Les loups sont altruistes. Par Pierre Jouventin
Article paru dans la Gazette des grands prédateurs n°61 (septembre 2016)
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Il y a 40 ans, le directeur du parc zoologique de Montpellier, qu’il m’arrivait de conseiller pour héberger ses hôtes, m’a proposé de me donner un louveteau qui allait être euthanasié par manque d’acheteur. Il savait que mon épouse était amoureuse des loups, mais il m’a piégé par cette proposition insolite et inattendue. Pendant ma longue carrière au CNRS, ma spécialité a été la recherche de terrain en éco-éthologie des oiseaux et mammifères. Ce choix était scientifique, le milieu dans lequel évolue l’animal fournissant le pourquoi de ses adaptations, mais il était aussi éthique. Bien qu’à cette époque, la loi le permette même chez un particulier, je préférais dans la mesure du possible éviter la captivité des animaux sauvages. Comme je l’explique dans mon dernier livre, j’ai même été à deux doigts de renoncer à cette vocation parce que je ne voulais pas pratiquer de vivisection. Un demi-siècle plus tard, les travaux pratiques de physiologie animale sont toujours obligatoires dans le cursus universitaire de biologie : il faut apprendre à tuer pour étudier la vie… Ma femme et Éric, mon fils de 10 ans – qui avait peur des chiens – ont été enthousiastes et nous nous sommes lancés dans cette aventure d’élever un loup en appartement. En effet, j’habitais au deuxième étage en plein centre-ville mais je retapais la maison entourée d’un enclos dans laquelle nous vivons aujourd’hui et, pris au dépourvu, je pensais devoir patienter seulement quelques mois. Or, pour des raisons multiples, les travaux ont trainé et cela a duré quatre années…
Nous avons donc été forcés de vivre en famille avec un loup et cela a été une histoire de fou, comme je le raconte dans le livre avec lequel j’ai inauguré ma retraite. J’ai eu alors le temps de creuser le sujet et, à ma connaissance, cette folie est unique car s’il est facile d’élever un loup – je ne parle pas de chien-loup comme les Saarloos ou les tchécoslovaques déjà turbulents -, cela se fait toujours dans un enclos. Des étudiants vétérinaires autrichiens ont tenté de cohabiter avec un loup car leur professeur voulait voir s’il se domestique comme un chien en vivant avec l’homme. Je peux leur répondre que non mais ils n’ont pu le voir ayant déclaré forfait par suite des dégradations des habitations et des conflits permanents : les premiers incidents sont apparus quand les louveteaux avaient deux mois et, à quatre mois, tous les parents adoptifs avaient craqué… Mon aventure se passait hors du cadre professionnel et j’évitais de m’en vanter car mes collègues du CNRS et de l’université m’auraient pris pour un illuminé. J’étais bien sûr curieux d’observer une nouvelle espèce mais n’avais aucun espoir de trouver du nouveau sur un animal aussi bien étudié par les biologistes nord-américains. Pourtant, sans le savoir, je mettais en place les conditions expérimentales d’une découverte qui a échappé à tous les spécialistes et qu’ils n’acceptent toujours pas.
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