Par Cinzia Sulli
Le parc national des Abruzzes, Lazio et Molise est connu de l’Europe entière pour la richesse de sa faune sauvage : chamois, cerfs, chevreuils, sangliers… mais aussi et surtout : ours et loups. La présence de ces deux prédateurs en nombre sur notre territoire est très certainement notre plus belle carte de visite et sûrement l’objet de la motivation qui pousse chaque année des milliers de naturalistes européens à venir dans le parc dans l’espoir de les observer dans leur milieu naturel. La majorité des touristes qui vient pour la première fois nous demande où on peut voir les ours. Notre réponse est toujours la même : il n’existe pas de lieu particulier pour les observer, la seule chose à faire est de parcourir la montagne, à partir des différents sentiers balisés, le plus discrètement possible !
Notre territoire est protégé par un système de zonage original à savoir :
- zone A : réserve intégrale ; dans ces zones, seuls les scientifiques et le personnel chargés de la surveillance ont accès.
- Zone B : réserve générale ; ce sont des zones naturelles dans lesquelles se pratiquent des activités humaines traditionnelles (sylviculture, pastoralisme) et des activités touristiques ( randonnée…)
- Zone C : zone de protection : ce sont en général des zones où se concentrent les activités agricoles comme culture et élevage.
- Zone D : ce sont les zones d’habitation.
Dans les deux premières zones, réserve intégrale et générale, des sentiers balisés et classés permettent de parcourir et de découvrir ce territoire fragile.
Contrairement à la réglementation des parcs nationaux français qui n’ont pas leur zone centrale habitée à l’année, notre réglementation est plus restrictive. En effet, chez nous dans les Abruzzes, pour permettre aux ours et à l’ensemble de la faune de cohabiter le plus harmonieusement possible avec une population humaine de plusieurs milliers de résidents et de plusieurs centaines de milliers de touristes, nous avons dû interdire, en plus de toutes les contraintes que l’on rencontre dans tous les parcs nationaux, de sortir des sentiers et de bivouaquer en pleine nature.
Ces dernières années, une information s’est répandue dans le monde du tourisme naturaliste : pour voir l’ours dans les Abruzzes, il suffit d’y aller en août ou en septembre, au moment où les fruits d’un petit arbuste, le nerprun ou rhamnus, sont mûrs et là, en parcourant les zones sommitales des montagnes, on peut facilement apercevoir les ours qui sont très friands de ces fruits. Cette année, pour lutter contre un dérangement excessif des ours, nous avons dû fermer l’accès des sentiers, à partir de la limite supérieure de la forêt permettant de se déplacer sur les lignes de crêtes qui surplombent les zones à rhamnus.
La situation des ours dans le parc, après la mort des trois animaux empoisonnés à l’automne 2007, a été porteuse d’espoirs en 2008. En effet, cette année, nous avons pu observer, pendant l’été, six femelles avec des oursons. Quatre femelles en avait deux, les deux dernières n’en avaient qu’un seul. Cela nous donne un chiffre minimum d’au moins dix ours supplémentaires pour cette année. Malheureusement, cette fin d’automne 2008 a apporté une mauvaise nouvelle : dans la réserve naturelle « Monti della Duchessa » située à côté du parc naturel régional de Sirente-Velino, un ours a été trouvé mort. C’était un mâle adulte dont le cadavre présentait tous les symptômes typiques d’un empoisonnement. Dans le parc, des recherches génétiques que nous menons depuis plusieurs années pour quantifier notre population ursine nous permettent aujourd’hui d’annoncer un nombre situé entre 35 et 65 individus avec une moyenne de 43 ours.
Comme vous le voyez, la bataille n’est pas encore gagnée. Pour nous aider à sauver nos ours, merci de respecter scrupuleusement notre réglementation et de perturber le moins possible la faune du parc. Merci de venir nous visiter pour voir nos animaux, nos fleurs, nos paysages et surtout de le faire avec comme objectif de contribuer à la sauvegarde de ce sanctuaire naturel et de l’ours marsicain en particulier. Nous vous souhaitons un très bon séjour dans le parc et n’oubliez pas que nous sommes à votre disposition au centre du parc à Pescasseroli ou dans les offices de zones pour répondre à toutes vos questions.
Cet article a été publié dans la Gazette des grands prédateurs n° 31 (printemps 2009).
A découvrir : dossier spécial Abruzzes (Gazette des Grands Prédateurs n° 27, printemps 2008)
5 commentaires sur “Randonneurs, aidez à sauver l’ours des Abruzzes”
Bonjour à tous,
Je travaille avec le parc national des Abruzzes et notamment avec l’équipe dirigée par Dr Boitani et Dr Ciucci…(d’ailleurs je pars en stage pour 2 mois et demie demain).
