Article FAPAS, novembre 2008
Osos y peligro para las personas
Le FAPAS (Fonds Asturien pour les Animaux Sauvages) souhaite éclaircir une série de points suite à la rencontre d’un chasseur avec l’ourse Hvala le 23 octobre dernier et donner son opinion quant à la dangerosité de l’ours pour l’homme.
Un ours peut il être dangereux ?
Il est normal d’avoir peur, notamment de ce qui est réellement dangereux. Si dans d’autres pays, il existe des ours largement plus carnivores, nous n’avons rencontré en Europe que des animaux extrêmement pacifiques, passant généralement inaperçus ; de fait, les ours slovènes ne se voient pas. Les ours nous évitent et se déplacent comme des fantômes. Nous pouvons voir leurs empreintes, quelques uns de leurs signes de présence, mais il faudra de la chance pour observer un ours sauvage car l’espèce évite généralement le contact direct avec l’homme, dangereux pour lui.
Il n’y a que dans l’hypothèse d’un ourson en danger qu’un ours pourrait attaquer. Mais jamais en s’acharnant, effectuant au contraire une charge d’intimidation ayant pour unique objet d’éloigner le danger éventuel pour les petits. Les ourses aiment énormément leurs oursons. Mais ne vous préoccupez pas du caractère défensif de la mère en cas de danger pour ses oursons car vous n’aurez pas la chance de la voir accompagnée de ses jeunes.
Que s’est il passé ?
Le jeudi en milieu de journée, un groupe de 5 chasseurs partent en battue dans la montagne de Portet, Val d’Aran, Pyrénées Catalanes. Ils se sont retrouvés dans une zone où se déplacent une ourse et ses 2 jeunes pratiquement indépendants nés l’an passé (appelés Pollen et Bambou). Les chasseurs auraient dû éviter cette zone, non pour le danger que l’ourse représente pour eux, bien au contraire, mais pour le danger qu’ils représentent pour l’ourse, pour le projet de réintroduction de l’ours dans les Pyrénées et pour la conservation de la faune sauvage.
Que se passe-t-il lors d’une battue ? : une débauche de chiens et de vociférations humaines qui traque l’ourse de tous côtés comme toute autre « pièce » de chasse.
Il existe un grand danger, énorme, pour l’ourse et ses jeunes car les chasseurs peuvent :
- Confondre facilement un ours et un sanglier, comme c’est arrivé plusieurs fois
- Prétexter avoir fait une erreur, comme c’est arrivé plusieurs fois
- Tirer à l’instinct, sans identifier la cible, capables de tirer sur leurs propres père, fils ou ami qui bouge dans un roncier, comme cela se produit régulièrement.
L’ourse qui profitait tranquillement du matin en se nourrissant dans la montagne comme chaque jour, pendant une période où elle a besoin de tranquillité pour aller s’entûter bien nourrie, est surprise par le groupe d’hommes et de chiens qui lui gâchent la matinée. Elle se cache comme elle peut. Les chiens la traquent de plus en plus. Accompagné d’un chien, l’un des chasseurs arrive fusil en main là où se trouve l’ourse au point de conduire à un face à face qu’elle craignait probablement déjà. Le chasseur, retraité de 72 ans, raconte que son chien s’est enfui ; il s’est alors mis à crier et à gesticuler devant l’ourse pour la faire fuir et celle-ci l’a attaqué. Les blessures du chasseur sont très légères. Il est possible, comme il l’a dit lui-même, que l’ourse se soit tenue tranquille jusqu’à ce qu’il décide de crier ; apeurée, elle a alors effectué une charge d’intimidation qui a fait tomber l’homme. A partir de là, tout devient confus ; une source dit que le coup de feu est parti, une autre que le chasseur a tiré deux fois en l’air pour effrayer l’ourse. Une ourse traquée par des chiens et des cris, dérangée, effrayée, gestante avec des oursons dont on ne connaît pas le niveau d’indépendance. Que peut-elle faire dans une telle situation ? Ça arrive une vingtaine de fois par an avec des sangliers mais ce genre d’incident n’est pas relayé médiatiquement à moins que les blessures du chasseur ne soient considérables.
