l’année mondiale de la biodiversité, Chantal Jouanno a rencontré la ministre espagnole de l’environnement et d’après le communiqué du ministère : « Les bases d’une coopération bilatérale renforcée ont en particulier été posées sur les dossiers de l’ours et du bouquetin pyrénéens. »
Le message est passé. Cela suffira t’il ? FERUS se prépare à toute éventualité.
Prédation des loups et des chiens errants : une étude qui change tout
Par Baudouin de Menten
Extrait :
La méthode de l’analyse génétique utilisée dans cette étude en Espagne montre qu’il est maintenant possible de dissocier les attaques de chiens et les attaques de loups dans un territoire où les deux espèces cohabitent. De plus, l’analyse des restes alimentaires dans les fèces permet de connaître le régime alimentaire des deux espèces. Ce choix méthodologique nouveau, supprime la subjectivité et les imprécisions de l’étude de Laurent Garde. « This finding suggests that uncontrolled dogs could be responsible for some of the attacks on livestock, contributing to negative public attitudes toward wolf conservation and increasing its cost » : Cette découverte suggère que les chiens errants et divagants pourraient être responsables de certaines des attaques sur le cheptel domestique, contribuant ainsi à l’image négative de la protection du loup auprès du public et à l’augmentation du coût de sa protection.
Des bêtes et des hommes
Interview avec Michel Tonelli
Extrait :
Je suis optimiste dans l’avenir des populations de grands prédateurs en France, même si une espèce comme l’ours est encore à un stade de fragilité, mais faisons confiance à la nature qui a horreur du vide. Mon expérience de cinéaste animalier m’a toujours montré que là où se trouvait un large réservoir de proies, les prédateurs étaient présents. Si aujourd’hui, l’État assure la protection de ces grands prédateurs en terme de suivi des populations, en terme de police et de lutte anti braconnage, il est évident que ces animaux feront partie de notre bestiaire qu’ils n’ont d’ailleurs jamais quitté !
Rencontres avec le lynx ibérique
Par Pascal et Elisabeth Etienne
Extrait :
Notre bonheur est à son comble lorsque, le lendemain, nous repérons à assez courte distance un mâle divaguant sur une piste sablonneuse derrière un bloc rocheux : il s’évertue à marquer son domaine de jets d’urine puis disparaît, lâchement, derrière un bloc de granite. Une heure plus tard, une femelle nous offre le spectacle (sous le soleil !) de gravir le versant en arrière plan durant 70 minutes. Elle aussi ne cesse de déposer durant son parcours des marques odoriférantes. Vautours, aigles ibériques, pie-grièche méridionale, cerfs, sangliers… sont également de la partie pour faire de cette « chaude » journée un moment marquant du voyage. Durant l’après-midi, un vent violent se lève et nous oblige à trouver refuge sur un autre versant, ce qui offre l’occasion inespérée à certains d’entre nous d’observer un lynx se reposant sur un rocher à … 80 m du chemin ! Totalement inespéré !
Un prédateur aux multiples visages
Par Giovanni-Michel Del Franco
Extrait :
Le loup devint fait de société, avec la création de la louveterie. La France est le seul exemple européen de cette charge, qui perdure aujourd’hui et a trouvé un regain d’intérêt avec l’élaboration récente dans notre pays de “plans loup” suite au retour du prédateur sur notre territoire national. Le loup y trouva le redoutable honneur d’être le seul prédateur à bénéficier d’un corps d’état qui lui est consacré. Charlemagne en jeta les bases, François 1er les officialisa, et Napoléon Ier les revitalisa. Notons que les louvetiers, les luparii de Charlemagne, devaient chasser d’autres bêtes dites “nuisibles” : renards, blaireaux, etc…
Loup : le suivi de la reproduction 2009
Par le Réseau Loup
Extrait :
Le bilan apparaît donc mitigé cette année. Malgré un nombre de sites prospectés légèrement supérieur à celui de l’année passée, le nombre de contacts positifs reste faible. En revanche le pourcentage de meutes reproductrices détectées par cette technique reste sensiblement équivalent aux ratios des années précédentes (autour de 60%). On pourrait donc suspecter plutôt un faible taux de contact des groupes d’animaux qu’un déficit de reproduction. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce plus faible taux de contact des meutes.
Galerie par Pascal Etienne
Et toujours, les rubriques Brèves, vie associative, la vie des réseaux