Communiqué de presse de l’Association pour la Cohabitation Pastorale (ACP) / 13 mars 2006
Le mode de fonctionnement pastoral tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est dans bien des cas incompatible avec l‘évolution économique des marchés, des attentes des citoyens et des impératifs environnementaux.
L’agriculture de montagne, et plus particulièrement la production d’ovins viande, est totalement dépendante des aides européennes et nationales. A l’heure actuelle, où l’économie de marché va s’ouvrir vers de nouveaux pays européens, et où la production ovine doit rivaliser avec de la viande importée à bas prix, l’avenir économique de nos exploitations est de plus en plus compromis.
En même temps, le développement des loisirs, le brassage culturel qui s’opère dans les vallées pyrénéennes, ainsi que les nouvelles attentes de nos concitoyens, nous poussent à réfléchir sur le rôle et la place du pastoralisme. Doit-il rester figé comme une image d’Epinal, où chaque année, aux mêmes occasions, on se contenterait des mêmes discours de certains élus, surfant sur la nostalgie du passé ? Ou bien devrons nous nous adapter, changer notre vision des choses, nos modes de production, pour évoluer avec notre temps ?
Les enjeux environnementaux nous rattrapent. Pendant des décennies et sans que l’on s’en aperçoive réellement, le monde pastoral avait façonné la montagne. Il faut dire qu’à cette époque, il y avait des petites exploitations et des hommes au coté de leurs bêtes dans la montagne. Aujourd’hui, les petites exploitations disparaissent, parfois remplacées de-ci, de-là par des structures plus grandes.
Le travail des bêtes et des hommes sur la montagne s’en trouve radicalement bouleversé. La forêt regagne du terrain ; les estives, faute d’une conduite guidée, sont sur pâturées sur les zones les plus riches et sous pâturées sur les pentes plus pauvres ; la taille des troupeaux augmente et il devient impossible de les garder correctement sur certaines zones.
Oui, le monde pastoral est bien sur une mauvaise pente, et le gouvernement nous rajoute par-dessus tout de nouvelles contraintes avec le renforcement de la population d’ours dans les Pyrénées.
Cette histoire pourrait s’arrêter là, on se battrait contre l’ours car on tiendrait enfin un coupable, on se rassemblerait derrière les leaders, on prêcherait chacun pour son exploitation en criant haut et fort contre sa présence en vantant les mérites d’un mode pastoral qu’une poignée d’hommes, silencieux eux, s’évertuent à maintenir par leur travail quotidien.
L’ours finirait peut-être par disparaître. Mais qu’est ce qui aurait vraiment changé ? L’économie de marché continuerait à saper les dernières exploitations, les villages continueraient à se transformer en villages-dortoirs, la nature reprendrait ses droits et rendrait la montagne dangereuse ici ou là, la société continuerait à avancer…
Pourtant, un autre avenir est possible, et il consiste tout simplement à concevoir la montagne comme un tout, où les résidents pastoraux devront cohabiter avec les forestiers, les chasseurs, les randonneurs, les citadins, et avec une montagne sauvage en équilibre avec leur activité.
En choisissant cette voie, le monde pastoral pourra retrouver ses valeurs. En s’ouvrant et non en s’opposant aux évolutions inéluctables de la société, il arriverait à passer outre le clivage ville-campagne que certains revendiquent pour justifier de leur intolérance et immobilisme. Les producteurs ovins et autres pourraient enfin valoriser leur production en se souciant des nouvelles attentes des consommateurs. En s’adaptant aux impératifs de préservation de la biodiversité, le monde pastoral, les communes propriétaires des estives et toutes les autres composantes de la montagne y trouveraient également leur compte. Les troupeaux seraient enfin de nouveau gardés, les bêtes mieux suivies et soignées, grâce à l’emploi supplémentaire de bergers. Leur travail de conduite guidée contribuerait du coup à un meilleur entretien de la montagne. Par la réhabilitation du chien de protection « Montagne des Pyrénées » (autre nom du patou), c’est une part de l’identité pyrénéenne qui serait sauvée. De cet enchaînement de conséquences, tout un pan de l’activité socio-économique de montagne pourrait se maintenir, voire se développer.
Ainsi, prendre position pour la cohabitation ne consiste donc pas à être favorable à l’ours, mais bien à avoir une vision globale du système montagnard, qui, pour avancer, doit le faire avec toutes ses composantes.
Le bureau de l’Association pour la Cohabitation Pastorale (Association de Bergers Eleveurs Apiculteurs Pyrénéens)