Lors du dernier groupe national loup qui s’est tenu à Paris le 8 novembre dernier, 3 groupes de travail ont été créés :
- Gestion de la population de loups (réunions les 18 décembre 2007 et 15 janvier 2008)
- Moyens de protection (réunions les 19 décembre 2007 et 15 janvier 2008)
- Suivi de la population de loups (réunion le 6 février 2008)
Le groupe « Moyens de protection » s’est donc réuni hier matin. Ferus avait auparavant adressé à l’administration sa contribution au groupe de travail.
Groupe de travail : moyen de protection contre la prédation
Suite au groupe de travail du 19-12-07, FERUS souhaite mettre plus particulièrement l’accent sur certains des thèmes abordés lors de cette réunion et apporter quelques remarques et suggestions complémentaires.
Font suite à ces réflexions, une série de propositions de partenariat entre notre structure et les services de l’Etat dans la recherche commune d’une réduction des conflits loup-pastoralisme (document non publié).
L’expansion du loup :
Que ce soit au sein de l’arc alpin, sur les dernières zones non encore « exploitées » par l’espèce ou sur le front de colonisation l’anticipation de l’arrivée du loup doit être renforcée :
- meilleure information (biologie et statut du loup, moyens de protection, aides et actions de l’Etat, des associations …) auprès des acteurs locaux, décideurs, éleveurs, chasseurs, grand public…
- multiplier les analyses de sensibilité et vulnérabilité à la présence du loup à l’échelle des exploitations mais aussi d’un massif, d’un territoire (cf. les études réalisées dans le Verdon par le PNR et le CERPAM ou dans les Mts d’Ardèche par le PNR et l’ENITA Clermont-Ferrand)
- via ces études d’anticipation, intégrer la « contrainte loup » à la gestion globale des exploitations, à la politique agricole d’un territoire – Encourager, faciliter les systèmes d’élevage et de pâturage les moins vulnérables
- élargir la palette des mesures de protection-effarouchement afin de mieux répondre à la diversité des pratiques et territoires nouvellement ou prochainement touchées par le risque de prédation.
Les chiens de protection :
Ferus constate et déplore la psychose qui enfle autour de cet « outil » indispensable à la protection des troupeaux. Nous encourageons à poursuivre le programme national de suivi mis en place récemment et appelons tous les acteurs impliqués dans cette problématique à renforcer la communication auprès des éleveurs et bergers comme des autres usagers des zones à loups, qui pour des raisons parfois contraires en arrivent malheureusement à dénigrer les uns comme les autres ces chiens finalement mal connus de tous.
Afin de ne pas remettre en cause leur présence auprès des troupeaux, il s’agit également de consolider leur statut juridique. Nous proposons que soit réaliser un état des lieux sur les différents incidents ou accidents portés en justice en France et que soit reproduite une étude sur l’interaction chiens de protection-randonneurs pour confirmer celle déjà réalisée lors des premiers plans Life-loup.
Concernant la connaissance sur le travail de protection des chiens, nous souhaiterions la reprise des prises de vues nocturnes dont les premières sessions avaient donné un document vidéo très instructif et pédagogique.
Formations :
La mise en place et l’utilisation des moyens de protection nécessite une formation plus complète des éleveurs et bergers Les initiatives développées par certaines DDAF sur les chiens de protection doivent se multiplier et concerner également les systèmes de clôtures, les méthodes d’effarouchement … mais aussi la biologie du loup et le relevé d’indices de présence (cf. la formation des observateurs du réseau loup de l’ONCFS)
Il est souhaitable que toutes les écoles de bergers intègrent (ou développent, pour celles qui le pratiquent déjà) un volet « exercice du métier en zone à loup » où tous les aspects de la problématique loup/pastoralisme seront abordés.
Statut des bergers exerçant en zones à loups :
Certains bergers salariés côtoyés sur le terrain nous font remarquer le manque de prise en compte de leur surplus de travail et de responsabilité dans la gestion effective du système de protection. Les éleveurs à qui sont délivrés les subventions ne répercutent pas forcément ce soutien financier sur le salaire des bergers qui pourtant vivent « la contrainte loup » en direct.
La notion de troupeau ou territoire « impossible à protéger » :
Ferus connaît et reconnaît les difficultés à exercer en zones à loups et les limites des moyens et systèmes de protection mis en place, qui ne garantiront jamais quelque-soit leur efficacité un « risque zéro » de prédation sur les troupeaux domestiques. Nous devons nous atteler tous à rendre cette pression loup supportable en optimisant l’efficacité de la protection tout en minimisant l’impact sur les activités d’élevage de ces mesures de protection. Ce « challenge » est dans certaines configurations plus complexe à relever et le risque est grand de voir apparaître un peu trop hâtivement afin de « couper court » et calmer les tensions locales, cette notion « d’impossibilité à protéger » un troupeau voire un territoire complet.
