FERUS publie ce texte de Jean-David ABEL, qui représente FNE au groupe national loup. Il résume bien la position des trois associations de protection de la nature -dont Ferus – qui siègent à ce groupe national et interviennent régulièrement dans ce sens.
L’homme et le loup, par Jean-David ABEL, France Nature Environnement
5 mars 2010
Madame Henriette Martinez, députée des Hautes Alpes et membre du Comité national loup, a récemment publié une tribune intitulée « Le loup et la montagne », dans laquelle elle attire l’attention notamment sur les difficultés causées par le retour naturel du loup à l’élevage de montagne. Voici la réponse qu’apporte à la députée, Jean-David ABEL, en charge de la mission Loup de FNE et membre du Comité National Loup.
Qui suit un tout petit peu le dossier sait que Mme Martinez ne s’arrête pas en si bon chemin. Il y a quinze jours, elle manifestait dans les rues de Gap derrière une banderole finement intitulée « Morts aux loups », et elle vient de déposer une proposition de loi légalisant le tir de loups pendant la période de la chasse, sous réserve – il faut être sérieux… – d’un quota établi nationalement.
Prenons les choses une par une.
Il est évident que la présence du loup créé des contraintes importantes dans la conduite des troupeaux, un changement des pratiques que le soutien légitime de la collectivité, via des sommes importantes de soutien à la protection et des indemnisations à la suite des attaques, ne compense qu’imparfaitement. Mais il n’est pas vrai de dire que c’est ce facteur qui remet en cause le pastoralisme, pas plus dans notre pays que dans d’autres pays européens, comme il est faux de laisser entendre que cela nuirait à la diversité biologique : depuis l’Espagne et l’Europe de l’ouest à l’Europe centrale et aux Balkans, la présence de prédateurs (lynx, loups, ours) ne défavorise en aucune manière la diversité des milieux, leur richesse et celle de la faune qui y est liée.
Les difficultés réelles de la filière ovine ne sont pas nouvelles et liées au loup, mais économiques et structurelles : c’est bien le libre marché par ailleurs tant vanté par le parti de Mme Martinez (l’UMP) qui a causé le déclin régulier de l’agriculture en général, et de l’agriculture de montagne en particulier. Les importations massives de viande ovine à des coûts insupportablement bas depuis des décennies ont causé bien plus de tort à l’élevage, et la perte de nombreuses exploitations, que les prédateurs n’en feront jamais. Mais déposer une proposition de loi pour remettre en cause ces pratiques néfastes aux petites exploitations comme à bien d’autres branches de l’agriculture, est autrement plus compliqué que de crier haro sur le loup…
Faut-il alors laisser les loups se nourrir de troupeaux domestiques (en rappelant qu’autour de 80 % de leur régime est constituée de proies sauvages) ? Bien sûr que non. Il est nécessaire et possible d’améliorer la mise en oeuvre de l’ensemble des mesures de protection (clôtures, chiens, présence humaine, effarouchements,…) ; il est même prévu, au stade actuel du développement de la présence de l’espèce en France, d’autoriser des tirs de défense auprès du troupeau, et même des tirs de prélèvement d’individus en cas d’attaques réitérées sur des troupeaux dûment protégés.
Alors, de quoi parle-t-on ? Derrière les termes de « gestion du loup » et de facilitation de destructions d’individus, c’est bien la présence même du prédateur qui est mise en cause, et ceci de façon continue depuis les débuts de son retour depuis l’Italie voisine. Pour les associations de protection de la nature et de l’environnement, le loup n’est pas un animal sacré, et la destruction encadrée par l’Etat d’un ou plusieurs individus, quand elle ne remet pas en cause la viabilité de l’espèce, n’est pas taboue. Les dispositifs réglementaires actuels, pour une population de loups estimée autour de 200 individus, le permettent. Le reste, et notamment les actes de braconnage comme celui soutenu par Mme la Députée, ne sont rien d’autre au regard de la loi que la destruction d’une espèce protégée.