On a voulu effrayer la population et profiter de la situation pour frapper un grand coup contre le programme de réintroduction de l’ours dans les Pyrénées. Pour cela, on a utilisé de nombreuses inepties. On a dit : « heureusement que l’homme était armé car si cela avait été un chercheur de champignons ou un berger, nous serions peut être en train de déplorer autre chose ». Ces affirmations sans substance sont pour le moins étroites et aventureuses. Si les chasseurs ne s’étaient pas mis volontairement dans de telles circonstances ce malheureux jour, jamais pareille rencontre ne se serait produite. Si l’homme avait été un ramasseur de champignons, un berger ou un quelconque passant, cette rencontre n’aurait pas eu lieu et quand bien même, l’ourse n’aurait pas été stressée.
Paradoxalement, les chasseurs partent en battue, envahissent le territoire vital d’autres espèces, sont décidés à tuer mais ne tolèrent pas les réponses de défense vitale d’une faune qui réagit désespérément.
Paradoxes. Quel est le réel danger en montagne ?
Après l’ « évènement » (si cela peut être qualifié ainsi), le gouvernement du Val d’Aran a déclaré que « la sécurité des personnes dans la montagne est prioritaire ». Analysons ce point.
D’après Mutuasport, la mutuelle des chasseurs, il y a eu l’an dernier 21 morts par tir de chasse et 863 blessés dont 13 invalides à vie suite à des amputations ou des problèmes oculaires. En 2005, près de 2000 personnes ont été blessées par accident de chasse dont 29 invalides à vie ; en 2002, 23 personnes sont mortes, 18 en 2004. En 5 ans, ça donne un total de 5263 blessés dont près de 200 invalides et des dizaines de morts par tir. La moyenne annuelle, selon la mutuelle, est la suivante : 2585 accidents de chasse, avec plus de 24 morts par tir, 2448 blessés dont 91 invalides.
Rappelons que quiconque peut obtenir le permis de chasse suite à une simple démarche frauduleuse. Il est assez fréquent qu’un chasseur tue son frère, père, fils, beau-frère, beau-père, gendre ou meilleur ami. Mais il est inadmissible qu’un homme qui se promène tranquillement avec sa femme dans la campagne soit assassiné par un chasseur qui n’a pas assuré son tir. Cela arrive souvent ; il y a un an, c’est arrivé à Lugo. Sans remonter plus loin que la semaine qui a précédé la rencontre entre l’ourse et le chasseur, c’est aussi à Lugo qu’un homme qui travaillait dans son champ de maïs a été tiré par un chasseur, lui détruisant la jambe ; le chasseur l’avait pris pour un sanglier. Le même jour, à Albacete, un autre chasseur a tué son meilleur ami en entendant des bruits ; il a cru que c’était un sanglier. Il faut savoir qu’une balle de carabine est mortelle à plus d’un kilomètre et qu’un plomb de chasse peut rendre aveugle à plus de 100 mètres.
Mais ça ne préoccupe pas beaucoup les chasseurs puisqu’ils ont expliqué qu’il y a « davantage de risque de mourir d’un accident de la route ». Le vice-président du Bureau national de la Chasse ajoute que « le nombre d’accidents de chasse n’est pas si alarmant ». Au bout du compte, ces accidents de chasse n’ont pas de répercussion judiciaires parce ce que ce ne sont que des « accidents » ». Il est démontré que l’animal le plus dangereux pour le chasseur (et pour le randonneur) n’est ni l’ours, ni le loup ni même le sanglier mais un autre chasseur. En revanche, après cet incident avec l’ourse, les chasseurs ont jeté le trouble en déclarant que l’ours « met en danger la sécurité des personnes et que c’est inadmissible », qu’il « va de pair avec insécurité et danger », que « c’est une réelle menace » et qu’ « il a presque tué une personne ». Dans le même temps, des journalistes sans scrupules essayent de compenser leur manque de professionnalisme avec des titres absurdes comme « brutale attaque d’une ourse sur un chasseur ». Dans tous les cas de rencontres homme/ours connus de l’histoire en Espagne, quand il y a eu un mort, ça a toujours été l’ours. Le programme de réintroduction a repris en 2006 suite à la mort de Canelle tirée par un chasseur en 2004 (voir Chronique d’une extermination par le Fapas). Le chasseur a été absous (son fils était le maire du village). Avant encore, Melba a été assassinée lors d’une autre battue. Et il est possible que d’autres ours aient disparus après avoir été tirés, sans que l’on ne le sache jamais. Depuis la réintroduction de 2006, Franska a été poursuivie illégalement par des éleveurs ; traquée, elle est arrivée sur une route où elle a été percutée mortellement ; on a ensuite découvert qu’elle avait été déjà été victime de tirs. Il ne reste que 3 individus de cette dernière réintroduction et l’un d’eux, Balou, a été blessé par un tir à la patte pendant une battue au sanglier le 7 septembre.
