Courrier envoyé à Matignon
Allauch, le 24 février 2006
Monsieur le Premier Ministre,
Nous venons d’apprendre que le député ariégeois Augustin BONREPAUX vous a écrit son interrogation sur le sujet « l’ours peut-il être porteur de la grippe aviaire ? ».
Le 9 février dernier a eu lieu en Ariège une réunion d’opposants à l’ours. Dans une édition départementale ariégeoise de la Dépêche du Midi, un article sur cette réunion met en valeur les dires d’un intervenant qui aurait affirmé que l’ours slovène représenterait potentiellement un réel danger parce qu’il serait porteur de virus présentant des similitudes avec ceux de la grippe aviaire. Il est ensuite précisé dans le même article que cet intervenant n’a pas la preuve irréfutable de ce qu’il avance.
Les opposants au renforcement de la population d’ours des Pyrénées semblent vouloir créer et entretenir une rumeur sur l’ours et la grippe aviaire afin de faire annuler le programme de sauvegarde de l’ours largement approuvé par les Français et les Pyrénéens. FERUS, avec de nombreuses associations, soutient évidemment ce programme qui a reçu une forte impulsion du Président de la République après la mort de l’ourse Cannelle.
FERUS a fait appel à son comité scientifique et nous pouvons vous confirmer qu’il convient de rester serein en ce qui concerne le projet de réintroduction d’ours bruns dans les Pyrénées depuis la Slovénie.
Nous faisons nôtres les propos de François MOUTOU, membre de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) : « Comme son nom l’indique, la grippe aviaire est une maladie des oiseaux due à plusieurs types de virus Influenza. Certaines souches virales hautement pathogènes (HP) sont responsables d’une forme épizootique parfois appelée peste aviaire. C’est le cas de la souche H5N1HP qui circule actuellement dans l’Ancien Monde, portée et par des oiseaux migrateurs et par le commerce des oiseaux domestiques sans qu’il soit facile de faire la part entre ces deux sources de transmission possibles. Il semble cependant que l’importance du commerce international ait été singulièrement sous-estimée. Les anatidés semblent jouer un rôle particulier dans le cycle épidémiologique de ces virus.
En plus de l’homme, on peut trouver divers virus influenza chez quelques espèces de mammifères comme le cheval et le porc. On a également décrit des cas chez des mammifères marins. En ce qui concerne les carnivores, on a isolé le virus H5N1HP chez des tigres dans un parc zoologique de Thaïlande où plusieurs centaines (441) de ces animaux étaient présents sur une surface de 24ha. On ne connaît pas leurs conditions d’entretien. Récemment, on a également publié quelques cas diagnostiqués chez des chiens domestiques aux Etats-Unis avec une autre souche. Enfin, plusieurs publications anciennes (années 1970) et récentes (2004 et 2006) ont montré que l’on pouvait contaminer des chats domestiques au laboratoire dans des conditions expérimentales bien particulières avec diverses souches, ce qui n’a jamais été mis en évidence dans des conditions naturelles. Les carnivores domestiques et sauvages jouent donc, au mieux, un rôle anecdotique dans l’épidémiologie de ces virus. »
Si certains venaient à persister dans cette propagation de rumeurs sur un lien entre l’ours et la grippe aviaire qui en réalité équivaudrait à instituer un lien entre les mammifères et la grippe aviaire ( l’ours qui est rare ne serait que très accessoirement concerné), cela signifierait que, dans cette même logique, il faudrait interdire aux chasseurs, selon le principe de précaution, toute chasse en 2006-2007, imposer aux éleveurs le confinement de leurs moutons et à l’échelle européenne proscrire tout mouvement de chiens et de chats.
En espérant pouvoir compter sur une position ferme et clairvoyante de l’Etat, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, en notre plus parfaite considération.
Pour l’association FERUS,
le Président Jean-François DARMSTAEDTER