Car au-delà, il faut peut-être se demander pourquoi les sociétés européennes, avec des gouvernements d’orientations diverses, ont choisi depuis plusieurs décennies de définir des procédures de protection (Berne, directive Habitats) pour des dizaines d’espèces animales : pseudo-sentimentalisme, déification de la nature après des siècles de destruction aveugle ?… Ou plus réellement et fondamentalement, prise de conscience de la dégradation accélérée des milieux et des espèces, et de la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la nature ? Alors, quelle place imaginons-nous pour l’ensemble des espèces non-humaines à nos côtés ? Quelle place sommes-nous prêts à accorder au castor, à l’aigle, à la martre ou au loup ?
Car ne nous y trompons pas, au-delà du loup, c’est bien le rapport de l’homme à la faune sauvage qui est en jeu : jadis acharnés contres les « becs-crochus », « puants », « rampants », c’est aujourd’hui au loup et à l’ours que s’en prennent, bien au-delà des montagnes, ceux pour qui la part faite à la vie sauvage doit être au maximum réduite, pour interférer le moins possible avec l’activité (ou le loisir) de l’espèce humaine dominante. Le silence assourdissant qui accompagne l’appauvrissement présent et massif de milliers d’espèces d’insectes, victimes de l’articificialisation des milieux et de la toute-puissance de l’agro-chimie, ne procède pas d’autre chose.
Mme Martinez achève son billet en affirmant que le loup « n’est pas une chance pour la montagne ». Certes non… Le loup, l’hermine ou le coq de bruyère ne sont une « chance » pour personne. Ils peuvent être pour nous, souvent, des indicateurs de la qualité et de la diversité d’un milieu, mais ils ne le savent pas et sont indifférents à ces considérations humaines.
Car la question, c’est bien à elle-même que l’espèce humaine doit la poser : en 2010 et pour les décennies à venir, quelle société voulons-nous, quelle humanité souhaitons-nous ? Et de quelle prise en compte de la diversité naturelle, des cycles biologiques, de l’accès à des ressources naturelles aurons-nous besoin demain pour garantir l’avenir ?
Mme la Députée des Hautes-Alpes ne rend pas service à l’élevage en laissant croire que des tirs accrus de loups ou, demain, la « mort des loups » que réclamait la banderole derrière laquelle elle défilait en souriant, apporteraient sécurité et pérennité à l’élevage ovin. Avec la déprise agricole accélérée des décennies passées, la restauration de nombreux milieux végétaux, la présence d’ongulés en grand nombre et celle de prédateurs en petit nombre sont un fait biologique, et non un hasard ou le résultat de lubies écologistes : comment vivons et co-existons nous avec ce fait, là est la question. Le soutien résolu à une agriculture extensive et durable, rémunératrice et respectueuse de l’environnement, est une voie certes bien plus compliquée et moins porteuse électoralement que de désigner comme bouc-émissaires des animaux sauvages dont l’impact sur l’élevage (y compris sur les mortalités) est mineur, mais c’est la seule qui permettra à l’horizon des prochaines années l’existence d’un élevage pérenne
6 commentaires sur “Réaction de JD Abel (FNE) à une tribune d’Henriette Martinez contre le loup”
Les arguments utilisés autrefois pour pourfendre le loup sont quasiment les mêmes qu’aujourd’hui. C’est vraiment étonnant. En voir quelques exemples ici : http://www.loup.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article203 (et dans tous les autres ouvrages traitant de l’histoire du loup). Si l’on peut concevoir qu’un paysan du 18èeme siècle avait quelque raison de vouloir piéger un loup qui menaçait son unique vache ou ses quelques brebis on est en droit de se demander pourquoi le monde de l’élevage ne semble guère avoir évolué depuis… Il n’y a pourtant plus de famines, la rage a disparu et les moyens de l’homme pour contrôler son environnement ont été multipliés par mille.. On attend des politiques et des professionnels de l’agriculture qu’ils se saisissent de cette problématique nouvelle avec l’envie de progresser et non à coups de slogans dérisoires.. juste bons à faire rentrer au bercail électoral les brebis égarées..
