Tribune publiée dans la Gazette des grands prédateurs n°47.
Les convoyeurs attendent, par Baudouin de Menten
Du côté de la politique, certains attendent le réveil des écologistes, d’autres attendent le retour de la “France forte”. Pas grand monde n’est emballé.
Du côté de l’ours, l’Europe attend une réponse de la France. La France attend/ait, (“La croissance naturelle prendra plus de temps”, Chantal Jouanno 07/2010), que “la dynamique de la population soit positive”. En Béarn, les ours attendent des ourses. Toutes les associations attendaient “le changement, c’est maintenant”. Les associations environnementales attendent des jours meilleurs et un nouveau plan ours. Tout le monde attend la suite de la mise en demeure et… de nouvelles naissances.
Du côté du lynx, discret, tout le monde attend de le voir réapparaitre ici ou là, dans tel ou tel massif ou département alors que la population décline lentement mais sûrement, cachée de tous ou presque. Dans les Vosges, une seule naissance a été relevée entre 2003 et 2009.
Du côté du loup, ça bouge. Canis lupus continue son petit bonhomme de chemin. De l’Italie aux Alpes et maintenant des Alpes vers les Vosges, vers le massif Central et vers les Pyrénées où son retour se fait attendre. Mais maintenant il bouge aussi des massifs vers les plaines. Certains prévoient une étendue rapide de son territoire dans un avenir proche. Tout le monde attend le nouveau plan loup qui, c’est quasi certain, “va limiter la progression de l’espèce”.
Le futur plan loup n’est-il pas déjà bouclé?
A moitié exsangues, que faisons nous ? Nous remplissons des pétitions sur le web. En cherchant un peu, cela pourrait devenir une occupation à temps plein. Et ?
Querelle de méthode pour connaître le taux de progression de la population. Taux qui déterminera les “prélèvements” du prochain plan loup. Personne ne se fait d’illusion, ça va saigner ! Mais le loup reste le plus fort pour étendre son territoire. L’éradiquer ne sera pas facile, même avec une certaine volonté politique inféodée aux lobbies agropastoraux. Comme ses proies sauvages, la population de loups progresse de 21 à 34% par an.
Du côté du réseau loup de l’ONCFS, 400 des 1200 membres bénévoles sont issus des “protecteurs de la nature” (chasse comprise). Par passion, ils consacrent du temps au loup pour récolter plus de 600 indices. Indices qui servent à établir l’Effectif Minimum Retenu (EMR), qui (en l’absence de neige), multiplié par un coefficient, permet de déterminer le nombre de loups, par Capture-Marquage-Remarquage (CMR). Le CMR qui va permettre de déterminer un quota de “prélèvements” 15, 20, 35, qui sait à ce stade? 400 membres qui, bénévolement, permettent d’augmenter les quotas! Et ?
Etablir le taux de croissance constitue le paramètre le plus important dans la gestion du loup. L’ONCFS va avoir besoin de nouveaux membres pour créer un suivi et établir un taux de croissance (EMR). Ce sera le seul moyen pour déterminer le CMR, et le “quota”, lorsque les loups coloniseront des zones dépourvues de neige. Or c’est maintenant ! Et ?
Et si les 400 membres du réseau arrêtaient d’être complices? Plus de suivi performant du loup, plus moyen d’établir EMR et CMR, plus moyen d’augmenter le quota sans prendre le risque de mettre en danger la population de loups, plus moyen pour la France de respecter ses obligations internationales ! Plus moyen de plaire à l’Europe. The Economist a écrit “The wolf’s supporters do not care for the species as much as its opponents hate it”¹, “Les supporters du loup ne prennent pas autant soin du loup que les opposants le haïssent”.
Et bien, prenons soin des loups ! Nous avons là un formidable moyen de pression, un nouveau levier.
“Le défi pour l’avenir sera de contribuer à faire aussi bien (au niveau du réseau et du suivi) y compris lorsqu’un nombre plus important de loups colonisera des zones qui ne seront pas recouvertes d’un manteau neigeux en hiver”².
Et si nous arrêtions d’attendre et d’être complices ? Remplaçons les dédommagements par une assurance obligatoire et réservons 100% du budget loup aux mesures de protection qui doivent devenir obligatoires, partout là où est ou là où sera le loup. Fin des constats, fin des articles de la Dépêche du midi ou du Dauphiné Libéré, fin des embrouilles. Davantage de protection, de transparence, moins de conflits et de magouilles.
Baudouin de Menten / www.buvettedesalpages.be
2. Olof Liberg, Report from an expert mission for évaluation of the wolf monitoring system in France, Augustus 2012, on request by the French Ministry of Environment through IUCN French Committee. http://www.buvettedesalpages.be/2013/01/evaluation-du-systeme-de-suivi-de-la-population-de-loups-en-france.html