Toulouse, le 26 juin 2008
Les ours fréquentent les Pyrénées depuis des millions d’années, l’espèce actuelle est présente depuis environ 600 000 ans. Aucune espèce sauvage ne doit sa présence ou sa survie au bétail. Le mouton venu d’Asie est élevé localement depuis environ 6000 ans.
L’extermination des ours a conduit voici longtemps aux premières demandes de protection (prince Albert de Monaco en 1915 ; Marcel Couturier, chasseur fameux, en 1954). La chasse à l’ours est interdite en 1957, sa protection intégrale assurée en 1972. Il en reste alors environ 35.
Les premières indemnisations de moutons tués par les ours sont alors payées par les chasseurs de montagne. Les premières indemnités de dérangement sont versées aux bergers par le WWF et le FIEP en 1979. L’Etat prendra ensuite le relais de ces actions.
Le président Mitterrand lance des appels pour sauver les ours en 1982 et 1988. Le premier « plan ours « voit le jour, ainsi que l’association ARTUS devenue FERUS. Il reste alors 13 ours.
En 1990, Brice Lalonde, ministre de l’Environnement, interdit la chasse en battue pendant les deux mois qui précèdent l’hibernation, dans quelques zones du Béarn connues pour abriter les dernières femelles. Le Comité Intervalléen, ancêtre de l’Institut Patrimonial du Haut Béarn (IPHB), présidé par Jean Lassalle, fait sonner le tocsin et fera abroger la mesure en 1993. Les deux dernières femelles de souche pyrénéenne, Claude et Cannelle, seront abattues dans ces zones anciennement protégées. En 2008 la souche pyrénéenne est éteinte, le dernier mâle va disparaître du Béarn.
En 1996 et 1997, trois ours sont introduits de Slovénie dans les Pyrénées Centrales par Michel Barnier et Corinne Lepage, sur le territoire de communes volontaires (aujourd’hui Pays-de-l’Ours-ADET). Cinq autres ours seront réintroduits par Nelly Olin en 2006, dans le cadre d’un programme de renforcement de la population d’ours voulu par Serge Lepeltier.
En 2007, pressée par les opposants à l’ours qui finiront par perturber suffisamment la femelle Franska pour qu’elle aille se faire écraser sur une route, Nathalie Kosciusko-Morizet décide de faire établir un bilan du programme de renforcement par ses inspecteurs généraux.
FERUS et des associations partenaires remettent au printemps de 2008 leur propre bilan et leurs propositions à la ministre.
Notre bilan se résume à dix points.
1° Il faut conserver des ours dans les Pyrénées.
L’ours fait partie de la biodiversité, comme toutes les espèces sauvages, cette biodiversité dont l’Etat et ses partenaires se sont engagés à enrayer l’érosion lors du récent « Grenelle ».
Nos engagements internationaux et les lois de notre pays l’exigent.
Les Français y compris les habitants des Pyrénées sont très largement favorables à l’ours. Son statut d’espèce phare, à forte charge culturelle, accroît notre devoir envers lui.
Ceux qui militent contre l’ours prétendent maintenant le faire au nom de l’environnement pour lequel ils n’ont jamais levé le petit doigt, bien au contraire.
2° Les renforcements étaient indispensables.
Sans eux, il n’y aurait plus d’ours dans les Pyrénées. Il est heureux qu’ils aient pu démarrer avant la disparition des derniers représentants de la souche d’origine. Les ours slovènes n’ont montré aucune différence de comportement par rapport aux ours autochtones. Un apport de femelles en Béarn où vit le fils de Cannelle permettrait, en outre, de conserver les gènes « pyrénéens » dans la nouvelle population d’ours. Mais ces questions de souches sont secondaires, il s’agit d’une même espèce, d’une population d’Europe occidentale fragmentée par l’homme.
3° Ces renforcements ont été techniquement bons
Aucun animal n’est mort pendant les captures et les transferts. Huit ont été lâchés. Trois sont morts (Mellba tuée par un chasseur, Palouma et Franska mortes accidentellement (?) avant d’avoir participé à la reproduction). Malgré tout on estime à une vingtaine d’ours la population actuelle.
4° La concertation doit être améliorée.
