Revue de presse, « Le chien, un ami de 33 000 ans« , par Frédéric Lewino, publié sur LePoint.fr le 4/08/2011, à savourer dans son contexte ici.
Le loup aurait tenté un premier rapprochement avec l’homme bien plus tôt qu’on ne le pensait.
S’il est déjà le meilleur ami de l’homme, le chien prétend désormais à être son plus vieil ami. Une complicité qui aurait pu commencer voilà 33 000 ans, juste avant le pic du dernier âge glaciaire. Autant dire une éternité en comparaison de toutes les autres espèces domestiques. L’apparition de la vache, du mouton, du cochon – pour ne citer qu’eux – aux côtés de l’homme remonte à moins de 10 000 ans. « Des amis de fraîche date ! » s’exclame mon border collie Floyd qui lit par-dessus mon épaule.
Jusqu’à présent, les spécialistes faisaient remonter la domestication du chien à quelque 14 000 ans. Ce qui a tout remis en cause est la découverte en Sibérie, par une équipe russe, d’un crâne parfaitement conservé de canidé datant de 33 000 ans. Il possède à la fois un museau ressemblant à celui d’un chien du Groenland et une dentition qui peut être comparée à celle du loup européen d’il y a 31 000 ans. Ce mélange de chien et de loup fait dire à Susan Crockford, une biologiste évolutionniste qui cosigne l’étude parue dans PLoS ONE, que le canidé sibérien à qui appartenait le crâne a été au début du processus de domestication. En effet, le raccourcissement du museau est un trait caractéristique de la domestication du loup, comme si, en nouant des liens d’amitié avec l’homme, celui-ci voulait présenter une tête juvénile, moins agressive.
Une intimité entre l’homme et le chien
Dans le cas de l’homme et du loup, le terme de domestication n’est pas totalement adapté. Il faudrait plutôt parler d’une mise en commun d’intérêts. Dans un premier temps, la meute de loups suit les groupes humains pour profiter des restes de leur chasse. Pour dévorer les os. En même temps, en écartant les autres gros prédateurs, comme les ours, les loups protégeaient en quelque sorte les hommes. Et dire qu’aujourd’hui on les remercie en les tuant dès qu’ils nous prennent quelques brebis…, mais cela est une autre histoire. Au fil des siècles et des millénaires, ce partage d’intérêts débouche sur le tissage de liens amicaux entre les deux espèces.
D’après mon gros malin de Floyd, ce seraient les chiens qui auraient fini par domestiquer l’homme en partageant les chasses, et non le contraire. Laissons-le à ses illusions… Quoi qu’il en soit, le crâne sibérien semble indiquer qu’une certaine intimité régnait déjà entre l’homme et le chien voilà quelque 33 000 ans. Mais cette belle amitié aurait brutalement pris fin : en effet, au-delà de cette date on ne trouve plus de fossiles de chiens domestiqués. Les hommes auraient continué à habiter les monts Altaï, mais sans canidés auprès d’eux. Que s’est-il passé ? Une brouille entre les deux espèces ? Les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse que des conditions climatiques plus difficiles auraient poussé les hommes à se déplacer davantage pour rechercher une nourriture devenue plus rare, ce qui aurait interrompu le processus de domestication.
C’est pourquoi tous les chiens actuels ne descendent pas des loups sibériens, mais d’une deuxième domestication qui s’est déroulée voilà 14 000 ans au Moyen-Orient, mais aussi en Chine, à partir, cette fois, du loup gris. C’est en tout cas ce qu’affirment les récentes études génétiques. Floyd remue de la queue. Il est, pour une fois, d’accord avec la science. Ouf !
Publié avec l’aimable autorisation de son auteur, Frédéric Lewino.
Source : « Le chien, un ami de 33 000 ans », LePoint.fr (04/08/11)