Résultats du suivi de la population d’ours des Pyrénées

Cet article est paru dans la Gazette des Grands Prédateurs n° 31

Par Mathieu Krammer

L’ours occupe toujours le devant de la scène médiatique dans les Pyrénées.

Mais à l’heure où les ours sortent d’hibernation, il n’est pas inutile de se recentrer sur l’aspect purement bio – logique de la population d’ours des Pyrénées avec un bref bilan de ces deux dernières années (même à ce jour le bilan complet de 2008 n’est pas paru).

Méthodes de suivi

Plusieurs méthodes de suivi de la population d’ours sont employées dans les Pyrénées. En 2008, trois ours (Hvala, Sarousse et Balou) sont encore suivis directement par télémétrie.

Pour les ours non équipés, le suivi repose essentiellement sur des méthodes in – directes, c’est-à-dire sur la collecte d’indices de présence : observations visu – elles, empreintes, récolte de poils et de crottes, dommages sur le bétail ou les ruches.

Ces indices de présence sont collectés par les membres du Réseau Ours Brun ou par des tierces personnes (que le Réseau validera ou non). Toutes ces données renseignent sur la répartition géogra – phique de la population.

L’estimation de l’effectif de la population se réalise grâce à l’examen de la taille des empreintes et des silhouettes des ours photographiés par les appareils à déclen – chement automatique, ainsi qu’aux résultats des analyses génétiques qui permettent d’indiquer la lignée, le sexe et l’individu. Les manifestations simultanées d’ours en des sites éloignés affinent l’estimation de l’effectif, en prenant en compte les individus de même taille (empreintes, photos).

Deux aires géographiques principales sont occupées par l’ours brun dans les Pyrénées :

Pyrénées occidentales

Cette partie des Pyrénées n’est proba – blement plus habitée que par 3 ours mâles : Néré (âgé de 12 ans en 2009), Cannellito (âgé de 5 ans en 2009 et dernier fils de Cannelle) et « Aspe Ouest » (âge inconnu, estimé entre 10 et 15 ans en 2009).

L’ours Camille, longtemps comptabilisé sans aucune preuve réelle de présence (il n’a jamais été identifié génétiquement), n’est probablement plus de ce monde… Alors qu’il était identifié comme étant l’ours « pelé » plusieurs fois observé et photographié en Navarre et en vallée d’Aspe, les analyses génétiques de crottes et de poils relevées sur les lieux d’obser – vation de cet ours ont permis d’identifier en fait « Aspe Ouest ».

En terme d’espaces occupés, ce noyau s’étend, ces deux dernières années, de la Vallée d’Isaba (Navarre) à l’ouest jusqu’à la vallée de Luz (Hautes-Pyrénées) à l’est.

Sur le versant fran – çais, les indices sont relevés tout au long de l’année sur les vallées d’Aspe et d’Ossau ; entre les vallées de Roncal et de Hecho sur le versant espagnol.

En 2007, on a noté la présence d’ours brun dans les vallées d’Arrens et d’Estaing au mois de mai ; de Cauterets (Hautes- Pyrénées) au mois d’octobre. En 2008, la présence de l’ours en Bigorre s’est allongée, puisque des indices ont été trouvés en avril, mai, juin, août, octobre et novembre. Elle s’est également éten – due dans l’espace puisque qu’outre les vallées précédemment citées, la vallée de Luz (encore plus à l’est) est concernée par cette présence.

Les trois ours identifiés dans les Pyrénées occidentales ont fréquenté ces vallées de Bigorre ces dernières années. Ainsi, en juillet 2006, l’analyse génétique d’une crotte relevée sur la commune d’Estaing indique un ours d’origine slovène sans plus de précision (vraisemblablement Néré puisque Cannellito est identifié comme un ours pyrénéen).

En 2007, une analyse génétique d’une crotte relevée en mai 2007 sur la commune d’Estaing révèle la présence de Cannellito. Le fait que cet individu soit présent en juin 2007 en haute vallée d’Ossau confirme la fréquentation seulement saisonnière de ces vallées. En octobre 2007, un relevé de trace semble identifier « Aspe Ouest ».

Enfin en 2008, ce sont au moins deux ours – un d’origine slovène et un d’origine pyrénéenne – qui sont présents sur la commune d’Estaing, respectivement en juin et en août.

Cet élargissement de l’aire fréquentée se traduit dans les chiffres puisque côté français, la zone couverte par les ours non équipés d’émetteurs représentait en 2007 1 010 km2, contre 780 en 2006. Nous n’avons pas encore le chiffre pour 2008 mais il devrait être encore supérieur. Malheureusement, cet accroissement n’est pas dû à une augmentation de l’effectif de ce noyau, mais au contraire à un relatif erratisme des derniers ours présents.

Pyrénées centrales et orientales

L’ours brun a fréquenté en 2008 une zone allant du Luchonnais (Haute-Garonne), à l’ouest, aux vallées d’Aulus les Bains (Ariège) et d’Alins (Catalogne), à l’est. L’est des Hautes-Pyrénées, fréquentée en 2007 par Franska, n’a pas été occupé en 2008.

Pour le versant français, seul le Haut- Couserans (Ariège) est occupé de manière régulière par l’ours tout au long de l’année. Le Luchonnais et le Comminges (Haute-Garonne) sont fréquentés de manière plus irrégulière, notamment par Hvala et ses oursonnes.

