J’ai été sollicitée par plusieurs d’entre vous au sujet des déclarations de l’été sur le loup. Comme vous le savez, elles sont intervenues alors qu’un vif débat agite la Lozère depuis que des photos de loups y ont été prises au mois de Juin. Une centaine d’éleveurs ont manifesté le 22 juillet à Florac sous la banderole « Non au loup ». Je n’ai pas souhaité répondre « à chaud » à cette polémique, mais je souhaiterais aujourd’hui vous faire part de mon point de vue. Plusieurs textes de défense du loup ont déjà circulé sur nos listes, notamment la très bonne contribution de Sandrine Bélier, je ne vais pas reprendre les arguments déjà employés. Je souhaiterais simplement ajouter quelques éléments qui selon moi n’ont pas été abordés, bien qu’étant indispensables à la bonne compréhension du dossier.
Tout d’abord, je crois que l’on pourrait très bien remplacer dans le texte le mot « loup » par « ours », car c’est bien d’un bouc-émissaire qu’il s’agit ici. Il est tout trouvé : il est beaucoup plus simple de s’en prendre à ces espèces sauvages menacées qu’à l’OMC. Car l’origine du problème est bien liée à la mondialisation : la filière ovine est depuis de nombreuses années une filière touchée de plein fouet par la crise. Le nombre d’exploitations n’a cessé de chuter depuis plus de 25 ans. A titre d’exemple, le cheptel ovin français (troisième d’Europe, loin derrière l’Espagne et le Royaume-Uni) ne comptait plus que 8,3 millions de têtes en 2007, soit 36% de moins qu’en 1979 (selon l’Agreste Conjoncture, publication du ministère de l’Agriculture). En 2009, il n’en compte plus que 7,5 millions. A cause de la baisse des prix, les producteurs n’arrivent plus à vivre de la seule production ovine ; leurs revenus font partie des plus bas du secteur agricole. Sans compter la concurrence directe des moutons néo-zélandais, permise par le système du Commonwealth. Parallèlement, la moitié des exploitations ont disparu : celles qui ont survécu ont dû, pour être rentables, élargir considérablement leurs troupeaux et se consacrer exclusivement à la production de viande ovine. Les troupeaux de moutons, larges de quelques dizaines de têtes dans les années 70, ont, petit à petit, évolué vers ce qu’ils sont aujourd’hui : des centaines, voire des milliers, de têtes pour un seul éleveur. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le gardiennage soit difficile à assurer.
C’est là le cœur du problème : la plupart des troupeaux sont désormais laissés en liberté. Le retour du loup implique donc une modification des pratiques pastorales actuelles. Les troupeaux doivent désormais être rassemblés la nuit, constamment gardés par un berger et protégés par un ou plusieurs chiens « patous ». Ces solutions de protection des troupeaux existantes s’avèrent aujourd’hui plus efficaces face à la présence de prédateurs … mais nécessitent davantage de main d’œuvre pour les éleveurs.
Et de prédateur, le loup n’est pas le seul ! Outre les pertes accidentelles, qui sont très fréquentes, la problématique des chiens divagants (chiens domestiques en fugue ; les chiens « errants » retournés à l’état sauvage n’existant plus en France) est trop souvent tue. Il s’agit bien souvent du « bon gros chien » de son voisin (je parle en connaissance de cause : il n’y a ni ours, ni loup dans le Lauragais, mais le nombre de brebis égorgées est pourtant là… les miennes l’ont d’ailleurs toutes été il y a quelques années….) Les chiffres avancés sont variables : ils seraient responsables de prédations annuelles à hauteur de 0,18 % à 5 % des effectifs présents. Autrement dit, sur un effectif de 10 000 brebis, les chiens divagants attaqueraient chaque année de 18 à 500 brebis, selon les études considérées (selon le ministère de l’Ecologie).
Doit-on tirer sur les chiens domestiques ?
On le voit ici, supprimer le loup (ou l’ours !) de nos montagnes ne règlerait rien la situation de la filière ovine…
Source : Loup : le nouveau bouc-émissaire !