Sous le slogan « les Abruzzes, naturellement vôtres », les quatre parcs de la région (le parc national des Abruzzes, le parc national de la Majella, le parc national du Gran Sasso et le parc régional du Sirente-Velino) ont lancé il y a quelques temps une campagne promotionnelle diffusée dans l’ensemble des cinémas italiens. Si les Abruzzes se déclarent « région verte » de l’Europe, cette séduisante proclamation a bien failli ne pas résister à l’épreuve des faits : l’amputation territoriale d’un des parc de la région. C’était cependant sans compter sur une formidable mobilisation de l’opinion publique.
Tout s’annonçait mal en effet : décembre 2013, le débat s’est fait très vif chez nos voisins italiens quant à un projet de modification du périmètre du parc naturel régional du Sirente-Velino (dans les Abruzzes, province de L’Aquila). Il était tout bonnement prévu de déclasser plus de 4 000 hectares du parc ! Les statuts du parc régional rendaient cette modification possible d’un point de vue juridique car ce sont les instances constituantes qui en déterminent de façon démocratique la charte et le périmètre. Le projet prévoyait ni plus ni moins de déléguer la gestion du parc à une société de chasse mais envisageait aussi des projets immobiliers dans des zones près de Campo Felice et Rocca di Cambio. La création de la zone protégée avait pourtant suscité au fil des années un large consensus de la part des populations locales. En effet, en plus de son rôle naturel de préservation de nombreuses espèces animales et végétales, le parc a permis grâce au tourisme un sensible développement économique. Pourtant, il y a encore des personnes qui soutiennent contre toute évidence que l’existence de telles aires protégées serait des freins au développement économique.
Ce projet de déclassement partiel a bien sûr été fortement combattu par les écologistes qui ont rappelé que le parc est une zone de protection spéciale de grande importance qui a obtenu des fonds LIFE de la part de l’Union européenne pour la conservation de l’habitat de l’ours marsicain et des espèces d’oiseaux qui nichent dans les milieux rocheux. Le parc est en effet reconnu comme une zone d’habitat de qualité pour l’ours marsicain telle qu’énoncée dans le plan d’action pour la protection de l’ours marsicain, adoptée par la région des Abruzzes en juin 2010. Même si la majorité des ours se cantonne dans le parc national des Abruzzes, les autres aires protégées de la région sont essentielles à leur survie car les risques de consanguinité ainsi que ceux liés à la propagation d’épidémies rendent nécessaire un essaimage de l’espèce. C’est du reste pourquoi un projet de corridors écologiques reliant les différents parcs entre eux est actuellement à l’étude. On comprend d’autant plus dans ce contexte l’importance de ne pas amputer le parc naturel régional du Sirente-Velino. Outre l’ours marsicain, la région peut aussi se targuer de la présence de nombreuses espèces d’oiseaux menacées. Le parc participe également à un projet en cours de réintroduction de sept chamois femelles venues du parc national de la Majella. Les zones humides de la plaine de Campo Felice et de Le Prata conservent de plus des espèces uniques de flore d’importance nationale pour le monde végétal ainsi que des espèces endémiques de grande importance mais en réel danger d’extinction. On peut citer par exemple le Sedum nevadense, la Klasea lycopifolia, le Myosurus minimus, la Sesleria uliginosa ou la Gentiana pneumonanthe.
Le président du Conseil régional, bien qu’il ne semblait pas soutenir le projet de modification de la charte du parc, a longtemps refusé pour des raisons – semble-t-il – légales de prendre une position publique claire sur la question. Fort heureusement, l’appel des biologistes, les soubresauts qui ont agité l’ensemble de la société civile durant des mois et surtout une pétition qui a permis de recueillir plus de 200 000 signatures en quelques jours auprès des militants d’Avaaz et d’Animal Amnesty ont finalement poussé le Conseil régional des Abruzzes à retirer le projet de loi régionale. En l’espèce, la mobilisation citoyenne a eu un véritable effet. Cela doit nous conforter dans le rôle que peut jouer la société civile et notamment des associations telles que FERUS. Nos combats actuels – notamment contre les tirs injustifiés sur le loup ou pour l’élaboration d’un nouveau plan ours avec enfin des renforcements – ont ainsi tout leur sens.
Stéphane Nataf pour FERUS
1 commentaire sur “Projet de déclasser une zone d’habitat de qualité pour l’ours marsicain : quand la mobilisation paie !”
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