Déclaration de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET à l’issue de la réunion sur le plan « ours »
Déclaration de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET
Secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie
à l’issue de la réunion sur le plan « ours »
Toulouse – 26 juillet 2007
Je suis venue aujourd’hui à la rencontre de l’ensemble des parties prenantes : élus, éleveurs, et membres d’association représentatifs des départements pyrénéens concernés par le programme de réintroduction de l’ours brun. Chacun a son point de vue, sa légitimité propre. Je suis venue pour écouter, comprendre et surtout renouer le dialogue avec l’Etat.
Le plan de restauration des populations de plantigrades et de développement du pastoralisme est en cours de mise en œuvre. Il suscite des réactions dont j’ai voulu prendre la pleine mesure au plus près du terrain. A cette occasion, j’ai également rappelé que ce plan s’inscrit dans le cadre des engagements européens et internationaux de la France en faveur de la biodiversité.
Nos échanges m’ont permis de mieux cerner les problèmes et de formuler des propositions pour une coexistence harmonieuse entre les ours et les activités humaines. Au premier rang de celle-ci, il y a le pastoralisme. A ce propos, ce déplacement et les propositions que je formule se font en plein accord avec le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier.
Les aménagements que je propose visent à ajuster et à optimiser le plan pour améliorer son efficacité et son acceptabilité. Ils se déclinent en 5 principaux points :
1. – Une évaluation rapide du plan
Le plan de restauration de l’ours brun dans les Pyrénées s’étend sur les années 2006 à 2009. Compte tenu des difficultés actuellement rencontrées, j’ai proposé de lancer dès l’automne 2007 une évaluation à mi-parcours. Ce travail sera mené conjointement par les inspections générales de l’environnement et de l’agriculture.
Cette évaluation portera sur les conséquences économiques et sociales de la présence de l’ours sur toutes les activités humaines : élevage, apiculture, sylviculture, tourisme, artisanat…
L’impact sur la faune sauvage et ses habitats sera également abordé. Je suis bien consciente que des études sont nécessaires pour démontrer qu’en France aussi les ours ont un impact positif sur la biodiversité.
Les résultats du bilan seront présentés dès le premier trimestre 2008. Je demande que cette évaluation soit préparée et conduite dans la plus grande concertation avec les acteurs locaux. Je souhaite créer une groupe national de concertation sur l’ours.
2. – Une amélioration du protocole « ours à problèmes »
Depuis de nombreuses années, se sont succédées plusieurs versions de protocoles d’intervention afin de gérer des situations aiguës de conflits. Ils ont été mis en œuvre pour les ours Balou et Sarousse, notamment. Le protocole actuel qualifie un animal d’ours à problèmes dans trois cas :
- lorsqu’il ne fuit pas la présence de l’homme,
- lorsqu’il est agressif envers l’être humain,
- lorsqu’il fait des dégâts sur des troupeaux protégés.
Face à un ours à problèmes, l’État a défini un ensemble de mesures à mettre en œuvre : expertise de la situation ; création d’une cellule de gestion de crise ; effarouchement si nécessaire, voire équipement télémétrique ou même retrait de l‘animal.
Au regard de ce qui s’est passé pour l’ourse Francka, il n’est sans doute pas inutile de remettre à plat ce protocole, jugé par certains trop rigide, et qui doit laisser plus de place à la concertation et à la transparence.
Parallèlement, je demande une nouvelle expertise sur Francka en faisant appel à des spécialistes étrangers et indépendants, sous la responsabilité de l’équipe « ours » de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Je propose donc qu’Alain AUVÉ, conseiller technique au cabinet des Ministres, anime dès maintenant, avec toutes les parties concernées, les travaux sur la révision du protocole.
Enfin, je demande qu’une étude juridique soit menée sur la responsabilité des élus. Je souhaite qu’une disposition puisse être adoptée à ce propos.
3. – Une meilleure qualification de la zone de présence de l’ours
Le massif des Pyrénées, grâce à ses forêts et à ses zones de calme, fournit un habitat favorable à l’ours brun. C’est le seul espace national où l’ours est encore présent , il faut en remercier les pyrénéens eux-mêmes.
Le suivi radio-télémétrique a montré que le domaine vital des ours pouvait s’étendre sur plus de 100 000 hectares, en fonction de la disponibilité alimentaire. On sait aussi que les ours, qui sont des animaux solitaires, peuvent se déplacer sur de grandes distances lors du rut ou de l’hibernation.
La répartition géographique de la population ursine est donc difficile à figer.
Sa coexistence avec les activités humaines se pose inévitablement ; elle peut se traduire par des prédations en zone d’élevage extensif, ou au contraire par un développement touristique et des retombées économiques sans précédent, comme on le voit dans le parc de Somiedo, qui utilise l’image de l’ours comme véritable marque pour assurer sa promotion.
Peut-on dire que dans telle zone la présence de l’ours est possible, et qu’au-delà elle ne l’est plus ? Si oui à quelles conditions ; si non pourquoi ? Quelles nouvelles politiques pastorale, apicole, forestière, touristique définir ensemble pour que la présence de ce grand prédateur soit tolérée, voire souhaitée ?
En tous cas, ce sujet mérite qu’on s’y penche sérieusement et qu’on étudie toutes les pistes qui seront suggérées pour mieux qualifier la zone de présence des ours.
Je propose également d’étudier ce qui se fait chez nos voisins qui ont conservé des populations d’ours importantes. J’invite les représentants des différentes parties concernées à participer à ces déplacements pour formuler ensemble des propositions.
4. – Un renforcement du suivi des populations d’ours et du partage des informations
L’équipe technique « ours » de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage fait un travail remarquable et apprécié sur le terrain et je tiens à leur rendre hommage. Le site Internet et les notes techniques sont largement utilisés, il faut s’en réjouir.
Les ours introduits depuis 1996 ont été équipés d’un émetteur intra abdominal pour pouvoir être suivis et localisés. Il faut rendre plus performants ces équipements. Ils peuvent favoriser les recherches sur le comportement des ours, leur impact sur les activités humaines et la diversité biologique, travaux qui sont nombreux aux Etats-Unis, mais lacunaires en France.
Il faut surtout améliorer la communication sur la présence de l’ours auprès des éleveurs, de leurs bergers, des apiculteurs, des chasseurs, des maires pour répondre à leurs préoccupations légitimes. Nous nous devons de partager ces informations techniques avec les acteurs locaux quitte à en travailler le contenu pour le rendre accessible et opérationnel.
5. – De nouvelles modalités de soutien au pastoralisme
Un certain nombre d’aides ont déjà été mises en place pour soutenir le pastoralisme, qui subit de plein fouet les difficultés de la filière ovine.
Le ministre de l’Agriculture et moi chargeons le préfet de région de faire des propositions de renforcement de l’aide à l’élevage, en étant à l’écoute de tous les acteurs de terrain.
Je souhaite que des mesures innovantes nous soient soumises, notamment autour de l’idée de la création d’un label ou d’une appellation d’origine contrôlée.
Conclusion : Je veillerai personnellement à m’assurer d’une mise en œuvre rapide de l‘ensemble de ces points. L’étape de réintroduction des plantigrades est aujourd’hui derrière nous, il nous reste désormais à rechercher les bases d’une cohabitation équilibrée entre les Hommes et les ours. Cette question dépasse nos frontières. La France ne peut défendre la cause de la biodiversité sur le plan international, si elle s’exonère de ses responsabilités sur son territoire.