Hvala est un de nos derniers espoirs. Malheureusement, il semble que des Pyrénées ne sortent seulement que des tueurs. Nous assistons à l’effrayante balade d’hommes armés dans ces montagnes. Eux oui sont des dangers pour les personnes, pour nos enfants, pour la conservation de nos ours et des autres espèces que nous, citoyens espagnols, voulons préserver.
Coïncidences
Le chasseur de la discorde est de Les, commune qui s’est montrée radicalement contre la réintroduction des ours il y a 2 ans et demi ; ils ont boycotté le jour du lâcher. Le maire de Les a fortement protesté en 2006 contre le programme Life, les gouvernements français, espagnol et catalogne en raison des réintroductions.
Les ours sont-ils un danger pour les troupeaux domestiques ? Il y a dans les Pyrénées de grands troupeaux de moutons, une partie étant gardée, l’autre gambadant librement dans la montagne et touchant des subventions. Au lieu de les garder à l’aide de chiens de protection comme ça se faisait il y a peu et se pratique encore en Europe de l’Est en coexistant avec les ours et les loups.
Les ours ont besoin d’une alimentation en partie carnée mais ils peuvent subvenir à ce besoin grâce à des charognes, ce que le Fapas a remarqué depuis longtemps. Pour éviter toute possibilité d’attaque sur les troupeaux domestiques, il faut rester avec le troupeau ; dans les Pyrénées, les éleveurs ont choisi par commodité de les laisser paître sans surveillance. Il faut utiliser chiens et moyens de protection, subventionnés par les crédits associés à l’ours. Il est facile d’encaisser aides et subventions pour préserver les écosystèmes de montagnes, ours inclus, et de protester si celui-ci rencontre des brebis sans surveillance.
Menaces de délits de chasse
Daniel Boya, représentant des chasseurs et éleveurs, a menacé d’organiser des battues dans la montagne, illégalement et sans autorisation, pour chercher et tuer l’ourse, profitant de la conjoncture et de l’appui de certains politiques, dont le Syndic d’Aran, Paco Boya. Finalement, un dispositif de recherche absurde et disproportionné a été monté, comprenant 30 gardes, des véhicules et un hélicoptère pour capturer Hvala vivante sans savoir quoi en faire ensuite et à une période proche de l’hibernation.
Quel intérêt pour les chasseurs ?
Très simple : les chasseurs veulent la possibilité de chasser partout sans restrictions, c’est pourquoi ils ne veulent pas d’ours. De plus, ils sont ravis de pouvoir les tirer. Mais malheureusement, les chasseurs ont un pouvoir économique et politique important dans beaucoup d’endroits, comme la France et le Val d’Aran où précisément beaucoup de politiquent chassent, voire même braconnent. Ils profitent des éleveurs pour faire pression. Asaja*, par exemple, ose dire que la présence des ours va faire fuir les touristes et est un obstacle au développement économique ; il est étonnant qu’ils aient davantage peur des ours que des balles des chasseurs. Ils oublient que le tourisme respectueux de la nature et de la culture traditionnelle habitue à visiter ces lieux parce que l’ours y vit, associé à une nature généreuse . Mais ils préfèrent profiter de l’ignorance des gens.
Nous ne voulons pas transformer la montagne en parc à thème absurde, nous voulons des montagnes vivantes, avec toute sa faune, et l’ours est l’espèce emblématique de ces montagnes. N’avilissons pas les Pyrénées .
Il est triste qu’un petit groupe de chasseurs ait plus de force que n’importe qui parce qu’il influence la politique du pays.
FAPAS, novembre 2008
* Asaja : Asiociación Agraria Jóvenes Agricultores (Association des Jeunes Agriculteurs)