La peur du loup. Par Pascal Dhuicq
Article paru en 2 parties dans la Gazette des grands prédateurs n°61 (septembre 2016) et n° 63 (mars 2017)
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Canis lupus est un carnassier capable de s’attaquer au gros « gibier », tout comme l’homme dont il était voué à être concurrent. Mais tandis que son statut d’allié domesticable (en chien) se perdait dans la nuit des temps (au Gravettien*), ce n’est qu’à la domestication du bétail, au néolithique, que remonte celui de « nuisible ». Il faut attendre le haut Moyen-Âge pour que celui de concurrent n’émerge vis-à-vis de l’aristocratie qui fait du gros gibier sa « chasse gardée ». Il n’en fallait pas moins pour que la noblesse en fasse « son affaire ». L’’institution de la Louveterie a d’ailleurs été motivée par la perpétuation de ce monopole nobiliaire(1). Celui-ci a été entretenu par des privilèges ayant dérivé vers des abus de leurs titulaires qui aspiraient à la charge de lieutenant de louveterie laquelle, entre autres privilèges, leur conférait le droit de port d’arme et de chasse jusque dans les forêts royales(2). Fatalement, étant réputé immangeable, plutôt que d’être « exploité », le loup n’avait donc d’autre destin que d’être exterminé.
La France de l’Ancien Régime jusqu’à l’entre-deux Guerres est essentiellement rurale et l’agriculture est encore une activité de subsistance où l’élevage est prépondérant et où les « bestiaux » constituent souvent la seule fortune d’une famille. Il ne fallait pas moins que ce contexte pour que les « exactions » du loup sur le cheptel justifient son éradication sans qu’il fût donc nécessaire de cautionner sa destruction systématique par les seuls privilèges attachés à la noblesse. À la faveur des guerres de Trente ou Cent ans et autres conflits sanglants, le naturel opportuniste et charognard du loup a pu s’affirmer au tournant d’hivers rigoureux, enhardissant peut-être certains individus solitaires et attisant certainement la terreur déjà entretenue dans les campagnes… À ce tableau s’est surtout ajoutée la rage qui au fil des siècles a fait naître cycliquement la psychose chez les Français même aux portes des villes où des incursions de loups enragés ont existé.
La défiance de la noblesse à l’égard du peuple paysan susceptible de se monter en jacqueries voire en révoltes armées contre les privilèges (notamment le droit de chasse) a conduit à neutraliser le monde paysan en lui interdisant l’usage des armes à feu, ce qui malgré de rares dérogations mal maîtrisées aux fins de battues (les « tracs »), a maintenu les campagnes dans l’impuissance face aux « loups féroces ». Appuyant cette image sanguinaire affublant l’espèce, l’Aristocratie d’épée puis, après la Révolution, les oligarchies gouvernantes ont encouragé l’extermination sous couvert de « salut public ».
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