Traque et extermination en Saône-et-Loire : le sort tragique d’une espèce protégée

Traque et extermination en Saône-et-Loire : le sort tragique d’une espèce protégée

© Bérengère Yar
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Communiqué de FERUS

Le loup « boiteux » de Saône-et-Loire a été retrouvé mort dans le secteur de Morey ce dimanche 16 février, de cause indéterminée, en attendant l’expertise de l’OFB. De fait, tout loup mettant les pattes dans ce département est un loup mort en sursis.

Il s’agit du quatrième spécimen présent sur ce territoire depuis 2020, année du retour local de l’espèce. Les trois précédents ont été abattus par des tirs officiels, et celui-ci faisait également l’objet d’une traque. La préfecture avait publié des arrêtés de tirs de défense simples, puis renforcés, et enfin s’apprêtait à publier un arrêté de de tir de prélèvement, possible même hors situation de prédation sur les troupeaux.

Nous avons affaire ici à une politique d’éradication locale systématique de cette espèce protégée, qui est susceptible de sanctions de la part de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Cette dernière a déjà rendu plusieurs avis où il apparaît explicitement qu’une évaluation de l’état de conservationau niveau local est obligatoire avant toute dérogation létale sur cette espèce. D’autant que la population de loups au niveau national marque le pas avec une légère baisse, compromettant son retour à un état de conservation favorable, obligation légale.

Le caractère illégal de ces arrêtés ne s’arrête malheureusement pas là. Ils ont été accordés à deux éleveurs après des constats de dégâts dans la zone, causant 15 victimes dans d’autres élevages. Néanmoins, les moyens de protection invoqués sont notoirement insuffisants : une clôture électrifiée et quelques visites par jour. Quelques visites journalières ne constituent pas un moyen de protection, et jouent d’évidence pour la préfecture le rôle d’un subterfuge afin de donner une pseudo-apparence de légalité à ses arrêtés.

Nous avons aussi relevé l’absence de chiens de protection, ce qui montre que les alternatives existantes et subventionnées n’ont même pas toutes été étudiées, condition pourtant obligatoire à toute dérogation létale.

Ce loup boiteux a été victime d’un véritable acharnement de la part des services de l’État. Son handicap résultait d’un tir précédent qui l’avait blessé. Il était malheureusement en mode survie et cette blessure le privait de chasser des proies sauvages. Il se rabattait logiquement sur le plus facile : les animaux d’élevage.

L’accentuation des dommages due à une politique de tirs létaux exacerbée a été récemment démontrée par une étude scientifique en Lettonie*. Seuls les moyens de protection, subventionnés en France, sont susceptibles de faire baisser durablement les dommages de prédation. La politique de tirs massifs sur le territoire français fait éclater les meutes de loups dans la zone alpino-provençale, ce qui augmente fortement le nombre d’individus dispersants qui se répandent alors dans les zones de colonisation où les moyens de protection sont encore absents, comme la Saône-et-Loire, rendant la situation ingérable.

Cette stratégie de pompier-pyromane sert juste de défouloir pour calmer certains syndicats agricoles, mais elle n’est pas efficace pour réduire les dommages. Elle n’est d’ailleurs ni légale, ni éthique. Nous la condamnons fermement une fois de plus, et poursuivrons nos recours juridiques jusqu’à ce que l’État français adopte une politique plus raisonnable, quitte à ce que des sanctions de la part de la Cour de Justice Européenne soient nécessaires.

* voir l’article Šuba et al. « La gestion des loups en Lettonie diminue-t-elle la déprédation du bétail ? Une analyse des données disponibles » dans Sustainability, 2023.