Tribune : 10 000 €uros, la peau de la dernière ourse des Pyrénées

Tribune : 10 000 €uros, la peau de la dernière ourse des Pyrénées

© ONCFS, Réseau Ours Brun, JJC
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L’ourse Cannelle. © ONCFS, Réseau Ours Brun, JJC

Battue à l’ours dans les Pyrénées : un des six chasseurs définitivement condamné à des dommages-intérêts

10 000 €uros, la peau de la dernière ourse des Pyrénées !

Détruire physiquement les symboles d’une culture, d’un patrimoine ou d’une histoire, est le lot commun de toutes les actions violentes commises par des sociétés ou des groupes totalitaires, fascistes, ou intégristes. Il y eut par exemple l’incendie du Reichstag en 1933, le bombardement de la grande bibliothèque de Sarajévo en 1992, ou encore la destruction à l’explosif des bouddhas géants de la vallée de Banyan en mars 2001.


Que ce soient des exactions commises par des nazis, des serbes ou des talibans, une société civilisée ne peut pas tolérer que ces actions violentes, qui s’attaquent à des symboles patrimoniaux de l’humanité, puissent être perpétrées. Alors, que peut-il en être lorsque ce type d’action, de destruction totale, est menée contre un patrimoine naturel considéré comme en danger critique d’extinction, à savoir contre une espèce animale ?

Lorsque le 1er novembre 2004, la dernière ourse pyrénéenne « de souche » était abattue par un groupe de 6 chasseurs parfaitement informés la veille de sa présence aux alentours d’Urdos, ne serait-ce pas le dernier symbole de la biodiversité pyrénéenne qui était visé ?

Détruire ce symbole, cette dernière rescapée qui venait juste de mettre bas un ourson « hybride » avec une souche Slovène réintroduite, n’était-ce pas détruire à jamais, physiquement, le symbole de la restauration du plantigrade dans le massif pyrénéen, et attaquer les principes d’une société, notre société, parlementaire, qui s’attache à des valeurs de protection et de sauvegarde d’un patrimoine naturel qui est indissociable d’un patrimoine mondial de l’humanité ?

Le Parquet de Pau, en ne poursuivant que le seul tireur présumé, René Marquèze, et en prononçant un Jugement de relaxe de ce dernier au nom d’un « État de nécessité », n’a, semble-t-il, pas voulu ou pu considérer tous les aspects d’un dossier qui embarrasse les pouvoirs publics. D’où le fait, par ce même Parquet de ne pas avoir interjeter appel de la décision du Tribunal.

Pourtant, avec la confirmation le 3 juin dernier par la Cour de Cassation de l’Arrêt de la Cour d’Appel, statuant sur les intérêts civils des associations de protection agréées, qui elles, avaient interjeté appel de cette relaxe, il semblerait que ce même Parquet de Pau fût bien mal inspiré, car cet Arrêt infirme le jugement de premier degré.

En effet, l’Arrêt de la Cour d’Appel condamne le tireur présumé en reconnaissant sa pleine et entière responsabilité dans l’acte commis, à savoir que, parfaitement informé de la présence de l’ourse dans cette zone, il s’était mis lui-même en position de commettre son acte, mais un acte dont malheureusement, il n’aura vraisemblablement plus jamais à répondre devant une juridiction pénale ou criminelle.

L’Arrêt de la Cour de Cassation confirmant cet Arrêt de la Cour d’Appel, René Marquèze, le tireur présumé, est donc condamné à verser 10 000 €uros à 6 des 7 associations parties civiles, ce qui ne fait pas cher payé la peau de la dernière ourse des Pyrénées, et ce qui est parfaitement ridicule en regard de la portée et du retentissement symbolique de l’acte. Il suffit de voir pour cela la jubilation de certaines fédérations de chasse qui n’hésitent pas à soutenir publiquement le tireur en organisant une collecte, tout en oubliant qu’elles-mêmes, ces fédérations, sont elles aussi agréées « protection de l’environnement » et capables de se porter partie civile… ce qu’elles n’ont pas fait !

De là à imaginer que l’acte a été organisé, prémédité, calculé dans une stratégie d’éradication totale et absolue de l’Ursus Arctos dans les Pyrénées, il n’y a qu’un pas, que seule la Justice pourrait franchir. Car, si l’on se réfère aux événements ultérieurs, d’une violence inouïe, qui ont eu lieu à Arbas en avril 2006, suite à de nouveaux lâchers dans les Pyrénées, notre société pourrait se poser la question de savoir si, dans ces mêmes Pyrénées, sur notre territoire national, des groupuscules radicaux, armés et antiparlementaires, n’auraient pas sciemment prémédité et organisé la destruction par arme à feu de l’ourse Cannelle, symbole emblématique de la biodiversité pyrénéenne, à l’image même de ces Talibans qui ont détruit à l’explosif et devant le monde entier, l’emblême et le symbole religieux que représentaient les deux bouddhas géants de la vallée de Banyan.

D’autant que sur le site Facebook existe désormais un groupe baptisé « Pour une battue a l’ours en lavedan, pays toy et val d’azun… extinction de la race nuisible dans les pyrénées », et localisé à Ayros-Arbouix, France  http://www.facebook.com/profile.php?id=1845113282&v=wall&story_fbid=132836116732491#!/group.php?gid=37878235549 *

Pas vraiment de quoi rassurer tout ceux qui sont attachés à des valeurs de respect et de responsabilité, et encore un acte, un fait, qui devrait au moins avoir le mérite d’alerter les pouvoirs publics sur des comportements locaux totalement inacceptables, afin de prévenir, en les sanctionnant, ces nouveaux appels à la destruction d’espèces protégées.

Jérôme HOTTA

Cette tribune est parue dans Le Petit Journal, éditions Comminges du mercredi 09 juin 2010

* Le nom de ce groupe a depuis changé de nom pour devenir « non à l’ours dans les Pyrénées »

Voir aussi :

Le tueur de l’ourse Canelle définitivement condamné au civil (juin 2010)

Ourse Cannelle : arrêt de la cour d’appel de Pau / le positionnement de Ferus (septembre 2009)

Cannelle : pourquoi l’Etat n’a pas fait appel ? (juillet 2008)

Ours Cannelle : le chasseur relaxé (avril 2008)

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