Au début des années 1990, le dernier ours disparaît des Pyrénées Centrales. Seuls 7 à 8 individus subsistent dans le noyau occidental et la disparition de l’ours des Pyrénées apparaît donc comme inéluctable.
L’association ARTUS (qui fusionnera en 2003 avec le Groupe Loup France pour former FERUS) engage alors sur ses fonds propres (adhésions et mécénat, soit environ 900 000 francs) des études de faisabilité liées au milieu naturel et économique dans l’optique de réintroduire l’ours dans les Pyrénées Centrales.
En 1995, un partenariat est formalisé entre l’Adet (Association pour le Développement Economique et Touristique regroupant plusieurs communes pyrénéennes), l’ONC (Office National de la Chasse), l’ONF (Office National des Forêts), Artus, la DIREN et les Fédérations Départementales de Chasseurs de l’Ariège, de Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées. La même année, au sein de la DIREN, est créée l’Equipe Technique Ours qui sera chargé du suivi scientifique.
La réintroduction
La réintroduction de l’ours dans les Pyrénées est effectuée dans le cadre d’un programme LIFE de l’Union Européenne qui financera entre autres la capture, le transport et le lâcher des ours. Trois ours seront donc capturés en Slovénie pour être relâchés dans les Pyrénées Centrales.
– Ziva
Ourse gestante de 7 ans et 104 kilos, Ziva est piégée le 18 mai 1996 vers 7 heures, sur la montagne de Podstenice (Slovénie). Djuro Huber, professeur à la faculté vétérinaire de Zagreb (Croatie) et responsable du piégeage, anesthésie l’animal à l’aide d’un fusil télé-anesthésique. Libérée de son piége, Ziva endormie est mesurée sous toutes les coutures : hauteur au garrot, griffes, tour de cou, taille de l’empreinte, poids… Une puce électronique d’identification est ensuite mise en place. Suit une prise de sang et le prélèvement d’une molaire qui déterminera son âge. Puis, des marques auriculaires et un collier de couleur rouge sont installés afin de pouvoir l’identifier de visu, à la jumelle par exemple.
Placée dans une camionnette, Ziva va effectuer un trajet de 1500 km. Le dimanche 19 mai 1996, vers 8 heures, c’est le grand jour : Ziva est relâchée sur la commune de Melles (commune faisant partie de l’ADET).
Pendant l’hiver 1996-97, Ziva met au monde 2 oursons (les mâles Kouki et Néré). En 2000, naissent 2 oursons et 2 autres oursons en 2002 !
– Mellba Capturée le 5 juin 1996 dans la réserve Medved de Kocevje, au site « Montagne Rog », Mellba, 5 ans, 98 kilos et elle aussi gestante, va également se soumettre aux manipulations effectuées sur Ziva. Son collier et ses marques auriculaires seront de couleur jaune. Le 9 juin, elle est relâchée sur la commune de Melles.
– Pyros Ce mâle de 9 ans et 235 kilos rejoint le nouvel univers de Mellba et Ziva le 2 mai 1997.
Les 3 ours seront déparasités afin d’éviter l’importation de nouvelles maladies dans les Pyrénées.
Un bilan positif
Bilan biologique
Cette expérience de réintroduction est une réussite. En effet, les ours réintroduits se sont bien adaptés à leur nouvel environnement et les deux femelles, gestantes à leur arrivée en France, ont mis bas d’oursons malgré le déplacement et avec un taux de survie élevé puisque 4 des 5 oursons sont toujours en vie. Il a été constaté un bon développement des individus réintroduits et de leur progéniture (forte croissance pondérale) et une maturité sexuelle précoce de la femelle Caramelles qui a été fécondée à l’âge de 3 ans et demi.
Bilan économique
Diverses structures locales favorables à un développement harmonieux des activités économiques de la montagne se sont positionnées pour la mise en place de politiques favorisant la cohabitation entre les activités humaine et la nécessaire préservation de l’environnement et de la nature.
Valorisation de l’écotourisme : le Pays de l’Ours, les expériences des accompagnateurs en montagne…
Impulsés par la réintroduction d’ours dans les Pyrénées Centrales en 1996/1997, déjà plus de 100 professionnels ont signé avec Pays de l’Ours-ADET une charte de qualité reconnaissant en l’ours une image symbolique valorisante pour les Pyrénées Centrales et le développement de leur activité.
Valorisation de l’économie locale
Les emplois directement liés au programme de réintroduction de l’ours et des mesures d’accompagnement dans les Pyrénées Centrales concernent près de 100 personnes.
Ces emplois ont été créés ou confortés au sein de l’Equipe Technique Ours et de la DIREN, des Groupements Pastoraux, de l’équipe des bergers itinérants, de Pays de l’Ours-ADET et de l’Association pour la Cohabitation Pastorale.
Pour une région comme les Pyrénées Centrales à l’économie fragile, l’impact positif direct sur l’économie locale est indiscutable.
Le manque « d’acceptation sociale » évoqué pour procéder à la poursuite du renforcement de la population d’ours est souvent mis en avant par les opposants à l’ours. Le sondage, réalisé début 2003 par l’IFOP pour les associations Pays de l’Ours-ADET et WWF France, démontre l’attachement des Français et des Pyrénéens à la présence de l’ours dans les Pyrénées et que 58% des montagnards pyrénéens et 72% des Français sont favorables à l’introduction d’ours supplémentaires dans les Pyrénées.
Mais …
Aujourd’hui, compte tenu de la situation désespérée de l’ours dans le Béarn (une seule femelle ayant apparemment atteint ses limites de capacité de reproduction) et compte tenu du contexte politique actuel, il semble indispensable que toutes les associations se mobilisent pour former un front commun pour l’ours afin, à terme, d’obtenir enfin une opération de renforcement dans le Béarn et la poursuite de la réintroduction dans les Pyrénées Centrales.
FERUS a milité pour la mise en place de ce front commun et s’engage à appuyer sur le plan national toute action et toute décision prise au sein de ce front commun. Une des forces de FERUS est de pouvoir militer nationalement en faveur de l’ours grâce, notamment, à ses nombreux réseaux. Dans la continuité d’ARTUS, FERUS est membre du collectif CAP-OURS (Coordination Associative Pyrénéenne pour l’Ours : regroupement d’associations d’éleveurs, de professionnels du tourisme et de protection de la nature supportant le projet de réintroduction, créé en 2000).
Aujourd’hui, agrandie à 29 associations en grande majorité pyrénéennes et en cohérence avec sa charte, CAP-Ours milite pour :
- la protection de l’ours et la cohabitation avec le pastoralisme ;
- le renforcement de la population d’ours ;
- la conservation des habitats.
Dessin de Marc Large
Photos extraites de « Ours et Nature », ancienne revue publiée par Artus (janvier 1997)