Madame Chantal JOUANNO
Secrétaire d’Etat à l’Ecologie
MEEDDAT – Hôtel de Roquelaure
246 Bd St Germain
75007 PARIS
Le 19 février 2009
Madame la Ministre,
Ferus est l’association française qui se consacre à la conservation des grands prédateurs, loup, ours et lynx. Elle est bien connue de vos services.
Nous comptions vous demander audience non pour une rencontre de courtoisie mais pour traiter le moment venu d’un dossier précis que nous supposions devoir être celui de l’ours. C’est en effet ce dernier qui nous a donné l’occasion d’avoir des rapports directs et généralement excellents avec vos trois prédécesseurs.
L’actualité en a malheureusement décidé autrement, puisqu’un loup a été abattu par un chasseur du Petit-Bornand (Haute-Savoie) le jeudi 12 février. Le chasseur a été mis en examen à l’issue de sa garde à vue. Ce n’est pas le premier cas de braconnage contre le loup. Mais c’est le premier avéré dont l’auteur, qui semble fier de son acte, ne cache pas sa motivation : tuer des loups qui s’en prennent à son gibier.
Aussitôt les faits connus, Ferus a décidé de porter plainte et s’est constitué partie civile. Nous avons salué le sérieux avec lequel les autorités policières et judiciaires ont traité l’affaire dans les premiers jours. Cela paraît normal, mais n’a malheureusement pas été le cas dans les Pyrénées puisque le chasseur qui a blessé l’ours Balou n’a jamais été inquiété.
Le comportement général des chasseurs devant le retour des prédateurs en France nous inquiète de plus en plus. Certains dirigeants du monde de la chasse n’ont jamais vraiment admis le renouveau d’espèces sauvages, rapaces compris, qu’ils continuent de considérer comme nuisibles puisqu’elles s’en prennent aux espèces gibier. Du bout des lèvres, ils disent qu’ils ne demandent pas leur éradication mais seulement leur régulation. De nombreux dirigeants de fédérations de chasseurs n’hésitent pas à diffuser dans les rangs de leurs adhérents de base des textes qui font état de soi-disant graves déséquilibres causés par les prédateurs protégés et sont autant d’appels déguisés à l’incivilité.
Les actes de braconnages qui en résultent sont toujours couverts par des dirigeants qui soutiennent les braconniers alors qu’ils devraient statutairement se porter partie civile contre eux. On se demande pourquoi les présidents des chasseurs tiennent tant à être officiellement agréés comme « protecteurs de la nature » puisqu’ils ne sont que des gestionnaires du gibier.
On ne peut faire preuve d’aucune indulgence envers des personnes munies d’armes très dangereuses. La grande majorité des chasseurs de base respecte la loi, nous demandons la tolérance zéro pour ceux qui tirent sur les espèces protégées.
Nous débattons depuis des années avec le monde de l’élevage qui a des raisons valables de ne pas apprécier la présence de grands carnivores. Avec vos services et ceux du ministère chargé de l’Agriculture, nous participons à la recherche et à l’amélioration constante de moyens destinés à permettre une certaine cohabitation. Ces moyens ont fait leurs preuves.
Mais le danger principal semble de facto venir de certains chasseurs, comme l’ont montré une succession de cas dans les Pyrénées contre l’ours, dans les Alpes et le Massif Central contre le loup, dans le Jura contre le lynx. Ferus constate qu’un gros effort de communication reste à faire, les proies naturelles des prédateurs ne sont pas des « victimes », leurs attaques sur les chamois, les cervidés ou les sangliers ne constituent pas des « dégâts », et les carnivores n’ont jamais fait disparaître leurs proies sauvages.
Je sollicite une audience auprès de vous pour vous faire connaître nos souhaits face à cette situation : Ferus souhaite que le ministère de l’Ecologie et du Développement Durable et l’ONCFS soient davantage présents sur le terrain de la communication. Pas tant pour répéter ce qui se fait déjà, des bulletins d’information réguliers et la tenue d’un site, même si ce n’est pas inutile, que pour aller directement et régulièrement au contact des groupes les plus concernés localement, à commencer par les élus, les chasseurs, les dirigeants agricoles. Ferus désire aussi que l’implication des chasseurs dans certaines opérations comme les tirs légaux dépende étroitement de l’engagement formel de leurs dirigeants et des lieutenants de louveterie à faire respecter la lettre et l’esprit des lois de protection et à ne pas diffuser d’informations déformées destinées à dresser leur base contre les prédateurs. Enfin Ferus souhaite que pour l’ours, espèce en danger critique d’extinction sur notre territoire d’après un tout récent rapport de l’UICN, l’année 2009 ne se termine pas sans qu’aient été arrêtées des mesures concrètes relatives à la chasse dans les sites de reproduction et à la reprise du renforcement des noyaux de population d’ours existants.
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’expression de mon plus respectueux dévouement.
Le président – J F Darmstaedter