Elle a surtout été entravée par le refus de principe de certains élus et de certains responsables de l’élevage de parler du programme. Nous appuyons la création d’un lieu d’échange d’arguments sérieux entre gens de bonne foi comme le nouveau Groupe National Ours. Nous pensons que les opérations de battage publicitaire desservent l’ours, car ses opposants sont moins intéressés par son avenir que par la tribune qu’il offre aux mécontents de tout poil et de tous bords. Nous espérons que les lieux de discussion sérieux resteront ouverts et actifs même dans le cas de boycott par certains opposants.
5° L’habitat naturel est propice à l’ours dans les Pyrénées.
Les premiers à l’avoir prouvé sont les ours eux-mêmes, qui on réoccupé des « zones à ours » bien conues autrefois. L’équipe technique ours de l’Etat, comme les experts espagnols (Hartasanchez) estiment à environ 10 000 km2 l’habitat favorable à l’ours sur les versants français et espagnol (environ l’équivalent de deux départements). Cet habitat ressemble aux monts Cantabriques qui abritent actuellement près de 150 ours en Espagne, ours qui n’hésitent pas à venir discrètement dans les forêts de basse altitude.
6° Il faut progresser sur la chasse.
Aucune population d’ours, dans les pays européens, n’a pu survivre sans un minimum d’espaces protégés et de règles garantissant que les chasseurs et leurs chiens ne perturberaient pas les zones d’élevage des oursons. L’Etat français, qui se reposait sur des engagements volontaires des chasseurs, vient d’être condamné le 27 mars dernier pour ses manquements par le tribunal administratif de Pau.
La simple application de la règle qui met en réserve légale 10% du territoire des associations communales de chasse agréées (ACCA), si ces réserves recouvraient ces zones d’élevage des jeunes, épargnerait les oursons et leurs mères sans léser les chasseurs.
7° Il faut mettre fin aux dérangements volontaires.
La perturbation intentionnelle d’une espèce protégée est interdite par la loi mais n’est pas correctement sanctionnée. Il est indispensable de revoir ce point et de renforcer les pénalités encourues par ceux qui, comme on l’a vu en 2007 pour Franska, vont dans la montagne avec des fusils et des pétards pour effaroucher les ours, les obligeant à fuir vers des zones habitées pour réclamer ensuite leur abattage sous prétexte qu’ils présentent des risques.
8° Il faut mieux préserver les habitats.
La plupart des zones à ours ont été déclarées d’intérêt européen au titre de Natura 2000, malgré la farouche opposition de certains élus. Mais pour le moment ces déclarations n’ont pas été suivies de la rédaction de documents d’objectifs disant clairement quelles mesures de gestion seraient bénéfiques ou contraires aux intérêts pour lesquelles elles ont été notifiées. Il est urgent de conforter ces zones et de limiter au maximum les aménagements nocifs pour l’ours et d’autres espèces fragiles, les routes et pistes forestières, les coupes brutales, l’écobuage…
9° La cohabitation avec l’élevage doit être organisée.
Elle est possible, l’ours n’est pas un prédateur très performant et la viande ne représente qu’un faible pourcentage de son alimentation. Ses dommages sont réduits (600 000 moutons dans les Pyrénées françaises, dont plus de 20 000 meurent accidentellement chaque année, alors que l’ours en tue entre 2 et 400). Il suffit généralement de chiens de protection, d’aides bergers et dans certains cas de clôtures mobiles pour éviter toute attaque. Certes les ennemis de l’ours disent « c’est lui ou nous, nous ne ferons pas d’effort pour nous adapter à sa présence », mais nous ne voulons pas d’une montagne aseptisée d’où l’on éliminerait tout ce qui gênerait les intérêts économiques. L’Etat ne doit plus tolérer que certains éleveurs refusent les protections qu’on leur propose et qui sont entièrement financées.
10° Nous demandons de nouveaux renforcements.
Il faut remplacer les ourses qui ont été tuées, à commencer par Cannelle, Mellba, Franska et même Palouma. Il faut procéder dans le calme, loin des feux médiatiques, à des apports réguliers de nouveaux ours jusqu’à ce que la population soit jugée en bon état de conservation. L’objectif pour nous n’est pas de lâcher un n ombre précis d’ours mais d’obtenir in fine un nombre suffisant d’adultes reproducteurs sur les deux versants, nombre qui ne saurait être inférieur à soixante d’après les experts indépendants .