Dans le cadre de la protection de la nature à l’échelle de la communauté européenne, la Directive Habitats-Faune-Flore impose le maintien en bon état de conservation des espèces animales et végétales désignées par cette directive. A ce titre, le loup fait partie des espèces strictement protégées et il convient pour les États membres, dont la France, de veiller à ce que sa population soit viable, que ses effectifs ou sa répartition naturelle ne diminuent ou ne risquent pas de diminuer et que son installation dans de nouveaux territoires naturels ne soit pas entravée.
FERUS vient de produite une note scientifique* démontrant pourquoi l’état de conservation n’est pas satisfaisant en France.
Statut de l’espèce en France
En premier lieu, il convient de rappeler que l’effectif minimum efficace est de 500 loups (« nombre d’individus potentiellement reproducteurs à un instant donné** ») ; cet effectif correspond à une taille réelle de 2500 à 5000 individus adultes (« sexuellement matures ») : c’est un minimum absolu.
On remarque dès lors que l’État français pratique exactement l’inverse de cette définition en proclamant qu’avec un seuil atteint de 500 loups sur son territoire (estimation de 921 individus au sortir de l’hiver 2021-2022), l’état de conservation de l’espèce est bon en France.
Et le fait croire aussi aux organisations agricoles notamment.
Considérant la quasi-absence de reproduction hors des Alpes et ses marges alors que 30 ans se sont écoulés depuis le retour du loup, nous pouvons considérer que l’état de conservation de l’espèce n’est pas assuré en dehors de l’unique noyau reproducteur montagnard centré sur les Alpes.
L’état de conservation est défavorable mauvais pour les domaines biogéographiques et l’échelle locale comme le domaine alpin des Pyrénées, la zone méditerranéenne entre le pourtour alpin et le Languedoc/Roussillon, la zone biogéographique atlantique, la zone biogéographique continentale (mis à part un début d’installation dans le Jura déjà compromis par les tirs dérogatoires…).
Une régulation pure et simple
Avec 19 % de la population de loups pouvant être tirée chaque année, l’État français est entré depuis quelques années dans une logique de régulation destinée à empêcher le loup de s’installer hors des Alpes. Les tirs pratiqués réduisent :
- le nombre d’individus sur les fronts de recolonisation (Jura, Corrèze, Saône-et-Loire par exemple) et empêchent l’espèce de s’installer
- le nombre d’individus pouvant disperser depuis les Alpes pour atteindre ces fronts de recolonisation
L’État français n’évalue pas l’état de conservation du loup au niveau national et encore moins au niveau local, ce qui est contraire là aussi aux engagements européens.
L’ensemble des éléments présentés dans cette note conduisent à mettre en doute la légalité de la politique pratiquée par la France dans l’application stricte de la directive Habitats Faune Flore.
Le loup a-t-il vocation à rester confiné dans une espèce de « zoo » alpin, dont le rôle est de satisfaire à une conservation purement formelle et administrative de l’espèce, ou de retrouver son rôle « d’ingénieur » des écosystèmes, pour le plus grand bénéfice de ces derniers ?
Force est de constater que l’État français continue de tuer en grand nombre une espèce strictement protégée et toujours vulnérable. L’état de conservation de la population de loups en France est pourtant une condition sine qua non pour déclencher des tirs. Il faudrait enfin que les pouvoirs publics en prennent compte alors le prochain Plan National d’Actions Loup est sur le point de nous être présenté.
La conservation de la biodiversité n’est donc décidément, en France, qu’une affaire de beaux discours…***
* Avis de FERUS sur l’état de conservation du loup en France au regard des exigences de la directive Habitats Faune Flore – mars 2023 : Vincent Vignon (ingénieur écologue), François Moutou (docteur vétérinaire et auteur de nombreux ouvrage sur la biodiversité), Patrick Boffy (biologiste), Denis Doublet, Patrick Leyrissoux.
**Bibliographie et sources sur la note ci-jointe.
*** Le niveau d’abondance du loup en France a été atteint en Allemagne en 10 ans de moins qu’en France (voir note).