Renard, prends garde, le chacal arrive !

Article NZZ (Neue Zürcher Zeitung) de Andréa Six, 19 avril 2009

Traduction Fabienne Georges pour Ferus

Renard, prends garde, le chacal arrive !

Des spécialistes affirment qu’un nouveau prédateur, en route vers l’Ouest, s’apprête à atteindre la Suisse. Le renard, nettement plus petit, aurait du souci à se faire.

Le chacal doré est en ordre de marche. “Actuelllement, il est encore à quelques 200 kilomètres de la Suisse.” précise Reinhard Schnidrig de l’Office central pour l’environnement. “Il est fort possible que le chacal, nouveau prédateur, immigre aussi en Suisse ».

Ces dernières années, la zone d’expansion de ce chasseur de taille moyenne s’est étendue vers l’Ouest. Jusqu’à il y a 25 ans, ses quartiers allaient de l’Afrique à l’Asie et atteignait le Sud-est de l’Europe. Aujourd’hui, en Bulgarie et en Croatie,le chacal doré a réussi à former des noyaux de population croissants avec plus de 10 000 individus.
A partir de là, de jeunes mâles ont cherché à occuper de nouveaux territoires. “Seulement, lorsque la pression dans la zone d’origine devient trop forte, les jeunes femelles émigrent aussi” explique Klaus Hackländer, biologiste de la faune sauvage à l’Université de Vienne (Autriche). Quelques émissaires sont présents dans le Brandeburg allemand et en Italie du nord-est.

En Autriche par contre, le chacal est déjà installé. En pays voisin, elle accueille la population proche de la Suisse. “En août 2007, on a découvert au bord du lac de Neusieddler la première portée de trois jeunes.” raconte Hackländer.

Migration par vagues

La migration des chacals n’est pas régulière mais plutôt épisodique. Une première vague s’installa dans les années 80 lorsque ces animaux émergèrent dans des pays comme la Hongrie et l’Autriche. Actuellement, il semblerait qu’on soit face à une nouvelle vague de colonisation. “Ces dernières années, le chacal a conquis une centaine de kilomètres vers l’Ouest.” explique le scientifique.

Les causes de cette poussée vers l’Ouest ne sont pas ecore bien claires. Le réchauffement climatique profite au chacal frileux. Les efforts en faveur de la protection de la nature dans les zones humides ou le défrichage de grandes surfaces forestières habituellement évitées par l’animal favorise sa multiplication dans les zones noyaux. Et partout où le loup, son ennemi intime, dévoreur de chacal, est devenu rare, ce dernier se répand.

Le chacal pourrait conquérir dans les plus brefs délais les derniers kilomètres avant d’atteindre la Suisse où il ne s’est encore jamais installé. Ce trotteur abat aisément 10 km par jour. Quand la nourriture se fait rare, il peut aller jusqu’à 50 km. “Le parcours typique suit les cours d’eau et les dépressions humides” précise Hackländer. Ainsi l’animal s’est infiltré en Suisse soit depuis l’Autriche en passant par la vallée du Rhin et le Liechtenstein vers Saint-Gallen ou bien d’abord en passant par l’Allemagne et la région du Lac de Constance pour se diriger vers le Sud.

Mittelland (Plateau suisse) et Tessin

“Certes, nous ne nous attendons pas à voir le chacal arriver dès après-demain” précise Jean-Marc Hackländer de la cellule de recherche sur les prédateurs du Kora. “Mais s’il vient, le Plateau suisse (Mittelland) est idéal pour lui.” poursuit le biologiste. Le Tessin pourrait également lui convenir. D’autre part, il n’aurait rien à craindre non plus des quelques loups qui passent épisodiquement par là. Beaucoup de temps passera sans doute avant qu’une population plus importante ne s’installe. “Voilà déjà 14 ans que le loup vit en Suisse et nous n’avons jusqu’à présent recensé aucune descendance. »

L’animal n’est pas plus dangereux pour l’homme que le renard. Il ne cause des problèmes que dans les pays comme Israël et le Bengladesh où les densités sont extrèmement élevées et où les chacals enlèvent des moutons, des chèvres et des veaux. Les animaux chassent en grosses meutes pouvant atteindre vingt individus. Et comme ils apprécient aussi les végétaux, ils font subir des dégâts aux plantations de canne à sucre, aux champs de maïs et aux cultures de la vigne. En Grèce, il arrive d’autre part que des chiens et des chats tombent sous leurs dents.

En Hongrie où le prédateur n’est pas encore si fréquent, Miklos Heltai de l’Université Saint-Stephan de Gödôlö a étudié les habitudes alimentaires de ces animaux.
Contrairement à ce qui se passe en Israël, le prédateur ne chasse aucun animal domestique et rarement du petit gibier. Il dévore avant tout de petits mamifères d’un poids inférieur à 50 grammes, des reptiles, des amphibiens et des fruits. C’est pourquoi le chacal fait concurrence au renard omnivore. ”Effectivement, le chacal est deux fois plus gros que le renard” constate Heltai. En Hongrie, il se comporte comme une espèce invasive et se multiplie de manière explosive. “Visiblement, il est beaucoup plus efficace au niveau de la reproduction et de la chasse.” ajoute le biologiste. Ceci pourrait provoquer la diminution des populations de renards. En effet, si l’on en croit une étude de l’Université de Tel-Aviv, le renard se laisse expulser de son territoire par le concurrent : des renards sauvages préfèrent renoncer à de la nourriture apportée par les chercheurs dès qu’un chacal rôde dans les parages.

Portrait : le frère du loup

Le Chacal doré, Canis aureus, et le Loup d’Europe ont historiquement la même origine. Le chacal, de couleur beige-dorée, avec ses 50 cm à l’épaule est toutefois plus petit.
Par contre, d’un poids de 15 kilos et d’une longueur de 1,20 m, il est plus grand que le renard. Comme lui, il porte une queue touffue et il est omnivore. Ses empreintes, dont les pelotes des deux orteils médians sont la plupart du temps confondues, le trahissent. Les chacals restent fidèles à vie. Sociables, ils chassent en meute, partagent la nourriture et se nettoient mutuellement. Ils protègent leurs congénères malades. En Europe, les jeunes viennent au monde à partir de mi-avril.

De plus amples informations dans le rapport n° 29 du Kora.

* Article original en ligne « Fuchs, pass auf, der Schakal kommt »