Bonjour
Très bien cet argumentaire pour la défense du loup
mais attention, ne pas raccourcir trop vite en annonçant que le combat pour la réhabilitation des nuisibles est dépassé. La nouvelle réglementation archaïque en cours d’adoption le prouve : les becs crochus, les mustélidés, renards … ne sont toujours pas bienvenus dans nos campagnes !
a la formule : « jadis acharnés contres les « becs-crochus », « puants », « rampants », c’est aujourd’hui au loup et à l’ours que s’en prennent, bien au-delà des montagnes, ceux pour qui la part faite à la vie sauvage doit être au maximum réduite…
J’aurais préféré la formule sans le jadis : « en plus du combat acharné contre les becs-crochus …., c ‘est aujourd’hui également au loup, à l’ours, aux grands prédateurs … »
Cordialement
Réponse à JP Vieron
J’ai vu votre article dans le Dauphiné. Beau travail !
Bien cordialement
Quelle honte a notre époque de diaboliser les grands prédateurs ,ça signifie sans doute une bêtise lourde ,une réaction primaire à ce qui est différent,sauvage.Pierre rabhie évoque l’élévation des consciences. Ce n’est pas pour demain.
suite a parution dans le DAUPHINE LIBERE du 8 mars de la part de jean paul vieron
Pour avoir participé a la manifestation anti-loup ce jeudi 18 février il ne faisait pas bon à Gap de d&fendre la cohabitation loup-pastoralisme ne serait que cela. Le mot d’ordre était sans appel le loup est considéré non-grata et doit mis sur la liste des nuisibles aide en soi par les politiques plutôt enclin à satisfaire la paix sociale dans les campagnes et ainsi de ne pas voir la place du loup comme facteur de biodiversité pourtant dont l’année 2010 est le symbole.
En avançant certain chiffre de 180 loups chiffre sur estime ainsi on oublie de dire les pertes subies par cette espèce qui est toujours protégée et qui ainsi subit un certain fort braconnage alors que l’espèce est à peine installée en France.
Une espèce qui vit en meute bien constituée et a une forte sociabilité et qui si elle est désorganisée effectivement pose des problèmes surtout aux troupeaux domestiques.
Il ne s’agit pas de gérer le loup quantitativement, cela ne sert a rien car les loups reviendront quoi qu’il arrive mais plutôt mieux comprendre la biologie du loup et sa vie sociale très organisée et s il faut intervenir cela peut l’être sur des loups atypiques. Le braconnage d un loup ne doit pas étre cautionné par qui ce soit et les politiques ne doivent pas rentrer dans ce jeu-là.
En instrumentalisant le loup comme épouvantail s il est vrai que les éleveurs peuvent se plaindre surtout si les loups désociabilisés a cause de tir intempestif posent problèmes alors qu’ on oublie les chiens erratiques, par contre les chasseurs devraient apprendre à cohabiter avec un prédateur qui joue un rôle pas négligeable en limitant les populations de cervidés et de sangliers surtout les jeunes.
Aussi ce n’est pas en agitant la pancarte mort aux loups qu’on sortira d une situation certes délicate mais possible à régler si toutes les parties concernées par le loup que ce soit les naturalistes, les chasseurs , les éleveurs , les politiques , les administrations peuvent se réunir.
Mais veut t on vraiment un dialogue constructif au lieu de jeter des anathèmes a la figure et ainsi diaboliser le loup et en faire un instrument politique au lieu de l’accepter comme une espèce sauvage et libre ce qui est dans ce monde de plus en plus artificiel devient rare
Aussi soyons indulgent vis a vis du loup qui n’a pas à subir nos vicissitudes mais plutôt tourné vers la compréhension d une cohabitation du monde sauvage et de l’homme.
La trés catholique UMP devrait se demander pourquoi DIEU a-t’il créé le loup ? et toutes les autres bestioles qui les embêtent autant.
A moins qu’il ne s’agisse de bêtes du DIABLE comme le pensent encore d’éminents religieux à propos du lynx.
Remettre en question leur présence sur TERRE est ce bien catholique ?