En Espagne, le Val d’Aran et le Pallars Sobira (vallée d’Alins) sont également occupés par plusieurs ours en toutes saisons. Hormis une incursion de Sarousse en mai 2007, aucun indice n’a été relevé en 2007 et 2008 en vallée de Benasque (Aragon), alors qu’une ourse suitée y avait été observée en 2006.

Il semble désormais très clair que le noyau central est au moins aussi étendu sur le versant espagnol que sur le versant français. Il semble d’ailleurs que tous les ours présents côté français ont une partie de leur territoire qui déborde versant espagnol.

En 2007, 9 animaux ont pu être individualisés dans les Pyrénées centrales. Il s’agit de Hvala et ses deux oursonnes (Pollen et Bambou), Balou, Sarousse, Ziva et trois individus indéterminés (1 dans le Val d’Aran, 1 dans le Haut Couserans et 1 dans la vallée d’Alins).

Pyros et Caramelles (pourtant identifiés en 2006 et 2008 par la génétique), donc bien présents en 2007, n’ont pas été inclus dans ce chiffre minimum car ils peuvent être les ours indéterminés repé – rés en 2007. Même analyse pour les 2 ourses suitées repérées côté espagnol en 2006, qui peuvent faire partie des ours indéterminés de 2007.

Toutefois en 2007, quatre autres ours seraient présents dans les Pyrénées centrales espagnoles sans avoir pu être individualisés avec certitude, d’où une fourchette entre 9 et 13.

L’effectif minimum du noyau central en 2008 n’est pas connu. Seuls les résultats des analyses génétiques 2008 pour le versant français ont déjà été divulgués. 6 individus ont été identifiés dans les Pyrénées centrales : Hvala, Pollen, Bambou, Ziva, Caramelles et Pyros (3 seulement en 2007). Une nouvelle fois, aucun nouveau génotype n’a été trouvé cette année.

En 2008, les oursonnes de Hvala ont commencé à prendre leur indépendance, bien qu’elles soient toujours avec leur mère par moment, comme en témoigne une vidéo réalisée par l’équipe de suivi espagnole cet automne. Les deux jeunes ourses fréquentaient toujours le territoire maternel, entre Val d’Aran, Haut Comminges et Biros (Ariège). L’un des faits marquant de 2008 est l’observation de Hvala avec un grand mâle (Pyros ?) au cours du mois de mai, laissant espérer d’heureux évènements pour le prin – temps ! Quant à Sarousse, âgée de 10 ans, on espère également sa première portée en 2009.

Dans la partie orientale des Pyrénées, la zone de présence de l’ours brun s’étend en 2008 du Vicdessos (Ariège) à l’ouest jusqu’au plateau de Sault (Aude) et au massif du Carlit (Pyrénées-Orientales) à l’est (pas d’indices sur Andorre en 2008). Depuis 2005, la partie ouest semble de plus en plus fréquentée.

Outre l’ours Boutxy, identifié chaque année en Haute-Ariège (encore en 2007 et 2008), une donnée de présence simultanée d’ours indiquait la présence d’un autre ours en mai 2007. Mais cet individu, particulièrement discret, n’a jamais pu être identifié génétiquement. De plus, il est possible qu’il ne fréquente la Haute-Ariège que de manière saisonnière. En 2008, Balou est éga – lement présent de manière régulière dans cette zone des Pyrénées.

En 2007, la zone relative aux ours non équipés s’étend sur 1620 km2 pour le versant français des Pyrénées centrales et orientales. Les ours équipés ont quant à eux prospecté une zone de 3886 km2 à l’intérieur du noyau centro-oriental.

Conclusion

Depuis 2006, l’estimation annuelle de l’effectif de la population d’ours bruns constitue une fourchette minimale fiable,puisque issue des données de terrain de l’année.

Dans le cas de l’ours des Pyrénées, il est préférable de travailler cet effectif mini – mum (avec le risque qu’il soit sous-estimé), que sur un effectif théorique cumulant le nombre d’ours relâchés, le nombre d’our – sons nés dans le massif et soustrayant le nombre d’ours retrouvés morts, comme c’était le cas jusqu’en 2005 (avec le risque que l’effectif soit surestimé).

On ne peut que regretter le faible retour des résultats du suivi côté espagnol. En 2007, l’effectif pyrénéen total est estimé en 2007 entre 15 et 19 individus : 13 côté français et 2 à 6 seulement côté espagnol. Or, la distribution des indices relevés chaque année montre que le noyau central s’étend autant côté français que côté espagnol (voir les Loc’Hebdo ou les Actualités Ours). De plus, les résultats d’analyses génétiques dans les Pyrénées centrales et orientales espagnoles, réalisées par un laboratoire barcelonais, ne sont jamais communiqués.

Il devient alors difficile de tirer des conclusions sur une moitié seulement de l’aire de répartition d’une population.

Sources :

• Empreinte Ours n°5 – Décembre 2008.
• Résultats des analyses génétiques ours – 1ère session 2008 (Equipe Technique Ours / ONCFS).
• Loc’Hebdo et Actualités Ours mensuelles des années 2007 et 2008.
• Rapport annuel 2007 « Suivi de l’espèce Ours brun dans les Pyrénées françaises » (Réseau Ours Brun / Equipe Technique Ours – ONCFS).

Photo : Ours sur la commune d’Etsaut, 2008 © ONCFS-ETO/Cammarra-Bibal. Publiée avec l’autorisation de l’ONCFS.