Fin mars, l’équipe de l’Institut de recherche forestière du Bade-Wurtemberg (FVA) a capturé un lynx dans le haut pays souabe (extrémité allemande de l’arc jurassien, à l’est de la Forêt Noire). Ce piégeage pour équiper l’animal d’un collier émetteur a été rendu possible grâce à l’appui des chasseurs locaux. Le lynx B433 capturé est en fait un mâle bien connu car suivi, né en 2014, et provenant du nord-est de la Suisse. Sa mère est le lynx B315, elle-même fille de la femelle Alma qui avait été transférée en 2008 du Jura suisse vers le nord-est de la confédération helvétique, ceci afin d’accroître l’aire de répartition du lynx et de permettre des brassages génétiques. Le lynx B433 avait été photographié en compagnie de sa mère et de ses sœurs dans les cantons de Saint-Gall et de Zurich fin 2014 et début 2015. En juillet de la même année, il avait été repéré un peu plus au nord, dans le canton de Thurgovie (sud du lac de Constance). La distance entre son territoire de naissance et son lieu de capture dans le Bade-Wurtemberg est d’environ 80 km à vol d’oiseau.
Pour mémoire, trois autres lynx avaient déjà migré de Suisse vers le land allemand du Bade-Wurtemberg. Il y a d’abord eu le mâle B328, né dans le Jura, et qu’on a retrouvé mort dans la gorge de la Wutach, en Forêt Noire. Le mâle B415 (« Friedl »), originaire du Jura bernois, qui avait été équipé d’un collier émetteur en avril 2015 au nord du canton de Fribourg, a lui aussi migré quelques mois après en Allemagne, à nouveau en Forêt Noire ; bien qu’il ait perdu son collier émetteur depuis, on sait qu’il s’est installé en septembre 2015 un peu plus à l’est dans la haute vallée du Danube qu’il parcourt encore. Enfin, un autre mâle, B430, a migré en 2014 du canton suisse de Bâle Campagne vers le centre de la Forêt Noire (à environ 110 km) où il a été détecté il y a quelques semaines par des pièges photographiques.
Cette migration naturelle démontre que la Forêt Noire est un milieu propice à l’établissement du lynx et qu’une métapopulation permettrait des échanges nécessaires à la diversité génétique. Il reste que sans délocalisation de femelles en Forêt Noire, il n’y aura pas d’augmentation notable du nombre de lynx. Pas très loin de là et toujours dans le sud-ouest de l’Allemagne, il convient de saluer un programme de relocalisation de vingt lynx actuellement en cours dans la forêt du Palatinat, à quelques kilomètres des Vosges du Nord. Huit lynx, dont cinq originaires de Suisse et trois de Slovaquie, y seront relâchés dès le début d’été 2016.
Stéphane Nataf pour FERUS
Source : Kora