En Italie dans les Apennins, on peut noter que l’année 2017 a été plutôt bonne pour l’ours marsicain avec 6 portées pour 12 naissances. C’est la deuxième année consécutive que les résultats sont encourageants. C’est inhabituel car il y a, depuis longtemps, alternance d’une bonne année et d’une année plus moyenne. En 2016, il y avait eu 6 portées pour 6 naissances ; en 2015, 3 portées pour 6 naissances. On assiste peut-être enfin à une rupture de pente dans le rythme des naissances. Ça serait une bonne nouvelle car les 25 dernières années de protection intensive ne sont parvenues qu’à maintenir les effectifs autour d’une bonne cinquantaine d’ours. Il est à noter que la fréquentation d’ours en dehors du parc national des Abruzzes, Latium et Molise (PNALM) semble connaître une très légère expansion qui a conduit notamment à la création d’une zone de protection externe au parc national. En dehors du PNALM et de sa zone de protection externe, il y a environ 10 à 15 autres ours dans des parcs nationaux et régionaux des Apennins du centre/sud autour du PNALM. On déplore cependant 2 morts en 2018 dont un mâle lors d’une capture et un autre qui semble avoir succombé à un combat entre mâles.
A propos de cet ours considéré par certains scientifiques comme une sous-espèce d’ours brun, une étude génétique est récemment parue. Les études génomiques ont permis de découvrir qu’il y a environ 3000 à 4000 ans, une seule grande population européenne d’ours bruns fut réduite à une série de petites populations plus ou moins isolées les unes des autres. La principale cause de ce processus est probablement la déforestation intense menée par les premiers agriculteurs du néolithique. Dans la partie centrale de l’Italie, l’ours a ainsi subi un véritable effondrement démographique et est resté isolé le long de la chaîne de moyennes montagnes des Apennins. Ce goulot génétique a induit un processus de dérive génétique qui a commencé à différencier cette sous-espèce naissante. Il aurait pu cependant avoir des effets beaucoup plus délétères sur la capacité de survie de l’ours marsicain.
Or les chercheurs ont été étonnés de constater que sa variabilité génétique reste importante. Ce résultat suggère que la survie de l’ours des Apennins est liée à un processus de sélection particulier, appelé équilibrage, qui a permis de maintenir des niveaux élevés de variabilité génétique. La sélection des individus a été étonnamment efficace malgré la petite taille de la population et a permis de maintenir des défenses adéquates contre les organismes pathogènes et une bonne représentation olfactive du monde extérieur. Il est aussi envisageable que l’absence de concurrents ait réduit l’impact de nombreuses mutations dommageables et que la grande diversité dans le régime alimentaire de l’ours ait pu équilibrer de nombreux déficits énergétiques grâce à une adaptation (par une meilleure absorption des glucides) à un régime essentiellement végétarien.
Il est également à noter qu’avec 22 gènes associés à un comportement « paisible », l’ours brun marsican montre des variantes de gènes qui le distinguent clairement des autres populations d’ours bruns. Cela pourrait être dû au fait que dans une région relativement anthropisée, seuls les individus les moins agressifs et les plus craintifs aient pu échapper aux persécutions humaines. Paradoxalement, ce comportement plus paisible permet une meilleure acceptation de l’ours marsicain par les populations actuelles. Malgré ses effectifs réduits, l’ours des Apennins semble donc avoir trouvé – du moins pour le moment et à condition d’être constamment sous protection – une série de contre-mesures pour résister au vortex de l’extinction.
Stéphane Nataf pour FERUS