Il y a quelques jours, un internaute posait cette question concernant l’agenda Pastoraloup 2008 : « Quel agenda pour la Haute Savoie…la situation est cruciale…le pastoralisme menacé…. »
La réponse de Jean-Luc Borelli, chargé du programme Pastoraloup pour l’association Ferus :
Nous n’avons aucune action en cours sur la zone sensible des Bornes à laquelle vous devez certainement faire allusion.
Nous travaillons essentiellement (et historiquement) en effet sur les alpages des Alpes du Sud, avec temporairement et localement des incursions plus au Nord, comme il y a quelques saisons dans l’Ain ou encore en Maurienne. Notre limite géographique Nord est pour le moment cette saison représentée par le massif de Belledonne. Pour autant nous ne demandons pas mieux que d’intervenir sur les pays de Savoie, front de colonisation de l’espèce, où sur un point chaud comme les Bornes-Bargy, nous pourrions apporter notre modeste soutien dans la surveillance nocturne des animaux, par exemple, comme nous le faisons sur des secteurs tout aussi sensibles plus au Sud depuis plusieurs saisons.
Mais il faut bien reconnaître que dans les Alpes du Nord – même si l’expérience et le recul aidant, la situation n’est plus aussi tendue qu’aux premiers temps du loup dans le Mercantour, par exemple – les blocages politiques restent nombreux et ne facilitent pas l’acceptation et l’intégration de notre programme de bénévolat aux actions menées localement.
Malgré la communication, l’information que l’on peut faire en amont sur ces zones, la tension du moment, l’opposition et les stratégies politiques des organisations professionnelles agricoles, des élus locaux … empêchent, directement ou indirectement, toutes interventions de notre part. C’est bien dommage, car c’est justement sur des sites d’urgence comme cela (où tous les soutiens sont les bienvenus) que notre présence se justifierait le mieux, mais certainement par méconnaissance et donc à coup de gros clichés et préjugés à notre encontre, nous ne sommes pas les bien-venus.
Notre objectif n’étant pas de rajouter des tensions, des problèmes là où il y a déjà bien à faire, notre « stratégie » consiste alors à se faire discret, ne serait-ce que pour ne pas gêner ou brouiller les initiatives des DDAF et OPA concernées qui quoi qu’on en dise, effectuent dans un contexte très difficile, un travail considérable. Il arrive régulièrement d’ailleurs que certaines DDAF fassent appel à nos services en complément de leurs actions. Ce n’est pour le moment pas le cas sur le 74… il faut donner du temps au temps !!
Quant à « la situation cruciale et le pastoralisme menacé », loin de minimiser l’impact du prédateur et tous les problèmes (que je connais malheureusement que trop bien) posés au pastoralisme (et au-delà de toutes les polémiques médiatico-politiques habituelles… et stériles) toutes les régions concernées passent par cette étape difficile, où après une phase d’observation avec un individu ou deux, plus ou moins fixés sur 2/3 saisons, on passe à une exploitation lupine plus pérenne d’un site avec plus d’individus et donc des interactions plus sérieuses avec les troupeaux avant de revenir à une situation plus « sereine, acceptable et supportable » pour les éleveurs qui dans le laps de temps s’équipent en moyens de protection et donnent quelques ajustements à leur système pastoral pour le rendre autant que possible moins vulnérable (Sans oublier le braconnage qui facilite également parfois bien les choses ;-)) )
Mais tout ceci est bien sûr plus facile à écrire ici qu’à vivre sur le terrain pour les exploitants actuellement concernés, d’autant qu’il est vrai que les systèmes pastoraux de ce coin-ci des Alpes (que je ne remets pas en cause pour autant) sont à la base plus vulnérables : de nombreux petits troupeaux, libres, sur des secteurs parfois escarpés, avec une météo souvent plus « brouillardeuse » que dans le Sud, une activité touristique plus présente …
Bref, passé ces pics de crise où tout semble foutu (et certains il faut le reconnaître ne se privent pas pour en rajouter, surtout si média il y a !!) passés ces moments enflammés où tout le monde fait mine de découvrir la « réalité » du loup alors qu’en l’occurrence il est présent depuis au moins 5 saisons sur cette région… des adaptations, des innovations même, sont et seront apportées aux systèmes de protection actuellement préconisés (et qui font leurs preuves plus au Sud) tous les acteurs qui travaillent sur le dossier en sont bien conscients et œuvrent dans ce sens.
On peut, je pense, rester raisonnablement optimiste, un compromis sera trouvé ici comme ailleurs … Des moutons et donc des dégâts (mais moindres) il y aura encore sur les riches pâturages de Haute Savoie, des loups et donc des loups dézingués (braconnés ou tirés légalement) il y aura aussi …
J-L Borelli, chargé de mission Pastoraloup