Cela faisait un moment que nous suivions les aventures de l’ours M13, premier ours à avoir été filmé dans les Grisons (Suisse), en avril 2012 : sa capture afin de l’équiper d’un collier émetteur, ses allées et venues entre le tyrol autrichien, l’Italie et la Suisse, une frayeur, lors qu’il fut happé par un train, ce qui miraculeusement ne lui causa aucune blessure…
Les choses commencèrent à mal tourner mi-novembre 2012 quand, après avoir dévasté des ruches près d’une école, il s’introduisit dans une maison de vacances vide du Val Poschiavo (Grisons) pour y manger des pommes-de-terre. Les responsables fédéraux et cantonaux décidèrent alors de le classer dans la catégorie « ours problématique », qui implique une surveillance étroite du plantigrade. Devant la menace d’abattage qui commençait à planer sur l’ours M13, nous avons alors relayé la pétition qui demandait l’assouplissement de la gestion de l’ours en Suisse, jugée trop rigide. Du fait de son entrée en hibernation quelques jours plus tard, M13 obtint quelques semaines de répit…
Il sortit une première fois de son hibernation le 9 février dernier, afin d’effectuer une petite ballade dans le val Poschiavo, avant de retourner dans sa tanière.
Il sortit une deuxième fois, le samedi 16 février et il croisa une adolescente. Elle n’a pas été blessée par l’ours mais a été choquée et hospitalisée. Le même jour, il s’était aussi approché de deux touristes qui marchaient sur un sentier.
Classé « ours à risque » et de ce fait jugé dangereux pour l’homme, l’ours M13, âgé de 3 ans, a été abattu mardi 19 février, à Miralago, sur les bord du lac de Poschiavo : « L’abattage de l’ours s’est fait selon le Plan de gestion de l’ours en Suisse* », a indiqué l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) à Berne.
D’après les autorités, il n’y avait pas d’alternative.
C’est sur recommandation de la commission intercantonale (composée du chef de l’office cantonal de la chasse et du chef de la section Chasse de l’Office fédéral de l’environnement) que Mario Cavigelli, chef du Département des constructions, des transports et des forêts du canton des Grisons, a donné l’ordre d’abattre l’ours après avoir consulté les autorités italiennes, M13 provenant d’un projet de repeuplement en ours dans la région du Trentin-Haut-Adige.
Le rapatriement de l’ours en Italie ne constituait pas une alternative. Aucun accord international n’offre les bases légales nécessaires et les discussions menées en novembre dernier avec les responsables du programme de repeuplement dans le Trentin n’ont en outre pas abouti.
Le placement dans un zoo a également été rejeté par les deux pays. Motif: un plantigrade adulte, né en liberté, ne saurait guère s’y habituer.
L’ours ne s’était jamais montré agressif envers les humains, mais le risque d’un accident grave était devenu trop important, a souligné Franziska Schwarz, vice-directrice de l’OFEV face aux médias réunis à Coire. Son abattage était inévitable pour protéger la population.
Les associations de protection de la nature ont dénoncé cette décision jugée injuste.
Selon l’organisation WWF Suisse, M13 était le seul ours présent en Suisse et le dernier ours encore en vie d’une portée de trois mâles. Ses frères M12 et M14 sont tous les deux morts happés par des voitures en Italie en 2012. Joanna Schoenenberger, la spécialiste des ours du WWF s’est déclarée très déçue : « Le meurtre de M13 prouve que nos politiciens n’ont pas de c… Il y avait d’autres solutions que de l’abattre. De plus, il n’était pas agressif et posait nettement moins de problème que JJ3 qui a été abattu en 2008 après un délai d’observation beaucoup plus long. De point de vue de l’ours, il faut admettre qu’il s’est comporté tout a fait normalement. Il fallait l’éloigner des zones habitées et attendre qu’il grandisse avant de décider si oui ou non il n’y avait pas d’autres solutions que de l’exécuter. »
Selon le WWF, la population n’est pas suffisamment informée. Le problème ne venait pas du plantigrade mais de la faible acceptation de l’ours dans le Val Poschiavo (GR). L’organisation Pro Natura va dans le même sens et demande au canton des Grisons de nommer un préposé permanent chargé de la gestion des ours. Etant donné la réintroduction de l’ours dans les régions alpines, il est nécessaire que ces régions se préparent. Cela passe par la prévention, comme l’utilisation de containers à ordures anti-ours ou des ruches sécurisées. La survie de l’ours passe par son acceptation parmi les habitants des régions concernées.
* Le « plan Ours » en Suisse prévoit d’abattre un ours quand il ne craint plus l’homme, qu’il pénètre à plusieurs reprises dans des zones d’habitation fermées et dont la peur de l’homme n’augmente pas, en dépit d’actions d’effarouchement répétées, comme des tirs avec des balles en caoutchouc ou des lancers de pétard. Voir –> ICI.
Pour aller plus loin : L’ours à risque M13 a été abattu (DETEC/confédération suisse)
Communiqué du WWF suisse : M13: une mort inutile (20/02/13)
Lire aussi : Les pérégrinations de l’ours en Suisse depuis 2005 (Le Matin, 20/02/13)