« les troupeaux non protégés qui ne peuvent pas l’être, pour lesquels un rapport est réalisé par les services concernés et communiqué au préfet afin de rendre compte de la situation inhabituelle de ces troupeaux, par exemple en cas d’élevage résident pour lequel les mesures de protection ordinairement préconisées en pâturages seraient difficilement applicables » AR du 13 04 07 autorisant les opérations de prélèvement de loups pour la période 2007 2008
Faute d’essayer, cette « impossibilité » reste souvent toute théorique, par manque de moyens à disposition (techniques, humains et financiers) par manque de connaissances, d’expérience, d’expérimentations et aussi par manque de volonté politique face à trop de pressions tout aussi politiques, des pressions aux objectifs affichés par certains d’élimination ou de zonages des loups.
Nous mettons en garde contre cette dérive possible et l’utilisation abusive de cette notion floue et « fourre tout » pour contourner la mise en place des mesures de protection adaptées ou demander le décantonnement ou la peau d’un loup à tout prix ! Si tant est que cette notion signifie quelque chose d’objectif et concret à l’heure actuelle, nous demandons qu’elle soit mieux redéfinie.
Certes dans les faits, sur le terrain, cette « grande difficulté à protéger » se vérifiera probablement et imposera alors peut-être une autre gestion locale de la problématique mais en l’état actuel, nous pensons que notre jeune expérience française de la cohabitation loup-pastoralisme ne nous permet pas vraiment de juger techniquement et aussi catégoriquement d’une telle situation, nous avons encore beaucoup à tenter, à innover en terme de protection avant d’en arriver à de telles conclusions avec tout ce que cela sous-entend dans la gestion globale et à long terme de la problématique loup-pastoralisme ou de la présence même de l’espèce dans certaines régions de France !
Eco-conditionnalité :
Bien que politiquement délicats, les contrôles sur le terrain doivent s’intensifier, autant pour conditionner l’octroi des aides financières (subventions et indemnisations des dégâts) que pour le suivi de l’efficacité effective des dispositifs de protection ou encore pour la mise en œuvre des protocoles de prélèvements de loups. Selon les situations, les différents financements pourraient être conditionnés également aux études préalables de vulnérabilité (nécessaires à la mise en place d’un système de protection adapté) ou aux diverses formations spécifiques proposées plus haut.
Expérimentations :
L’expansion du loup, son adaptation rapide aux mesures actuelles, la diversité et la complexité des élevages et territoires nouvellement concernés nous conduisent plus que jamais à l’élaboration de nouvelles stratégies de prévention, de protection et d’effarouchement. Cela passera par une réelle politique d’expérimentation de nouveaux (au moins pour la France) procédés, de nouvelles combinaisons ou adaptations des moyens déjà utilisés dans l’arc alpin.
Travailler en zones à loups
Afin d’améliorer le travail et l’information des éleveurs et bergers confrontés à des attaques ou au risque de prédation et renforcer les aides déjà en place nous formulons des propositions qui pourraient assez facilement et rapidement faire l’objet d’une expérimentation à l’échelle locale d’une ZPP ou d’un département
- Création de « brigades » d’assistance (bergers itinérants) : binôme de technicien-bergers opérationnel (saison de 6 mois ou plus selon les régions) par vallée, massif ou département (suivant la pression loup et les financements disponibles) pour assurer un soutien à la protection des troupeaux, l’effarouchement, les tirs, les constats, l’information des acteurs locaux et visiteurs, le conseil, la formation des bergers et éleveurs, le suivi et contrôle des dispositifs de protection, les travaux divers nécessités par la présence du loup sur les unités pastorales, les infrastructures – participation aux héliportages, analyse de vulnérabilité, remplacement de bergers (congé – accident – maladie) suivi des indices loup … Brigades pilotées par les DDAF qui centralisent les demandes d’assistance et planifient leurs interventions.
Les régions, départements et autres collectivités locales pourraient mettre (enfin) la main à la poche pour financer ses emplois – Les vacataires déjà embauchés pour les constats de dommages pourraient servir de base à la mise en place de ces équipes – à suivre aussi l’expérience de berger « volant » mis en place en Isère
- Edition d’un « bulletin risque de prédation » à l’attention des bergers et éleveurs, via un répondeur téléphonique, pour diffuser les infos loup en cours : attaques-risques, indices loups par secteurs, opérations de hurlements provoqués, d’effarouchement, de tirs, calendrier des formations, infos administratives, besoins en chien… Bulletin départemental géré également en DDAF, à renouveler tous les 3-4 jours selon l’actualité des alpages (inspiré du Bulletin Risque Avalanches édité par Météo France sur les départements de montagne en saison hivernale).
Gestion de crise : Les situations de forte tension nécessitent une préparation préalable type (à l’échelle nationale ou départementale) et adaptable aux particularités locales où les services en charge du dossier communiquent rapidement une version officielle des faits et informent sur les actions mise en place ou à venir (cf. le dossier de presse très complet édité par la préfecture du Jura lors de l’épisode de prédation survenue au printemps 07 sur la commune de Grande Rivière).