Dérochements de troupeaux de brebis en Ariège : l’Etat dilapide l’argent des contribuables, tout en compromettant la survie de l’ours – 2 août 2019
Comme pour l’estive d’Aston-Sénard et malgré l’absence de prédation, la préfecture de l’Ariège a attribué à l’ours le dérochement de l’estive du Mont Rouch. FERUS dénonce une nouvelle fois cette approche officielle et vous propose un développement pour comprendre.
Conclusion
Cette politique de l’Etat tend à donner des gages à la fraction de l’élevage la plus radicalisée. Et, ce, au détriment de ceux qui font des efforts et dont on ne parle jamais : ces estives qui pratiquent les moyens de protection depuis plus de quinze ans, avec d’excellents résultats au niveau de nos voisins européens.
Le but est-il, à terme, que la collectivité paye les 5 % de pertes « naturelles » (source, p3), non dues à l’ours, des troupeaux d’ovins estivant en Ariège ? Soit 3 000 bêtes sur un effectif de 60 000 ?
En tout cas, on se dirige tout droit vers ce cas de figure.
Qui s’en soucie ?
Le contribuable paye ; les organisations agricoles ne se remettent jamais en question, réclament le retrait des ours et pratiquent une politique de la terre brûlée ; les élus locaux les suivent. Et l’Etat cherche à éviter de faire des vagues, en pure perte.
Pendant ce temps, la biodiversité en France s’effondre et la population d’ours pyrénéenne est toujours en danger critique d’extinction.
Analyse
Commençons par les constats de potentiels dégâts:
- pour éviter toute décision arbitraire, les constats réalisés en estive font l’objet à posteriori d’une grille d’analyse écrite noir sur blanc. Elle permet l’attribution des dégâts à l’ours ou pas en fonction des indices factuels relevés sur le terrain. Pourquoi, dans ces deux cas, la préfecture a-t-elle dérogé à cette règle de bon sens, ce qui est une première ?
- suivant ce protocole pour les constats, en l’absence de prédation, un dérochement ne devrait pas être attribué à l’ours déclenchant une indemnisation automatique, mais être classé en « cause de la mort indéterminée » : étant donné sa vitesse de pointe, son aisance dans les terrains accidentés et sa force, un ours qui a décidé de tuer une brebis ne la loupe pas.
- En cas de classement « mort indéterminée », le dossier passe en commission d’indemnisation qui décide ou pas l’indemnisation « au bénéfice du doute ». D’ailleurs, en Ariège, les dossiers relevant de ce cas de figure sont quasi-systématiquement indemnisés, illustrant les dérives d’un système qui a transformé les indemnisations en assurance tous-risques.
Et les empreintes et crottes d’ours repérées plus ou moins loin des sites de dérochement ?
Un examen élémentaire de la carte des estives en Ariège montre que ces dernières occupent la quasi-totalité des zones supra-forestières de la haute Chaîne pyrénéenne.
L’ours est une espèce mobile qui n’est pas équipée d’ailes, contrairement aux oiseaux. Les Pyrénées n’étant pas destinées à être uniquement un parc à moutons, l’ours va forcément, lors de ses pérégrinations, traverser, voire stationner sur des estives. Et il va y laisser empreintes, poils, crottes.
Que va faire l’ours sur les estives ?
- Soit vaquer à ses occupations en se désintéressant des troupeaux d’ovins, il ne faut pas oublier que c’est un omnivore, végétarien à 80%. Rappelons pour exemple que les ovins lâchés au printemps à proximité du lieu de stationnement de l’ourse Sorita, en Béarn, ont fait l’objet d’un désintérêt marqué.
- Soit prédater une brebis pour la consommer. Laissant des indices de perforation ainsi que des hématomes sur la peau.
- Soit chercher des charognes, composant 50% de son alimentation carnée. Et ce ne sont pas les carcasses qui manquent dans les estives : l’élevage ovin pastoral en montagne perd en moyenne 5% de ses effectifs de causes « naturelles » (hors prédation par l’ours), selon des sources agricoles. Ce qui représente 1000 bêtes mortes de causes diverses parmi les 20000 présentes sur les estives d’Ariège ayant subi la prédation de l’ours en 2018. Les vautours, comme l’ours, ne s’y trompent pas. Ils sont parfois très nombreux sur certaines estives, à l’affût de toute opportunité. L’ours étant présumé coupable plutôt qu’innocent, sa consommation de carcasses récentes peut être classée en prédation, même si c’est en réalité du charognage. Car il est considéré que l’absence d’indices de morsures peut être due à leur disparition lors de la consommation.
Pour autant, même sans prédation, un troupeau de brebis peut-il s’affoler à la vue d’un ours et dérocher ?
Oui, mais c’est loin d’être une règle. Des cas documentés ont montré qu’un ours traversant tranquillement un troupeau, ou cherchant à y pénétrer et étant repoussé par les chiens de protection, si présents, n’a pas forcément déclenché de panique. Un cas anecdotique relate même le cas d’un troupeau suivant un ours !
L’Etat ne semble pas s’interroger outre mesure sur la situation particulière de la France.
Détenant la plus petite et plus fragile population d’ours de l’Union Européenne (UE), elle a aussi le triste privilège de montrer le taux de pertes d’ovins attribué à l’ours le plus élevé. Et de très loin.
Un ours en France est censé tuer 10 à 15 fois plus de brebis que les autres pays de l’UE. La problématique est la même concernant le loup et le lynx.
Ces problèmes de prédation excessive ne proviennent donc pas intrinsèquement de ces animaux, mais bel et bien de notre pays, de son organisation, de ses méthodes, de ses acteurs.
La politique actuelle de l’Etat vis-à-vis des prédations en Ariège va singulariser encore un peu plus notre pays qui finira par rejoindre la Norvège, outsider en Europe en termes de pertes de bétail par ours, mais aussi par loup et par lynx.
Il est de notoriété publique et officielle que la Norvège ne protège pas, ou très mal, ses troupeaux, et utilise de façon excessive des tirs létaux ne résolvant rien…. Ceci expliquant cela.