Par Eric Marboutin, C. Duchamp, M. Catusse (ONCFS)
Le contexte général
Une évaluation nationale, déclinée sur bases biologiques au plan « régional »
Suite au retour de l’espèce sur le territoire français, le Ministère en charge de l’Environnement a confié à l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) la mission d’organiser le suivi de l’évolution de son statut, et des dégâts occasionnés au cheptel domestique. Ce suivi, conduit à l’échelle nationale, vise à renseigner l’Etat sur le statut global de conservation de l’espèce en France. L’analyse est cependant aussi déclinée à l’échelle de chaque massif oro-géographique (Alpes, Jura, Vosges) de présence pour tenir compte des spécificités de chacun d’eux en matière de population de Lynx. Par ailleurs, ce suivi s’intègre activement au niveau international, par exemple dans le groupe de travail « SCALP » (Status & Conservation of Alpin Lynx Populations ; www.kora.unibe.ch/en/proj/scalp), pour ce qui est de la contribution française au suivi du statut de l’espèce sur l’arc alpin, ou bien encore dans le cadre du projet Elois (Eurasian Lynx Online Information System ; www.kora.unibe.ch/en/proj/el…).
Les noyaux de populations
La population de lynx française est constituée d’un noyau principal très actif sur le plan démographique (massif jurassien) et de deux noyaux secondaires, plus restreints spatialement car d’historiques différentes sur le plan démographique. Le noyau vosgien a été reconstitué à partir d’assez peu d’individus fondateurs, et le noyau alpin est en cours d’installation selon un processus de colonisation orientée nord-sud.
Les méthodes mises en oeuvre
Comme pour quasiment toutes les espèces de grands carnivores (félidés ou canidés) dont les populations évoluent sur de très vastes superficies, le dénombrement direct (dit « par corps ») par exemple à l’échelle du territoire français n’est pas possible. Si des méthodes adéquates d’estimation des effectifs existent et sont applicables à cette échelle lorsque l’on peut individualiser une certaine proportion d’animaux (soit par marquage visuel, soit par typage génétique non invasif (cf. le cas des excréments de loup), cette méthode de suivi génétique n’est à l’heure actuelle pas disponible pour l’espèce Lynx. Suite aux suivis télémétriques de lynx réalisés par l’Oncfs dans les années 1980-1995, le suivi extensif à grande échelle de l’expansion de l’espèce et la caractérisation de son statut de conservation ont donc procédé de l’analyse d’autres indicateurs pertinents pour une espèce territoriale, notamment les indicateurs spatiaux. L’Oncfs a donc mis en oeuvre des méthodes indirectes qui reposent non sur l’objectif de recenser des individus, mais de collecter de façon coordonnée le plus possible d’indices liés à la présence de l’espèce (observation par corps, proies sauvages et domestiques, empreintes….etc.) selon un protocole standardisé. Pour cela, un réseau de correspondants (environ 850, dont ceux du Réseau Grands Carnivores Loup-Lynx sur le massif alpin, ailleurs regroupés sous l’intitulé de Réseau Lynx), préalablement formés par l’Oncfs, a été constitué afin d’exercer une pression d’observation sur l’ensemble de l’aire de répartition du Lynx. Les informations ainsi recueillies sont validées et gérées par l’Oncfs, qui en réalise ensuite la synthèse.
Evolution de l’aire de distribution
Tous les indices de présence collectés par les correspondants de terrain à l’échelle nationale sont localisés dans l’espace selon le référentiel Lambert II étendu (carroyage couvrant l’ensemble du territoire national) et validés selon une méthode standardisée par l’équipe en charge du suivi de l’espèce (accréditation « confirmée, probable, douteuse, non confirmée, non vérifiable »). Une cartographie triennale des indices confirmés et probables permet de « lisser » les effets des aléas de découverte de ces indices et de suivre la progression de l’espèce. Les constats d’attaque au cheptel domestique font l’objet de formulaires spécifiques permettant l’identification de la cause de mortalité (conclusion « lynx confirmé, probable, douteux, non confirmé, invérifiable) et l’indemnisation de l’éleveur victime de l’attaque le cas échéant.
