Pyrénées : le lâcher d’au moins 11 femelles nécessaire pour assurer la viabilité de la population d’ours (ONCFS)

Pyrénées : le lâcher d’au moins 11 femelles nécessaire pour assurer la viabilité de la population d’ours (ONCFS)

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Mécanismes de déclin, dynamique de population et scénarios de renforcement de la population d’ours brun des Pyrénées (Rapport scientifique 2009 de l’ONCFS – Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage)

En 1996, l’ours brun n’est plus présent que dans la partie occidentale des Pyrénées avec 5 à 6 individus répartis sur les versants français (Pyrénées-Atlantiques) et espagnols (Aragon, Navarre). Une translocation expérimentale de 2 femelles et 1 mâle issus de Slovénie est réalisée en 1996-1997 dans les Pyrénées centrales. Alors que le noyau central se développe suite aux réintroductions, le noyau occidental continue de décroître et perd la dernière femelle à l’automne 2004 suite à un accident de chasse. Dans ce contexte, la connaissance des causes du déclin de la population et l’évaluation des paramètres démographiques sont des éléments indispensables pour la mise en place d’un plan de conservation de l’espèce.

Par une approche comparative entre le noyau central et le noyau occidental, nous avons cherché à identifier les causes possibles du déclin dans le noyau occidental, et évaluer le nombre d’ours qu’il faudrait réintroduire dans les deux noyaux de population pour obtenir une population viable, au sens retenu habituellement par l’IUCN (i.e. probabilité d’extinction < 10 % sur 100 ans). Une explication souvent avancée est celle d’une mortalité élevée d’origine anthropique. Une autre renvoie à une hypothèse de faible reproduction («hypothèse du sexe-ratio»). Dans ce cas, certains auteurs ont proposé que le sexe-ratio en faveur des mâles dans le cas d’une petite population pourrait entraîner une augmentation des infanticides (faible survie des oursons) et une ségrégation sexuelle (faible production d’oursons). Enfin, la consanguinité liée à l’isolement et conduisant à une faible reproduction est une autre hypothèse avancée («hypothèse de la consanguinité»).

Le suivi de la population, des naissances et des morts, a été réalisé grâce à une combinaison de techniques fondée sur les observations visuelles, la taille des empreintes relevées lors d’itinéraires pédestres effectués de façon systématique ou opportuniste, le génotypage à partir d’échantillons de poils ou d’excrément, les photos automatiques et enfin la télémétrie sur une zone d’environ 5000 km2. Au total, 10 ours ont été suivis dans le noyau atlantique entre 1993-2005 et 16 dans le noyau central entre 1996-2005.

Deux modèles ont été utilisés, l’un pour calculer le taux d’accroissement de la population, l’autre pour estimer les probabilités d’extinction sur 30 ans selon différentes stratégies de renforcement et en fonction de «l’hypothèse du sexe ratio» ou «hypothèse de la consanguinité » pour les deux populations. Les taux d’accroissement diffèrent d’une population à l’autre. Alors que dans le noyau central il atteint 1,11, il n’est que de 0,95 dans le noyau occidental. Ce résultat est lié à un succès reproducteur et à des taux de survie des oursons et des adultes plus élevés dans les Pyrénées centrales que dans les Pyrénées occidentales.

Depuis 2005, le noyau occidental est dépourvu de femelle. Selon le mécanisme qui sous-tend le déclin de cette population, le nombre d’ours à réintroduire varie. Sous «l’hypothèse de consanguinité», au moins 10 femelles et 3 mâles sont nécessaires (figure 1). Dans ce cas, relâcher plusieurs femelles diminue fortement la probabilité d’extinction. Sous «l’hypothèse du sexe-ratio», au moins 8 femelles et 1 mâle sont nécessaires pour assurer la viabilité de la population sur 30 ans (figure 2). Mais contrairement à «l’hypothèse de consanguinité», relâcher trop de mâles augmente la probabilité d’extinction. Le nombre d’ours à réintroduire dans le noyau central sous les 2 hypothèses est seulement de 3 femelles et 1 mâle.

Les données récentes relevées sur le déclin de la population occidentale supportent l’hypothèse d’une faible reproduction, plutôt que d’une mortalité élevée d’origine humaine. Cependant les résultats ne permettent pas de confirmer sans ambiguïté «l’hypothèse du sexe-ratio» dont l’effet est fortement confondu avec l’aire géographique. L’autre explication possible du faible taux de reproduction observé dans le noyau occidental repose sur la dépression de consanguinité. Des travaux récents ont montré que le niveau de polymorphisme génétique de cette population était très bas. Néanmoins des niveaux similaires ont été observés dans la population d’ours brun de l’île Kodiak en Alaska qui montre des taux de reproduction élevés. Une autre explication pourrait être la moindre qualité de l’habitat dans le noyau occidental, mais aucune donnée ne peut valider cette hypothèse. On pourrait même penser que le fait que les derniers ours se soient maintenus dans cette région est une indication de la qualité de l’habitat. Enfin, le hasard lié à la stochasticité démographique pourrait expliquer le maintien de quelques individus dans les Pyrénées occidentales.

Habituellement, avant toute réintroduction d’individus dans une population en voie d’extinction, il est préconisé de supprimer les causes à l’origine de son déclin. Dans notre cas, même si les causes exactes du déclin récent restent en partie inconnues, les stratégies de renforcement proposées doivent permettre de supprimer le ou les mécanismes sous-jacents du déclin. Dans la limite des hypothèses du modèle, et à condition que les paramètres démographiques restent constants après les lâchers, les réintroductions d’au moins 4 individus (1 mâle, 3 femelles) dans le noyau central et les réintroductions d’au moins 13 individus dans le noyau occidental (3 mâles, 10 femelles) s’avère nécessaire pour assurer la viabilité de ces populations.

A télécharger : Mécanismes de déclin, dynamique de population et scénarios de renforcement de la population d’ours brun des Pyrénées (avec les figures)

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