Je confirme que le dérangement est très important, surtout en ce qui concerne les ours. De plus, les français ont très très très mauvaise réputation. Ça s’explique par le fait que chaque année, pendant l’été, certains sont attrapés par les gardes en train de faire du bivouaque ou alors d’approcher des ours hors des sentiers.
Jo
La france a toujours un retard fou pour la protection de la nature,et les français sont très frileux quand a la faune sauvage:la peur,l’influence de faux berger(mais vrais éleveur qui ne sont jamais sur le terrain),qui braille betement et qui sont étrangement écouté par beaucoup ,y compris les politiques.pourtant on ne s’occupe guère des ouvrier d’ailleur!!!!ça masque surtout une peur de la nature(comme dirait terrasson),qui est nettement forte dans d’autres pays voisins.il est vrais que la surfréquentation est préjudiciable,mais a coté du braconnage ,ça reste encore presque secondaire.il faudrait limité les routes ,et les chemins dans de nombreux secteurs.sources de fragmenration
Suis d’accord avec Fred… J’habite les Pyrénées… Les ultra-pastoraux et l’ours… bientôt du loup aussi qui pointe son nez. Hélas la cohabitation entre bêtes sauvages et monde agricole passe très mal chez nous alors que des mesures de protection des troupeaux en estive existent, qu’elles sont efficaces et que les quelques bergers qui les ont mis en place n’ont eu que très peu de pertes par rapport à d’autres qui laissent les moutons en liberté sur l’estive… C’est à se demander s’ils ne font pas exprès de laisser les bêtes sans surveillance pour toucher les primes ! Ah les primes (à la tête de bétail, à l’entretien de l’espace montagnard…) nos éleveurs actuels n’ont rien à voir avec les bergers d’antan… et croyez moi ceux qui crient le plus fort ne sont pas des pauvres paysans mais de gros exploitants… Il reste quelques vrais bergers qui font un super boulot et qui malheureusement font les frais d’une bande d’excités type chemises noires (intimidations, chiens empoisonnés, tirs illicites…) mais la justice ne fait rien et rien n’avance ! Nos politiques font de la démagogie, ferme les yeux, ne se positionne pas, cèdent aux pressions… Ca marche en Italie, ça marche en Espagne (Cantabriques) mais chez nous les animaux ont toujours tort… Maintenant ils s’en prennent aux vautours affamés qui attaquent quelquefois les bêtes en estive lorsqu’elles sont seules !!! Pauvre France : on a bonne mine face aux Pays d’Afrique qui eux protègent lions et éléphants… L’espèce humaine serait elle en régression ? Xénophobie, homophobie…
Bof bof. Si tu ne mets pas de règles précises avec des zones d’exclusion totale, il y aura toujours des crétins pour aller déranger la faune. Chez moi, c’est la mode d’aller traquer les cerfs lors du brame. C’est n’importe quoi. Les gens y vont en 4X4, au phare la nuit, ils y campent… Dans le parc national du Yellowstone, des millions de visiteurs tous les ans mais d’immenses zones interdites au public, et ailleurs, pas question de quitter les sentiers de randonnée.
Bilan, la faune ne s’en porte pas plus mal.
Et chez nous en France ? On passe partout, on chasse partout, on parapente, on skie… Bilan ?
Il faut bien sûr respecter les directives d’utilisation du parc et ne pas sortir des sentiers, mais je profite de cet article pour confronter cet appel :
Comme toujours, on peut s’inquieter de la surfrequentation ou du dérangement causé par des naturalistes ; certains peu scrupuleux ou le grand public. Mais cela reste d’aucune commune mesure avec des dangers réels comme le poison, le braconnage ou la pénétration dans le milieu.
Fondamentalement, le problème 1er à mon sens n’est que très rarement la surfréquentation (si elle ne devient pas de masse), donc mieux vaut se focaliser sur ce qui est important ; la protection de la nature étant suffisemment complexe.
On entend la même rengaine pour les ours et les loup en espagne, on entendait cela il y a 15 ans pour les ours dans les Pyrénées. C’est sûr que c’est moins agréable d’avoir une foule de gens, parfois bruyant sur des sites sauvage pour « voir des ours » que d’être tout seul ; mais c’est tant mieux. Cela sensibilise les gens et les implique concretement d’une certaine manière.
Je ne travaille dans aucune agence de voyage, mais il est vrai que ces remarques récurrentes « vous déranger.. » m’agacent un peu dans des lieux où la problématique est ailleurs…