Allauch, le 17 novembre 04.
Monsieur le Ministre,
L’abattage de Cannelle, dernière femelle béarnaise, est pour nous l’occasion de déplorer une nouvelle fois l’inefficacité de l’Institution Patrimoniale du Haut-Béarn.
Ce syndicat mixte existe depuis dix ans et, aujourd’hui, son bilan en matière de protection de l’ours est honteusement négatif.
Nous dénonçons cet échec apparent et prévisible depuis plusieurs années. Au cours de ces dix dernières années, cette institution, présidée par Monsieur le député Jean LASSALLE, a profité du manque de rigueur, pour ne pas dire du laxisme de l’Etat sur ce dossier. L’IPHB a perçu un apport financier très important du ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, prélevé sur le budget des espèces protégées. Certes des négociations avec les éleveurs et avec les communes forestières ont eu lieu mais le contrat passé avec l’Etat ne se bornait pas au soutien d’un syndicat intercommunal comme les autres. C’eût d’ailleurs été anormal et illégitime sur ces crédits. L’objectif premier était bien de restaurer une population d’ours viable en Béarn.
Pourtant au cours de cette période, le nombre d’ours en Béarn n’a cessé de chuter dramatiquement et, aujourd’hui, les Pyrénées-Atlantiques ne comptent AUCUNE femelle, seulement deux ours mâles, un ourson mâle de dix mois privé de sa mère et un ours mâle issu des réintroductions qui ont eu lieu dans les Pyrénées centrales en 1996 et 1997. La démonstration de la supériorité des méthodes inspirées par les chantres de la « gestion patrimoniale » n’a pas été faite, c’est le moins qu’on puisse dire, d’autant plus que dans le même temps les ours passaient de zéro à 15 dans les Pyrénées Centrales.
Nous exigeons soit des résultats immédiats se traduisant par l’apport de nouvelles femelles en 2005, dans le Béarn comme ailleurs, soit le remboursement des subventions perçues sur le budget ministériel des espèces protégées et l’arrêt des subventions versées par l’Etat et l’Union Européenne à l’IPHB.
Nous nous réjouissons de la mobilisation spontanée, immédiate et massive des Béarnais qui a suivi la mort de Cannelle, mobilisation relayée par la manifestation organisée le 6 novembre dernier à Paris par FERUS, le WWF France et la SPA et soutenue par la Coordination Associative Pyrénéenne pour l’Ours (CAP-Ours).
Nous prenons acte avec intérêt de l’annonce par le président de l’IPHB d’un possible lâcher de deux femelles dans le Béarn en 2005. Si cette initiative était confirmée, nous ne pourrions que nous en réjouir. Ce serait une contribution positive au plan de restauration d’une grande population d’ours sur l’ensemble de la chaîne que nous appelons de nos voeux.
Cependant, par voie de presse, le président de l’IPHB assure qu’il procèdera au renforcement de la population ursine, mais il le conditionne à l’application de deux clauses « … que l’ours qui dérape puisse être capturé et que l’on garantisse la pérennité de l’IPHB pour une période de dix à douze ans afin qu’il y ait une assurance de continuité … » (journal L’ÉCLAIR, lundi 8 novembre 2004). De telles conditions sont inacceptables au vu de tous les fonds déjà versés à cette institution pour la viabilisation de l’ours dans le Béarn. Toujours le 8 novembre 2004 le président de l’IPHB déclare en direct sur l’antenne de France Bleu Béarn : « … si Monsieur LEPELTIER voulait passer en force, je vous laisse imaginer les réactions des populations valléennes … ». Si cette déclaration n’est pas une menace cela y ressemble tout de même fortement. Il semble aujourd’hui nécessaire que l’État diversifie ses interlocuteurs.
Nous estimons que le renforcement probable de deux femelles en Béarn en 2005 ne changera pas la stratégie du président de l’IPHB fondée sur l’instrumentalisation de l’ours et sur l’exacerbation permanente des rapports de forces. Ce comportement est pathétique aux yeux de nombreux valléens de plus en plus conscients que leur député dessert leur cause et celle de leur belle région. D’autres espaces pour d’éventuelles futures réintroductions devront être recherchés dans les Pyrénées-occidentales (de la Haute Soule à la Bigorre). En s’appuyant sur la démarche de Pays de l’Ours-ADET menée sur les Pyrénées centrales, la technique du copier-coller pourrait être appliquée ailleurs dans les montagnes des Pyrénées-occidentales moyennant quelques aménagements culturels.
En espérant pouvoir compter sur une position ferme et clairvoyante de l’ETAT, nous vous prions, Monsieur le Ministre, d’agréer nos salutations distinguées.
Pour l’association FERUS,
Monsieur le Président Jean-François DARMSTAEDTER
Photo : ours en Slovénie de Jean-Baptiste Strobel