Chaque donnée validée est reportée au centre d’une maille élémentaire de 3 km de côté, puis cette maille est dupliquée jusqu’à obtenir une zone de présence attribuée à chaque indice de 9 x 9 km autour de l’indice, soit environ 80 km2 de présence (soit 1/3 à 2/3 d’un domaine vital d’adulte). Ce maillage a été calibré par comparaison des aires détectées par télémétrie dans le Jura français (lynx équipés de colliers émetteurs), aux aires renseignées par la collecte d’indices de présence liés à ces mêmes animaux (activité des correspondants du Réseau Lynx) : cette étape fut une validation de l’aptitude du Réseau à renseigner la présence de l’espèce.
Régularité de la présence de l’espèce
En plus de l’évolution de l’aire de présence détectée, la régularité de la présence de l’espèce dans un site donné constitue un autre indicateur du statut de conservation de l’espèce Ainsi, 3 niveaux sont distingués :
- l’aire de présence dite régulière,
- l’aire de présence dite récente,
- l’aire de présence dite irrégulière.
Ainsi, un fonctionnement démographique normal, avec l’installation d’au moins un noyau de présence de l’espèce, peut-il être qualifié indirectement par la régularité de la présence. Cette aire de présence régulière est obtenue en superposant les différentes cartographie triennales pour ne retenir que les zones avec présence détectées régulièrement au cours du temps. Y sont adjointes les zones où des témoignages de la reproduction sont collectés. L’aire de présence récente correspond aux zones de présence détectées depuis uniquement la dernière période triennale. L’aire de présence irrégulière est déduite des zones occupées mais avec des interruptions conséquentes (au moins deux périodes triennales). Les aires de présence les plus importantes pour l’évaluation du statut de l’espèce sont celles dites de présence régulière (témoin de la partie stabilisée de la population) et récente (témoin de la colonisation de nouvelles zones).
Les indicateurs du statut de l’espèce Lynx en France
L’aire de présence détectée
La dernière période triennale de collecte de données met en évidence une augmentation de la répartition géographique de l’espèce de + 11 %. Depuis le début du suivi de l’espèce par le Réseau, l’accroissement spatial entre périodes triennales consécutives a été compris entre 10 et 40 % ; la colonisation initiale de certains massifs, comme le Jura, a fortement contribuée au plus fortes valeurs historiquement observées. Actuellement la croissance spatiale relative la plus conséquente est notée sur la partie nord des Alpes. L’aire détectée avec indice de reproduction a augmenté légèrement entre les 2 dernières périodes. A noter des cas de reproduction sur les Alpes du nord ainsi que sur le versant ouest du massif vosgien.
Régularité de la présence de l’espèce
Globalement à l’échelle de l’ensemble de la population française de Lynx, l’aire de présence régulière a progressée de + 22% par rapport au précédent exercice triennal (9108 km² en 2002-04 contre 7450 km² en 1999-01), et l’aire de présence récente de + 12% (5004 km² en 2002-04 contre 4450 km² en 1999-01). Celle dite de présence irrégulière a augmenté de +40% (9306 km² en 2002-04 contre 6650 km² en 1999-01).
Bilan de l’analyse du statut de conservation de l’espèce
Le lynx poursuit sa progression spatiale dans le massif des Vosges vers le nord et l’ouest à partir du noyau sud vosgien. On observe à la fois une augmentation de la superficie occupée régulièrement et la colonisation de nouvelles zones de présence (présence récente). Quelques indices de présence localisés de plus en plus en zone intermédiaire entre le sud du massif vosgien et le nord du massif jurassien (voire dans le Jura alsacien) pourraient suggérer qu’une connexion démographique entre ces deux massifs soit en voie d’élaboration. Le rythme de croissance détectée semble constant depuis 1996-1998.
