Le 19 avril2006
Monsieur le rédacteur en chef,
Par la présente, l’association FERUS souhaite réagir à la chronique « L’ours, l’agneau, le loup et l’homme » par Alain Lompech parue dans Le Monde du 13 avril 2006.
Cette chronique présente l’ours comme un tueur. Aucun argument sérieux ne vient justifier cette affirmation gratuite.
Au début du XXe siècle, quelques 200 ours vivaient encore dans les Pyrénées. Aussi loin que remontent les archives pyrénéennes (environ 150 ans), on peut affirmer que l’ours n’a jamais tué un homme dans les Pyrénées.
L’ours appartient à une nature encore sauvage. Chaque année, des personnes sont blessées ou tuées par des sangliers, des cerfs, des frelons … La nature sauvage est par définition indomptable. Vivre ou aller se promener dans la nature est pourtant bien moins dangereux que de vivre en ville ou de prendre sa voiture.
Avant de procéder aux lâchers de trois ours slovènes dans les Pyrénées centrales en 1996 et 1997, l’association ARTUS (devenue FERUS) a réalisé en Slovénie une enquête auprès de 200 personnes travaillant depuis plus de 10 ans en permanence dans des forêts très fréquentées par l’ours (forestiers, gardes-chasse, etc. …). Un seul incident a été répertorié, par le ministère de l’Agriculture et des Forêts slovène, sans blessure humaine. La Slovénie est d’une superficie égale à la moitié de la région Midi-Pyrénées et compte entre 500 et 600 ours. La forêt est un milieu utilisé par les chasseurs, les promeneurs, les chercheurs de champignons. L’ours slovène n’est pas plus dangereux que l’ours pyrénéen, il est nécessaire d’en finir avec ce mythe que certains entretiennent par pure démagogie.
De même, en France, le recul que nous avons aujourd’hui, suite aux réintroductions de trois ours slovènes en 1996 et 1997 dans les Pyrénées centrales, nous permet de constater que le régime alimentaire des ours issus de la réintroduction est strictement identique à celui des ours de souche pyrénéenne.
Avec cette chronique, nous revenons sur la peur de l’ours. L’ours n’est pourtant pas plus dangereux que tout autre animal sauvage voire même domestique comme le chien. Et pourtant, il représente « l’autre » qui est par définition celui dont on a peur ; chez FERUS, nous pensons qu’il faut accepter la présence de « l’autre » comme le disait Roland Guichard, ex président d’ARTUS, et ne pas céder à la démagogie ambiante qui ne cesse d’opposer l’homme et la nature dont l’ours fait intimement partie dans ces montagnes pyrénéennes :
« Il faut pouvoir mobiliser un respect, une attention pour ce qui est autre ou pour ce qui nous semble étrange, pour ce que nous ne comprenons pas. Accepter de partager un territoire, un espace avec une autre espèce qu’Homo sapiens et ses animaux domestiques n’est pas une attitude facile, elle requière une réflexion sur notre place dans ces grands écosystèmes. L’humilité et l’empathie sont requises pour redéfinir nos relations aux autres, y compris vis-à-vis des autres prédateurs. Cette réflexion peut nous permettre de sortir de ce nombrilisme exacerbé et de l’égocentrisme infantile qui caractérise notre société et nos traditions religieuses mal digérées. L’enfant roi cassant ce qu’il considère être ses jouets, doit grandir dans sa tête pour accepter ces vies différentes qu’elles soient végétales ou animales. »
En espérant que cette réaction sera publiée notamment dans le courrier des lecteurs Le Monde, je vous prie d’agréer, monsieur le rédacteur en chef, mes salutations distinguées.
Sabine MATRAIRE
Coordonnatrice ours de l’association FERUS