Globalement l’aire de distribution de l’espèce continue donc d’augmenter, avec cependant des différences de cinétiques relatives selon les massifs considérés. L’ordre de grandeur supposé des effectifs par massif – cf. méthode d’estimation www.oncfs.gouv.fr/events/point_faune/mammifere.php – (massif vosgien : 30 à 40 ; massif jurassien : 85 à 100 ; massif alpin : 20 à 40), conjugué à cette croissance positive, suggèrent un état de conservation globalement plutôt favorable, même si le statut de certaines unités (Alpes et Vosges) reste, pour l’instant, relativement moins conforté que d’autres (Jura).
Source des données : Réseau Lynx & Réseau Grands Carnivores Bulletin du Réseau lynx n° 11
Article paru dans La Gazette des grands prédateurs n° 18, hiver 2005/2006
Dans la partie nord des Alpes, l’importante augmentation de l’aire de présence régulière et récente de l’espèce confirme un processus de colonisation réellement actif, avec de plus en plus d’informations issues des zones de « contact » entre massif jurassien et alpin. La très forte croissance relative en matière de zone de présence régulière ne concerne toutefois que des superficies encore relativement modestes. La colonisation spatiale « en cours », représentée par l’aire de présence nouvelle, reste à confirmer surtout en ce qui concerne les zones éloignées vers le sud du front de colonisation.
Globalement l’aire de distribution de l’espèce continue donc d’augmenter, avec cependant des différences de cinétiques relatives selon les massifs considérés. L’ordre de grandeur supposé des effectifs par massif – cf. méthode d’estimation www.oncfs.gouv.fr/events/point_faune/mammifere.php – (massif vosgien : 30 à 40 ; massif jurassien : 85 à 100 ; massif alpin : 20 à 40), conjugué à cette croissance positive, suggèrent un état de conservation globalement plutôt favorable, même si le statut de certaines unités (Alpes et Vosges) reste, pour l’instant, relativement moins conforté que d’autres (Jura).
Source des données : Réseau Lynx & Réseau Grands Carnivores Bulletin du Réseau lynx n° 11
Article paru dans La Gazette des grands prédateurs n° 18, hiver 2005/2006
Dans le massif jurassien, la progression de l’espèce s’opère toujours, mais à un rythme moins soutenu que durant la période triennale précédente : l’aire de présence occupée régulièrement augmente de façon plus modérée qu’entre 1996-98 et 1999-01, mais on observe quand même une nouvelle aire de présence récente du même ordre de grandeur que lors des périodes précédentes. Le processus de colonisation dans ce massif, première zone colonisée historiquement, est désormais essentiellement actif dans sa partie nord. En effet, dans la partie sud du massif jurassien, la croissance spatiale serait moins marquée, peut-être parce que la majeure partie des grands habitats forestiers en connexion semble déjà colonisée sur cette zone.
Dans la partie nord des Alpes, l’importante augmentation de l’aire de présence régulière et récente de l’espèce confirme un processus de colonisation réellement actif, avec de plus en plus d’informations issues des zones de « contact » entre massif jurassien et alpin. La très forte croissance relative en matière de zone de présence régulière ne concerne toutefois que des superficies encore relativement modestes. La colonisation spatiale « en cours », représentée par l’aire de présence nouvelle, reste à confirmer surtout en ce qui concerne les zones éloignées vers le sud du front de colonisation.
Globalement l’aire de distribution de l’espèce continue donc d’augmenter, avec cependant des différences de cinétiques relatives selon les massifs considérés. L’ordre de grandeur supposé des effectifs par massif – cf. méthode d’estimation www.oncfs.gouv.fr/events/point_faune/mammifere.php – (massif vosgien : 30 à 40 ; massif jurassien : 85 à 100 ; massif alpin : 20 à 40), conjugué à cette croissance positive, suggèrent un état de conservation globalement plutôt favorable, même si le statut de certaines unités (Alpes et Vosges) reste, pour l’instant, relativement moins conforté que d’autres (Jura).
Source des données : Réseau Lynx & Réseau Grands Carnivores Bulletin du Réseau lynx n° 11
Article paru dans La Gazette des grands prédateurs n° 18, hiver 2005/2006